Au détour d'un couloir, quand s'amuse le hasard... [Cassandre]

Durant toute la nuit, le vent avait tenté de forcer les défenses de Poudlard, grondant, s'acharnant pour le voir tomber comme un vulgaire château de cartes. Mais la vieille bâtisse, soucieuse de sa mission - protéger en son sein de jeunes sorciers endormis - avait fait face, comme de coutume, imposante et stoïque. Les songes des élèves avaient probablement été perturbés par ces claquements sonores, cette piteuse démonstration de force dont le vainqueur ne pouvait être contesté, cependant la sécurité de ces murs avait quelque chose de grandement rassurant.
Puis l'aube s'était levée, tendre et claire, et avait poussé ses timides lumières jusqu'à la face Est de Poudlard. La journée pouvait commencer. L'immense édifice sembla lui-même s'éveiller, étirant douloureusement ses membres engourdis, tandis que, partout, le murmure de la nuit s'amplifiait, pour bientôt laisser place au vacarme du jour. Des quatre coins du château, les élèves affluaient à présent, leur estomac criant famine, en direction de la Grande Salle. Les rires et les cris se répandirent dans l'air, plus contagieux que jamais. Une excitation toute particulière ébranlait les murs de Poudlard, se propageant telle une trainée de poudre. Lorsque la Grande Salle se fut entièrement remplie, le même mot était sur toutes les lèvres : Bal. Le grand jour était enfin arrivé, puisque le Bal d'Halloween se tenait ce soir-même au château. Partout, les jeunes sorcières murmuraient aux oreilles de leurs amies, gloussaient nerveusement pour un oui ou pour un non, ou cherchaient ostensiblement le cavalier de telle ou telle élève. Les jeunes sorciers, quant à eux, ne manifestaient pas autant d'enthousiasme. Pareils à eux-mêmes, ils discutaient Quidditch en jetant des regards agacés aux filles surexcitées qui les entouraient.
Dans cette euphorie générale, Thaddeus s'était tenu à l'écart de la Grande Salle et parcourait les couloirs, l'air renfrogné. Il n'était pas parvenu à se trouver de cavalière et, lors de la dernière réunion du club de Slug, son directeur de maison lui avait rappelé une demi-douzaine de fois combien son absence le décevrait. Pourtant, le jeune homme n'était absolument pas décidé à inviter une fille quelconque juste pour le principe : s'il le fallait, il irait seul, et tout serait pour le mieux. Fixant le sol d'un air sombre, les immondes caquètements de Peeves l'arrachèrent tout-à-coup à ses pensées. S'apercevant de la présence du jeune homme, l'esprit frappeur laissa négligemment tomber la pile de livres qu'il avait entre les mains, livres qui s'éparpillèrent bruyamment dans le couloir silencieux.

- Mais c'est le jeune Avery ! ricana le fantôme en faisant des bruits grossiers avec sa bouche. Qu'est-ce que ce passe mon petit pote, tu es tombé du lit ?

- Dégage Peeves ! tonna Thaddeus, les poings serrés.

- Ooooh on est sur les nerfs ? On se calme petit Avery, ou le méchant Peeves va prévenir ta maman que tu es très grossier avec lui !

Il se mit à tourner autour de lui, puis se lassa et disparut en chantonnant.
Sa mauvaise humeur décuplée, Thaddeus accéléra le pas et, après quelques minutes, s'arrêta devant la porte du cours d'histoire de la magie. Il s'assit en silence, adossé au mur de pierre, et patienta, les yeux dans le vague. Ce stupide bal, pourquoi était-il obligé d'y aller ? Pour faire plaisir à ce balourd de Slughorn ? Il ne put s'empêcher de ricaner. Quelle perte de temps ! Ses pensées dérivèrent immanquablement vers les couples qui se montreraient lors de cette soirée, et tout particulièrement vers l'un d'eux : Severus et cette Sang-de-Bourbe d'Evans. L'avait-il invitée ? Probablement. Un éclat mauvais passa dans les yeux de Thaddeus. Il balaya cette vision de son ami, dansant avec la fille au milieu de la Grande Salle, et ferma les paupières en laissant sa tête reposer contre le mur froid. Au bout d'un instant, un bruissement d'étoffe le fit ouvrir les yeux. Un pas léger et silencieux se rapprochait. Il se redressa et s'appuya négligemment contre le mur. Une silhouette gracile dépassa l'angle du couloir et Thaddeus reconnu immédiatement les traits fins et délicats de Cassandre Scott. Cette dernière, levant les yeux sur lui, s'arrêta à quelque distance et accrocha délicatement son regard à celui du jeune homme.

