Quand Aigles et Serpents cohabitent... [Thaddeus] [TERMINÉ]

Comment mal commencer une journée ? Erasmia avait visiblement trouvé le moyen de le faire avec un minimum de difficultés, et un maximum de contrariétés. Ouvrant les yeux ce matin-là, la Serdaigle se rendit compte qu'il était tard. Beaucoup trop tard. Elle aurait déjà du être lavée et apprêtée et se trouver en train de déjeuner avec ses camarades de maison. Malheureusement pour elle, son premier cours commençait vingt minutes plus tard, elle pouvait par conséquent oublier un quelconque repas dont elle se contenterait de rêver en cours en salivant discrètement. Elle consacra donc toute l'énergie dont elle était capable au saut du lit à s'habiller et préparer en tout hâte ses notes de cours. Elle aurait l'air maligne si elle arrivait en retard et de plus, sans ses manuels. Quinze minutes plus tard, Era se dépêchait vers sa classe, esquivant comme elle pouvait les troupeaux d'élèves sur son chemin. Il ne fallait pas qu'elle arrive en retard, elle détestait ça ! Soudain, un dos massif apparut devant elle, suivi - tout naturellement - d'un corps, et la jeune fille dut s'arrêter en plein élan pour ne pas finir sa course en roulé-boulé. Le choc fut inévitable mais sans conséquence, si ce n'est que l'élève mécontent se retourna pour lui lançer un regard assasin. Balbutiant un "Pardon" pas très convaincant, Era reprit sa course et arriva finalement devant la bonne porte. Soulagée, elle vit que les derniers élèves entraient dans la salle, et se joignit à eux en reprenant son souffle. Pour l'instant, elle avait bien rattrapé le tir.

La jeune fille s'assit à une place qui n'était pas sa place habituelle, mais elle s'en contenterait. Posant son Syllabaire sur le bureau, ses yeux scrutèrent la salle, passant sans trop les voir sur les Serpentards, s'attardant plus sur ceux de sa maison, distribuant un ou deux sourires. Jusqu'à ce que ses pupilles accrochent des mots écrits sur le tableau noir. Distinctement, en grosse lettres, était écrit : "Binômes", suivi d'une liste de noms appariés deux à deux. Avec effroi, elle se rendit compte que chaque élève de Serdaigle était associé à un élève de Serpentard. Quelle poisse ! Era n'était pas pour la lutte entre maisons, mais ce n'était pas pour autant qu'elle aurait sauté au cou de ces Serpents. Elle n'ignorait pas que l'on était pas envoyé à Serpentard pour rien. Avec appréhension, elle arriva à son nom écrit en lettres blanches sur le tableau, et suivit la ligne horizontale qui désignerait son 'partenaire'. Quand elle en connut le nom, ses yeux dérivèrent dans la salle pour le chercher. Elle ne l'avait pas aperçu auparavant, qui sait, peut-être était-il absent ? Elle préférait encore faire ce cours toute seule si elle le pouvait. Mais indéniablement, le sort n'était pas avec elle. Se retournant, ses iris bleus entrèrent en contact avec deux billes de couleur brune, qui devaient probablement la regarder depuis une poignée de secondes. Elle eut un frisson infime, et se rendit compte que ce devait être la première fois qu'elle voyait la couleur de ses yeux de manière directe. Il n'était pas de ces gens que l'on approche facilement, encore moins avec qui l'on lie amitié. Quand à recevoir un de leurs regards...cela ne dépendait que de leur bon vouloir. Leur contact visuel persistant, Erasmia ignorait ce qu'elle devait faire, se lever ou rester assise, aller à sa rencontre ou attendre qu'il le fasse. C'était comme s'il y avait eu certaines règles tacites qu'elle ne connaissait pas, et qui l'empêchaient de se conduire comme elle aurait dû. Et cela l'irritait. Lui, semblait simplement attendre qu'elle décide comment se comporter sans manisfester la moindre impatience ou irritation. Ou alors, il le cachait bien, ce qui en soi n'aurait pas vraiment surpris la Serdaigle.

Rompant le contact brusquement, décidée, Erasmia reporta son attention sur son bureau, ouvrit le manuel de runes et attendit. Elle en était venue à la conclusion qu'elle ne voyait pas pourquoi ce serait elle qui devrait se lever, car de manière générale, c'était plus galant que ce soit l'homme qui se déplace, non ? Quant à savoir si quelle signification ce mot avait chez les Serpents, c'était une autre histoire. Era espérait qu'il ne serait tout de même pas trop irrité, mais après tout il ne s'agissait que d'un acte sans grande conséquence, on allait pas en faire toute un roman non plus. La Serdaigle cherchait encore la page indiquée au tableau quand elle sentit un petit courant d'air dans son dos, la faisant frissonner. Une odeur particulière accompagna le déplacement d'air, un mélange de senteurs qu'elle n'eut pas le temps de reconnaitre. Thaddeus Avery s'assit sur le tabouret à côté d'elle, resté libre après que son camarade de maison ait changé de place pour se mettre lui aussi en binôme. Les yeux d'Era dévièrent sur le nouveau venu, et ses lèvres se mirent à bouger.

