Au coin du feu, des connivences se créent [Jeile]

Un livre posé sur ses genoux repliés sous elle, Erasmia avait les yeux perdus dans le vague, les lèvres légèrement entrouvertes, laissant s'échapper un filet d'air au gré de sa respiration. Sa poitrine se soulevait lentement en un tempo calme, pendant que ses doigts caressaient doucement la reliure du livre, suivant son tracé en un mouvement répétitif. Ses prunelles bleues fixaient le néant, comme si elle avait été une statue, avec seulement sa respiration et le mouvement de son bras pour démontrer qu'elle n'en était pas vraiment une. Erasmia porta ses doigts dans ses cheveux, quittant la reliure pour les plonger dans ses mèches brunes qui retombaient en cascade sur ses épaules. Elle enroula une mèche autour de son index, la tournant et la vrillant avant de la relâcher, la laissant retomber mollement à sa place initiale. A cet instant, elle ne pensait à rien de particulier, c'est plutôt comme si son esprit s'accordait une pause de quelques précieuses secondes, un moment où elle pouvait ne penser à rien, où sa vie et ses préoccupations s'effaçaient pour laisser place au néant. Un moment d'absence pur comme il y en a très peu. Délectable.

Puis lentement, elle sembla revenir à elle, brisant le silence dans lequel son cerveau était plongé. Erasmia cligna des yeux, une fois, puis deux. Ses muscles se rappelèrent à elle, et en baissant ses prunelles vers le sol, elle se rappela qu'elle s'était assise par terre, près de la cheminée de la salle commune. Elle frissonna, et se rapprocha de la source de chaleur, entourant ses genoux de ses bras. La jeune fille fixa les flammes qui dansaient dans l'âtre, formant des sculptures et des dessins complexes qui se défaisaient aussi vite qu'ils se construisaient. La chaleur irradiait, réchauffant son corps endolori d'être resté trop longtemps dans la même position. Erasmia avait l'impression de s'être assoupie pendant quelques minutes, alors que son esprit avait été absent une poignée de secondes tout au plus. C'était effrayant de voir à quel point la perception qu'on a du temps qui passe peut être faussée, déformée. La Serdaigle secoua la tête, rassemblant ses idées. Ses mains se saisirent du livre qu'elles soutenaient et le refermèrent doucement, caressant la couverture lisse du plat de sa main.

Erasmia avait été étonnée de trouver la salle commune vide lorsqu'elle y était entrée une vingtaine de minutes plus tôt. L'heure du repas n'était pas encore tout à fait finie, mais elle aurait cru que quelques élèves se seraient déjà réfugiés dans les repaires propres à leurs maisons respectives. Au lieu de ça, un silence paisible l'avait accueillie, l'enserrant dans ses bras invisibles. Pourquoi ne pas en profiter ? C'était un moment rare, privilégié que de se retrouver seul dans une salle qui habituellement regorgeait de monde. Era se rendait de plus en plus compte à quel point elle appréciait le calme et le silence. Au début, c'était juste une manière pour elle de se retrouver seule avec elle-même, mais c'était devenu un besoin, presque une obligation. A laquelle elle obéissait volontiers.

Un bruit tenu l'interpella, et elle tourna la tête vers la source du bruit, faisant onduler ses mèches de cheveux sur ses épaules. L'heure du repas devait être finie, et il s'agissait sans doute d'élèves qui revenaient le ventre plein et l'esprit détendu. Baissant à nouveau les yeux vers le livre qu'elle tenait, ses paupières se fermèrent une seconde, savourant les dernières fractions de seconde de calme. Puis elle rouvrit les yeux, et un léger soupir s'échappa de ses lèvres. Erasmia posa le livre à côté d'elle, et resserra la prise de ses bras autour de ses jambes repliées contre elle.