Lorsque Cassandre entra dans la Grande Salle ce matin-là elle eut l'impression d'avoir été happée dans une ruche où des centaines d'abeilles bourdonnaient. C'était désagréable, très désagréable même. La jeune fille fronça le nez, alla prendre une pomme et partit immédiatement de cet endroit bruyant. Pourquoi faisaient-ils autant de bruit ? Encore pour les premières années, elle pouvait comprendre mais pour les autres... ils devraient avoir passé l'âge de ces enfantillages, surtout de bon matin. Elle secoua la tête, balançant ses cheveux dorés en arrière, en songeant qu'elle parlait comme la directrice des Gryffondors.

La Serpentard croqua dans son fruit faisant couler le jus dans sa gorge, la rassasiant déjà. Elle aimait beaucoup ce fruit jusqu'à ne manger que cela pour un simple repas. Elle allait mordre une seconde fois lorsque son regard fut attiré par une affiche placardée en grand devant la Grande Salle. Intriguée, elle s'en approcha pour mieux se reculer lorsque les gros caractères lui sautèrent aux yeux : l'affiche annonçait le Bal d'Halloween.

Cassandre grimaça franchement. Elle qui détestait tant ces mondanités, voilà que Dumbledore s'amusait à en organiser. Elle poussa un profond soupir d'ennui et songea qu'il fallait qu'elle ressorte une robe... de toute façon, elle comptait simplement faire une rapide apparition. Elle n'avait pas de cavalier et elle ne savait pas danser. Deux points qui étaient primordial, voir même vital pour certaines filles de cette école.

Une fois sa pomme finit, Cassandre jeta ce qu'il en restait dans une poubelle et prit la direction des couloirs pour s'éloigner de ce bruit incessant et agaçant. En route elle croisa une bande de Gryffondors qui la bouscula. Elle dut user d'une bonne maitrise de soi pour ne pas leur lancer de sort mais elle préférait fonctionner avec sa tête plutôt qu'avec sa baguette. Sa route rencontra, également, celle de l'esprit frappeur de Poudlard - Peeves. Merlin qu'elle ne supportait pas cet esprit ! Elle préféra ignorer toute remarque de sa part, faisant une totale abstraction de lui et poursuivit sa route pour se rendre devant la salle d'Histoire de la Magie.

Pensive elle dépassa l'angle du couloir et se rendit compte qu'une silhouette était déjà là. Une agréable surprise lorsqu'elle reconnut un garçon de sa maison qui n'était autre que Thaddeus Avery. Cassandre passa devant lui et capta ce regard noisette pendant quelques secondes puis, comme gênée, elle détourna gracieusement la tête et alla s'appuyer contre le mur de l'autre côté de la porte.

-Bonjour, finit-elle par dire après un léger moment de flottement.

Je suis tellement désolée pour tout le retard de ce mini-post ! Pardon pardon pardon !


Ses yeux d'azur s'attardèrent un instant dans l'obscurité interdite du regard de Thaddeus. Puis, comme si cela avait quelque chose d'indécent, elle se détourna avec élégance, son visage se perdant dans la cascade dorée de ses cheveux. Le jeune homme regarda sa silhouette silencieuse s'appuyer contre la pierre, en vis-à-vis de lui, et s'imprégna du silence qui s'était insinué entre eux. Bien malgré lui, il se mit à sonder chacune de ses expressions, chacun de ses mouvements quasi indiscernables. Après un instant d'indécision, elle sortit de son mutisme et sa voix douce alla se perdre dans l'air froid de l'automne naissant.

- Salut, Scott, répondit-il simplement.

Elle risqua un coup d'œil au jeune homme, qui crut y percevoir de la surprise. Son ton ne lui plaisait-il pas ? Peu lui importait, après tout. Il avait d'autres choses en tête et n'avait pas envie de se forcer à paraître agréable avec qui que ce soit. Un nouveau silence les enveloppa tandis que tous deux, gênés ou indifférents, fixaient le sol. Les pensées de Thaddeus étaient obnubilées par ce stupide bal. Toutes ces mondanités avaient quelque chose de profondément agaçant. Levant soudainement les yeux, la mâchoire serrée, il s'aperçut que Cassandre l'observait. Il y eut un bref temps d'arrêt, durant lequel ils se fixèrent étrangement. Puis il se força à lui sourire. Ce qui l'étonna lui-même. Une légère fossette se dessina sur le doux visage de la jeune femme.

- Les bals, qui a jamais trouvé ça intéressant ? railla-t-il comme pour se justifier.

Effort de loquacité inattendu pour un Avery, minauda une petite voix dans sa tête. Il ne put s'empêcher de tiquer.

- Tu a prévu d'y passer ?

Trois phrases en moins de deux heures... ton record personnel ! Balayé d'un cillement.

Surprise de sa réponse, Cassandre tourna rapidement sa tête vers son camarade de maison. Il lui avait répondu et pourtant elle l'avait salué doucement. Elle se ressaisit lorsqu'elle aperçut sa mâchoire se crisper. Un mouvement infime et à peine perceptible, mais pourtant, la jeune fille avait vu ses joues se contracter doucement, donnant à ses traits un aspect un peu plus dur. Quelque chose tracassait, voir même embêtait, le jeune homme. Dans un sursaut d'audace, Cassandre lui aurait demandé ce qu'il avait, mais aujourd'hui, elle n'en avait pas envie. De plus, ce n'était pas dans ses habitudes et elle ne connaissait pas vraiment Thaddeus Avery au final. C'était la première fois qu'ils se retrouvaient seuls, rien que tous les deux sans d'autres élèves autour d'eux.

Alors qu'elle se perdait dans des élucubrations bien trop hors du contexte, le Serpentard sortit de son silence et sembla justifier son air contrarié. Donc c'était le bal qui lui tirait soucis. Oh comme il pouvait avoir raison. Un bal n'était pas intéressant du tout. C'était un moment pénible à passer, vêtu d'une robe ou d'un costume trop encombrant et hors de nos habitudes. Il faut toujours paraître présentable, se tenir bien droit et avoir un langage approprié. Certes les bals de Poudlard n'étaient pas comme cela et fort heureusement d'ailleurs ! mais le principe rester le même : le temps d'une soirée, il fallait être bien habillé et avoir un cavalier adéquat.

- Tu a prévu d'y passer ?

La question surprit la jeune fille.

-Mh... je l'ignore encore. Les bals ne sont pas des endroits auxquels je me sens à l'aise et... je ne sais pas danser.

Réponse brève et complète.

-Et toi ? Ajouta-t-elle.

Cassandre avait répondu simplement, sans se perdre dans des bavardages futiles. Rien que pour cela, le Serpentard fut pris d'un élan de gratitude envers elle. Les gens parlaient trop à son goût, commères avides, pinailleurs agaçants. Parler pour ne rien dire semblait être le propre de l'Homme.
Il sourit faiblement lorsqu'elle évoqua son niveau en danse. Lui-même n'étant pas le plus assidu des danseurs, il ne pouvait que comprendre son aversion. Il passa distraitement une main dans ses cheveux en repensant aux quelques bals auxquels il avait été forcé d'assister. Des cavalières plus insipides les unes que les autres, de la musique assommante et ces conversations, formelles & interminables à souhait. Son pire cauchemar, de toute évidence. Effaçant d'un cillement ces souvenirs peu mémorables, il reporta son attention sur la jeune fille et lui répondit, l'air renfrogné :

Je suppose que je devrais. Notre capitaine veut qu'on soit tous présents. Et je ne te parle pas de Slug !