Invité

Les rires perçaient de tout part alors que les derniers mets venaient d’être ingurgités par les derniers élèves. Certains avaient déjà déserté les tables et d’autres s’attardaient. Jeile mangeait toujours excessivement lentement, cela était donc naturel qu’il fût l’un des seuls à ne pas avoir fini son assiette alors que même les professeurs avaient pour la plupart disparus. Il se résigna à ne pas écorcher davantage son morceau de cake car l’appétit s’en était allé. Dans geste nonchalant, il dénoua quelque peu sa cravate et laissa sa chemise indisciplinée s’affirmer en dépassant de son pantalon. Ses quelques amis ayant pris le chemin du dortoir quelques minutes plus tôt, il se décida à en faire autant. Il retroussa les manches de son pull et s’aventura dans le grand hall en sifflotant. L’un dans l’autre, la journée avait été bénéfique. Il avait réalisé à merveille un sort de protection en défenses contre les forces du mal. Même en botanique, il fût surpris de réaliser que la plante dont il devait prendre soin avait tenu plus de deux jours. Bon, bien sûr, à l’heure actuelle, à part un tas de ramures desséchées dégageant une odeur insoutenable, il n’en restait rien de potable… Mais c’était une amélioration, non ? Les rayons du Soleil s'affichaient allègrement contre sa peau, cela en était délectable en cette fin de journée où seuls quelques pas et des gloussements naissaient dans le méandre des escaliers. A l’abri des fantômes. Oui, c'était sa façon de qualifier sa vie à Poudlard. A l’abri et à la fois à découvert, car chacun de ses pas était dicté par ses propres spectres. Personne n’aurait pu le deviner et pourtant, si il respirait l’air filtrant les murs épais de la bâtisse, c’est qu’au delà de la formation, il y avait une raison beaucoup plus forte que l’étude même. Peu importait pour l’heure, scellé sous le poids d’un bonheur éphémère, il s’acharnait à mener un existence plus ou moins équilibrée en ne laissant à personne le droit d’atteindre ce qu’il était. Cette créature là était trop laide à montrer, il se la gardait pour les soirs où les pleures de sa mère percutait le seuil de sa chambre.

Il s’engouffra dans la salle commune avec l’esprit absent et c’est encore au creux de sa divagation que ses yeux rencontrèrent une silhouette familière derrière les bandes compactes d’élèves se prélassant dans la pièce. Elle cogna ses rétines car elle semblait aussi détachée de l’activité présente que lui. Rêveuse et ailleurs, elle était recroquevillée sur elle-même rappelant par là même la bulle dans laquelle elle s’était emmurée. Calmement, il approcha sa position et s’assit à ses côtés sans chercher à la brusquer. Il analysa sommairement le livre qu’elle avait dû lire un peu plus tôt, se demandant si c’était un de ses affreux traités de botanique… quelle drôle de passions, les plantes et autres végétales. Silencieux, à peine conscient… Bof. Elle tourna sa tête dans sa direction et il en profita pour démarrer le débat habituel.

Alors comment vont les plantes aujourd’hui ? J’ai entendu que Chourave t’a louangé à excés auprès des première années. Si des petits d’un mètre cinquante t’approchent, un conseil commence à préparer la plume et le parchemin pour les autographes !

En voyant sa mine contrariée, Jeile partit sur un fou rire incontrôlable. Elle était trop facilement fâchée, c’en était grisant. Ses grands yeux bleu le toisaient toujours alors qu’il reprenait consistance.

Je blague, voyons ! Je jalouse ton talent pour une matière que je ne maîtriserais jamais ! Enfin… A part ça, ta journée ? Tu es partie vite après avoir manger non ? Je t’ai même pas vu quand ils ont disposé les desserts ! Une soudaine envie de dévorer un ouvrage peut être ?

Le sourire moqueur de Jeile pendait à ses lèvres alors que ses prunelles se posaient affectueusement sur Erasmia Lewis. Elle faisait parti de ses rares amis et il appréciait autant sa franchise que son intelligence parmi les autres innombrables qualités qu’elle possédait.