Il soupira, les yeux dans le vague. L'admettre lui était très difficile, mais il devait se rendre à l'évidence : il était coincé. Il détestait faire quelque chose contre sa propre volonté, mais il allait y être contraint. Sans s'en apercevoir, il fronça le nez de mécontentement et se mit à pianoter de sa main droite sur le mur derrière lui. Une soirée de perdue. Si seulement... Ses yeux se posèrent à nouveau sur Cassandre. Une pensée s'insinua dans son esprit et, avant qu'il n'ait pu réprimer l'élan d'audace qui s'était subitement emparé de lui, il lui demanda d'un ton dégagé :

Ça te dirait d'y faire une apparition avec moi ? En tant que cavalière ?

Après tout, elle ne semblait pas du tout aussi immature que toutes ces autres filles et, aux dernières nouvelles, elle ne gloussait pas. Point non-négligeable, incontestablement.
Sans oublier que, quand il ne s'obstinait pas à se voiler la face, il la trouvait très séduisante.

Tout en parlant, Cassandre, toujours appuyée contre le mur, ses mains posées sur la pierre froide et rugueuse, jouait avec le bout de sa chaussure à faire rouler un petit caillou qui traînait dans le couloir à hauteur de ses pieds. Thaddeus paraissait aussi enchanté qu'elle lorsqu'il était question d'un bal. Cela la rassurait un peu, elle n'était pas quelqu'un de totalement exclue qui n'aimait pas les mêmes choses que les autres. Ce fut avec plaisir qu'elle constata que certains pensaient que beaucoup de choses n'avaient pas lieu d'être. La jeune fille retint un léger rire en repensant à toutes ces filles qui n'attendaient qu'une chose : être invitées par le beau garçon qui faisait chavirer leur coeur.

Thaddeus ferait une apparition. la Serpentard supposa qu'il avait déjà une cavalière. D'après ce qu'elle entendait, le jeune homme présent à quelques mètres d'elle était pas mal demandé même s'il semblait discret. Mais ne dit-on pas que ce que l'on recherche frôle souvent le mystérieux ? Cassandre ramena une mèche de ses cheveux dorés derrière son oreille lorsque le jeune homme lâcha une demande à laquelle la Serpentard ne s'y attendait pas du tout. Elle eut un moment de réaction assez long, les yeux écarquillés par la surprise et le coeur entrant dans une course effrénée. Il venait de l'inviter au bal. Habituellement, une jeune fille normale aurait sauté de joie (voir même pleuré) et serait entrée dans une crise d'hystérie profonde, mais là... ce fut autre chose qui sortit :

-Tu... tu veux aller au bal ? Avec... moi ? Hésita-t-elle.

Elle se détacha du mur, posant son sac au sol et regarda Thaddeus. Il devait plaisanter, pourquoi irait-il s'embêter avec une fille comme elle alors que beaucoup de jeunes filles pairaient pour être à sa place ? Elle qui était si inintéressante. Thaddeus parut surpris, la réaction de Cassandre n'était pas celle à laquelle il s'était attendu. Voyant cela, la Verte et Argent se ressaisit, elle reprit un masque impassible et répondit en affichant un léger sourire en coin.

-Oui pourquoi pas. Je ne t'obligerai pas à danser au moins.

HJ/ Je me CONFONDS en excuses !!! J'irai me flageller avant de me coucher pour t'avoir fait attendre comme ça ! ^^



Pris au dépourvu par la réaction de la jeune femme, Thaddeus se figea et haussa légèrement les sourcils. L'hésitation sincère qui s'était emparée de la Vert et Argent le déstabilisait. Elle semblait différente. Appartenant à un univers propre à elle seule. Plongée dedans à tel point qu'elle ne songeait même pas qu'il attendait une réponse. Une pointe d'amusement parvint à le titiller, et il repositionna son dos sur la pierre en la voyant poser doucement son sac. N'y tenant plus, il se racla la gorge et lui répondit brièvement.

Oui, je... ne te l'aurais pas demandé sinon.

Il laissa flotter un léger sourire sur ses lèvres tandis qu'elle semblait brusquement se ressaisir. Elle lui répondit par l'affirmative, notant au passage qu'ils ne devraient ainsi ni l'un ni l'autre s'infliger la corvée de la danse.