Bonjour à toi aussi Jeile, quel plaisir de te voir

Je n’avais pas très faim en fait, et quand j’ai vu qu’il n’y avait personne ici j’ai préféré rester et lire. A vrai dire, je lorgnais sur ce bouquin depuis un petit temps, il me faisait même de l'oeil à la bibliothèque si tu veux tout savoir

Orgueils et préjugés

Oui je sais, c’est TOTALEMENT un livre de filles, mais bon, on ne se refait pas…

Et toi ? Raconte, qu'est ce qui s'est passé de croustillant à se mettre sous la dent aujourd'hui ?

Invité

HJ: désolée c'est pas top... & désolée pour l'attente

Jeile avisa du bout des yeux la couverture qu’elle plaça sous son nez, la vieille couverture rapiécé avait davantage des airs de relique que d’ouvrage enivrant. Les filles & leurs histoires d’amour complexes quasi insaisissables. Le jeune homme ne pu retenir son rictus quand elle chercha à se justifier, pas vraiment honteuse. Elle anticipait juste ses songes. Au vu de son air un peu boudeur & suppliant, le serdaigle ne put davantage profiter de la situation & profita même pour y mettre un terme.

Je ne ferais aucun commentaire. Je te le promet.

Il mima une métaphore de bouche cousue & enchaîna son mouvement en prenant place à ses côtés. Il rejeta sa tête vers l’arrière jusqu’à ce qu’elle heurte le dossier du divan puis il inclina la nuque de sorte qu’il put converser sans entraves visuelles avec la jeune fille.

Mmh, journée plutôt paisible aujourd’hui. Pas d’histoires bien passionnantes j’en ai bien peur. Enfin à moins que tu n’aies pas entendu parler de la mésaventure de Larry, de troisième année ? Mais bon la rumeur a déjà fait pas mal le tour du château. Le pauvre… Enfin, il l’a aussi cherché, quelle idée d’enfreindre le code & de faire trempette dans la salle de bains des préfets.

Jeile soupira haussant des épaules avec exagération.

Sinon, je viens d’apprendre l’existence d’un bal. Je ne sais pas comment j’ai fait mais je te jure que je n’en avais même pas entendu parler.

La voyant pincer des lèvres, le serdaigle déduit ce qu’il avait déjà tiré comme hypothèse un peu plus tôt en en parlant avec son meilleur ami, Alan Jones. Bien, donc, si il avait saisi leurs histoires, son amie devait se sentir embarrassée car elle n’était pas sans savoir que la personne qu’il côtoyait le plus était celui qu’elle avait éconduit après lui avoir fait une promesse. Il ne voulait pas la poser en situation inconfortable & chercha un moyen de ne pas s’aventurer davantage dans cette discussion.

Enfin, qui ça intéresse ce genre de choses ? Un bal... pfff

Voyant qu’elle restait aussi crispée que fermée, Jeile lui servit une boutade amicale en la poussant légèrement de son coud.

T’en fais pas, c’est pas mes oignons ce qui s’est passé entre toi & Alan.

Le sorcier lui adressa un franc sourire puis s’intéressa au bouquin toujours captif des paumes voisines. Toute tentative de diversion était à prendre même celle là. Oui, même celle là. Même si cela signifiait Jane Austen & des fantasmes pour jeune fille esseulée.

Je peux ? Ma curiosité l’emporte. Je me suis toujours demandé ce que pouvait abriter ce genre de bible féminine. Avoue franchement que la plupart du temps vous vous passionnez par des histoires abracadabrantes. Nous ne sommes que de pauvres hommes, ne soyez pas si critique envers nous.

En employant ce ton moqueur, il était presque sûr de ravir son attention. Tandis qu’il feuilletait sans vraiment le scruter, le livre qu’il lui avait emprunté. Il lut un passage en hasard, déversant quelques éclats de rire alors que l’auteur décrivait en détails les émois qui courrait dans l’esprit de son héroïne.

N’importe quel homme aussi abject que ton Mr Darcy, aurait déjà pris une gifle. Je pense à quelqu’un en particulier à qui s’est arrivé y a pas longtemps, mais je suis sûre que tu connais l’histoire. James Potter nourrit souvent les ragots, donc d’office, tu en as eu vent.