Parfait. Je n'en attendais pas moins de toi !

Amusé, il lui offrit un sourire charmeur. Sa mauvaise humeur s'était dissipée. Il irait au bal, ne décevrait ainsi personne et ne devrait pas supporter tout la soirée une dinde, insistant à tout bout de champ pour qu'il lui offre une danse. Avec Cassandre comme cavalière, il parvenait presque à songer que ce ne serait pas une soirée perdue. Après tout, si tout tournait obligatoirement comme prévu, cela n'avait pas le moindre intérêt...
Il ne quittait plus la jeune fille des yeux, à présent. & elle le remarquait, sans aucun doute. Mais c'était pour lui une habitude. Il épiait les gens, ceux qui en valaient la peine à ses yeux, bien évidemment. Ou plutôt, il épiait leurs gestes, leurs réactions, qui permettaient de révéler leur vraie personnalité. Pour lui, rien ne définissait mieux une personne que la façon qu'elle avait de se conduire. Les mots n'étaient après tout que les reflets insipides d'âmes dissimulées avec application.
Des bruits de pas interrompirent sa rêverie en se répercutant dans les couloirs jusqu'alors paisibles : les cours allaient commencer. Les premiers Serpentards tournèrent à l'angle de l'allée et les rejoignirent tous deux, se dirigeant par habitude vers l'un ou l'autre. Wilkes et Rosier saluèrent vigoureusement Thaddeus, qui leur adressa un signe de tête complice. Mulciber arriva à son tour, le pas traînant et le regard sombre, juste après Severus, qui marchait d'un pas mesuré. Thaddeus se rappela soudain de la requête que Mulciber lui avait formulé la veille, dans la Salle commune. Il souhaitait prendre sa place à côté de Severus aujourd'hui, pour une raison que Thaddeus, peu attentif, n'avait pas relevée. Son regard se porta d'instinct vers Cassandre et un sourire étira ses traits. Lorsque le flot de Serpentards entra dans la classe, et dans un élan d'audace, il se faufila vers elle et la retint doucement par la main.

Me ferez-vous l'honneur de votre présence mademoiselle ? murmurra-t-il, rieur.

Bien vite les élèves affluèrent en direction de la salle de cours. Cassandre eut tout le loisir de rester bien stupéfaite. La journée avait bizarrement commencé. Une migraine... peut-être comme d'habitude, des Gryffondors toujours aussi profondément imbéciles, mais une invitation au bal par l'un des garçons le plus prisé de Poudlard. Elle vit quelques filles passer devant elle en gloussant lorsqu'elles aperçurent Thaddeus. La jeune Serpentard leva les yeux au ciel, agacée de voir que rien ne changeait et ça n'allait pas en s'arrangeant. Par chance, la maison des verts et argents était un peu plus digne que les autres. La jeune fille reprit son sac voyant que son camarade de maison était concentré à parler avec ses amis. Elle attendit quelques secondes avant d'entrer à son tour dans la salle de classe.

Alors qu'elle tentait de voir un bureau de libre, elle sentit qu'on l'attirait en arrière. Une main chaude et douce à la fois puis si masculine. Un frisson parcourut la jeune fille, sa main à elle était glacée. Une partie de son corps qui l'était toujours d'ailleurs. Elle se retourna et fit face à Thaddeus... de nouveau.

Me ferez-vous l'honneur de votre présence mademoiselle ?

Cassandre eut du mal, une fois encore, à réaliser ce qu'il venait de dire. Maintenant il voulait s'asseoir avec elle en cours ? Allait-il neiger bientôt ? Dire que quelques jours auparavant elle était presque insignifiante... peut-être arrivait-elle à mieux s'ouvrir aux autres maintenant qu'elle était plus loin de ses parents. Elle secoua la tête et hocha simplement la tête en souriant.

-Si tu veux être mon compagnon de mésaventure en histoire de la magie, [i]plaisanta-t-elle en le regardant dans les yeux.

Elle l'amena à sa place habituelle, proche de la fenêtre. La jeune fille aimait beaucoup cette place, surtout en histoire de la magie. Une matière qui pourrait être intéressante si elle n'était pas enseignée par un professeur à la voix soporifique. Étrangement dès qu'il ouvrait la bouche, l'extérieur de la salle devenait extrêmement intéressante. Une feuille qui passe devant la fenêtre, un oiseau qui vole ou la pluie qui s'abat sur Poudlard. Même si elle, elle regardait dehors, elle savait que ses camarades s'adonnaient à des jeux comme le pendu ou le morpion, d'autres dessinaient dans leur coin ne faisant pas attention à ce qui pourrait se passer. Il y a tout de même quelques courageux qui prennent des notes et écoutent leur professeur. Certains dorment affalés sur leur table ou alors les yeux ouverts, fixant un point inexistant.

En bref, Binns ne savait pas capter l'attention de ses élèves et c'était bien dommage. Cassandre soupira en s'installant et scruta la salle de classe pour s'apercevoir que plusieurs filles la regardaient étrangement... comme si elles allaient lui sauter dessus. Elles semblaient jalouses. La Serpentard devinait aisément leurs pensées maintenant. Pour une fois, elle se sentait fière et elle avait envie de s'amuser avec ça. Elle leur lança un sourire suffisant et se tourna vers Thaddeus avant de lui faire un léger sourire. Du coin de l'œil, la jeune fille les vit pâlir pour son plus grand bonheur. Par Merlin, son âme de Serpentard se réveillait. Elle secoua la tête et s'assit puis se pencha vers le jeune homme et lui murmura :

-Tu crois qu'un jour Binns s'endormira en faisant ses cours ?

Cassandre s'étonna toute seule. C'était la première fois qu'elle parlait autant avec quelqu'un... après Erasmia.

La confusion s'empara à nouveau de ses traits... ce qui enchanta Thaddeus. Captant son sourire, il le lui rendit, rieur. Tant de candeur le touchait.

De mésaventure, quelle idée ! plaisanta-t-il. Je trouve ce cours d'un passionnant !

Souriant, il la suivit lorsqu'elle l'emmena à sa place habituelle, juste à côté de la fenêtre. Un choix judicieux pour un cours tel que celui-là. L'étude des Moldus revêtait encore plus d'intérêt que ce monologue soporifique sur les révoltes des gobelins, asséné encore et encore depuis leur première année. Étrangement, une fois le seuil de la classe passé, le moindre petit rien prenait subitement un aspect incroyablement passionnant. Les nervures du bois des chaises ou des bancs, le vol des mouches et leurs trajectoires complexes, les pigmentations variées des plumes, les nuances des parchemins, les différents contrastes qu'offraient la luminosité de la pièce, les cicatrices diverses des manuels,... Et - si l'on parvenait bien sûr à passer en revue en une heure de cours toutes ces choses – il restait une dernière échappatoire : l'extérieur. Les feuilles mortes qui virevoltaient dans l'automne grisonnant, les nuages chargés de pluie, les balancements des arbres dans le Parc, les balades des insectes sur les vitres, bref, il y en avait vraiment pour tous les goûts. Une chance ! Voilà pourquoi Thaddeus s'enthousiasma du banc choisi par Cassandre : étant habituellement assis à l'exact opposé de la salle, les possibilités d'observation de la faune & flore locales étaient rapidement restreintes.

Ils s'installèrent tranquillement, chacun plongé dans ses pensées respectives. Tandis qu'il balayait la salle d'un regard, Thaddeus remarqua quelques filles assises à un ou deux bancs devant eux et qui s'étaient ostensiblement retournées. Il fronça les sourcils et se tourna vers Cassandre, décidé à les ignorer... lorsqu'il s'aperçut qu'elle aussi fixait les jeunes filles. Intéressé, il observa la scène et silence. Le regard que leur lança finalement Cassandre le désarçonna et il manqua d'éclater de rire. La Serpentarde en elle se faisait sa place, reprenait ses droits. Quel spectacle ! Étonné, comme fasciné, il ne la lâcha pas du regard. Elle se tourna brièvement vers lui, lui sourit doucement... et jeta un regard en coin à leurs épieuses. Machiavélique. Vraiment machiavélique ! Puis, l'air de rien, elle se pencha vers lui et lui murmura à l'oreille.

Je suppose, répondit-il en riant. L'accomplissement de toute une carrière !

Binns fit son entrée dans la salle et débuta sa litanie habituelle. A peine eut-il prononcé quelques mots que tous les élèves s'étaient déjà détourné, jetant les armes et laissant aux murs le soin de jouer les spectateurs. A chaque cours se déroulait le même rituel. Un, chacun se disait que, finalement, ce ne devait pas être si terrible. Deux, il tentait d'écouter. Trois, il abandonnait. Le schéma du cours dans toute sa splendeur. Celui que, d'une manière ou d'une autre, tout élève normalement constitué finirait par suivre. Une institution.
Ayant cette fois boycotté les deux premières étapes, Thaddeus s'adressa à sa voisine tout en fixant leur professeur.

Tiens, je crois que justement c'est au programme d'aujourd'hui...

Dans un sourire, il s'attarda sur le visage fatigué du vieux professeur. Ses paupières se fermaient d'elles-mêmes derrière ses lunettes épaisses qui lui donnaient un air ahuri. C'était comme si, brusquement, son corps allait s'écrouler sur le sol et que son fantôme allait continuer à donner cours à sa place. Il fit part de cette impression à Cassandre, qui pouffa devant son improbabilité.

Qu'en sais-tu après tout ! rit-il, l'air faussement offusqué. La classe pourrait tout aussi bien être assaillie qu'il ne le remarquerait pas !

Dans un sourire amusé, Thaddeus écouta sa voisine prendre la défense d'un Binns hypothétiquement plus courageux qu'il ne le laissait paraître. Il fixa un instant le dit héros et haussa les sourcils.

Mmh... Disons que si ce jour arrive je reconsidèrerai la valeur de notre cher professeur. Mais, en attendant - il se tourna vers Cassandre - il reste le pire enseignant de toute l'école !

Elle rit de bon cœur et se mit à l'observer avec un regard différent, un peu surpris... agréablement surpris, s'il ne se fourvoyait pas. Ce regard le toucha, il n'aurait su dire comment. Un sentiment positif à son égard, de par son côté incongru, le laissait perplexe ; son envie de se replier, de chasser cette intimité nouvelle se heurtait à un désir curieux de tenter le diable, de se laisser emmener là où il n'allait jamais, d'habitude. Ses doigts pianotaient distraitement sur le banc usé quand il capta le soupir et le murmure ennuyés de Cassandre, qui s'était visiblement essayée à suivre le cours. Il la fixa un instant : elle semblait au bord du sommeil. Dans le regard qu'ils s'échangèrent perça leur ennui mutuel et c'est elle qui prit la parole, demandant un peu de distraction dans cette atmosphère narcotique. Il se creusa les méninges un instant et soupira.

Pour être honnête je ne vois que... la fuite. Mais on peut toujours se rabattre sur le recensement des arbres du parc.

L'ennui venait à chaque seconde alourdir un peu plus l'atmosphère. Thaddeus aurait voulu trouver de quoi distraire sa camarade, mais toute cette langueur était comme contagieuse. Inconsciemment, il se mit à observer Pettigrow, cet empoté, toujours aussi pantois devant Potter et Black, ces crétins. Il siffla de dépit. C'était triste à voir. Plus par ennui que par esprit de vengeance ou de méchanceté gratuite, il saisit sa baguette et lança sur le Gryffy un rapide sortilège de conjonctivite. Voilà qui t'aidera à ne pas te perdre dans la contemplation de deux idiots pitoyables et orgueilleux.
Pettigrow, cette petite nature, s'était presque aussitôt mis à geindre, les mains devant les yeux. Tsss... pitoyable. Une petite cécité à peine douloureuse. Il leva les yeux au ciel et annula son sortilège en soupirant. Si l'on ne pouvait même plus s'amuser...
Le jeune homme commença alors à faire léviter tous les objets qui étaient à sa portée. Tout en jouant distraitement de la sorte avec sa plume, il s'adressa à Cassandre, le regard fixé sur le va-et-vient silencieux du duvet sombre.

Au fait je ne t'ai jamais demandé, tu n'es pas née ici si je ne m'abuse ?