Avery, salua-t-elle d'une voix monocorde accompagnée d'un petit hochement de tête dans sa direction.

Elle ne le détestait pas, ne le connaissant même pas, cela aurait été difficile. Mais travailler avec un Serpentard n'avait rien qui pouvait lui plaire dans l'immédiat. Restait à espérer que cet immédiat ne durerait pas tout le temps du cours. L'étude des runes était un cours qu'elle affectionnait, au même titre que la botanique, bien que celle-ci reste sa matière préférée. Si la jeune fille ne doutait pas qu'Avery s'y connaisse en runes, elle espérait qu'il serait en mesure d'apporter de réels avancées à la traduction qu'ils devaient effectuer, et dont les instructions étaient écrites sur le tableau. Elle ne tenait pas à avoir une note médiocre pour ce travail à cause d'un partenaire qu'elle n'avait même pas choisi. Elle n'avait rien contre lui, mais ses cours passaient avant le reste. Bien entendu, Era ne laissa rien paraître de ses émotions, du moins l'espérait-elle. Elle reprit d'une voix calme, allant directement au but.

Il semblerait qu'on doive faire cette traduction à deux, alors j'imagine qu'il vaut mieux s'y mettre tout de suite.

Outre son Syllabaire, elle avait disposé sur le bureau deux autres ouvrages traitant de runes, en bref, tout ce qu'il leur fallait pour traduire ce texte.

C'était perturbant. Tout ce qu'il se passait. Cela allait des duos improbables à l'atmosphère particulière de la salle de classe, jusqu'à la présence d'Avery assis à ses côtés. Quelque chose d'étrange et de non-conventionnel. Le plus étonnant était sans doute que leur binôme avait l'air de fonctionner, malgré ce qu'on aurait pu imaginer. Ils auraient dû s'ignorer, se mépriser ou d'autres termes du même accabit. Au lieu de cela, lorsqu'elle butait sur les mots pour traduire, et que son cerveau se malmenait davantage pour saisir le sens des runes et les traduire, Avery lui proposait une traduction, ou encore il précisait certains mots lorsqu'il sentait que c'était nécessaire. Tout cela avait un effet bénéfique sur le moral d'Erasmia, qui était passée de l'irritation de se voir attribuer un partenaire à la décontration de pouvoir se reposer sur quelqu'un pour l'aider à clôturer dans les temps ce travail. Elle se surpris même à sourire légèrement lorsqu'Avery lui proposa de remplacer un mot par un autre. Après une rapide relecture, elle hocha la tête, décidant qu'il avait raison, et se pencha une nouvelle fois sur sa feuille pour effectuer la correction. Ses remarques étaient toujours pertinentes, et il ne parlait pas pour ne rien dire. Era s'étonnait de trouver sa compagnie agréable, pour autant qu'on puisse qualifier leur situation de compagnie.

Relevant la tête, elle vit qu'Avery s'était détourné de leur travail. Il semblait occupé à analyser les duos formés par leur professeur, et elle le vit distinctement lever les yeux au ciel, un air indescriptible peint sur son visage. Bizarrement, ou pas justement, Era n'aurait jamais cru qu'un Serpentard, qui plus est Thaddeus Avery, le maître de l'indéchiffrable, aurait pu faire un geste aussi 'banal' que celui-là. Mais elle ne savait pas vraiment quoi en conclure. Une seconde plus tard, il se tournait à nouveau vers elle, et elle devina plus qu'elle ne vit qu'il était surpris qu'elle l'ait observé, comme si elle avait pris une liberté qui n'en était pas tout à fait une. Pourtant, il n'était pas du genre à avoir peur de montrer une faille, de se révéler plus...humain qu'il ne l'aurait voulu. Alors il n'avait rien à craindre. Des mots sortirent sans qu'elle s'y soit préparée.

- Je me demandais...

Instant de flottement. Ce qu'elle se demandait ? On aurait pu en écrire un livre, tellement elle avait l'art de se poser des dizaines et des dizaines de questions. Le plus embêtant pour elle était que nombre de ces questions restaient et resteraient sans doute toujours sans réponse. Brusquement, elle se demanda pourquoi elle avait amorçé ces mots. Que comptait-elle faire en débutant cette phrase ? Poser une question personnelle à Avery ? Comme si elle ne savait pas que jamais il n'y répondrait. Que croyait-elle donc ? Pas comme ça, pas à une Serdaigle. Surtout pas. Dans un souffle, des mots se formèrent pour terminer sa phrase. Et tant pis pour son idée de départ, elle n'avait été qu'un prélude, une pensée éphémère reléguée au passé.

...comment tu traduirais ce passage, là ?

Ses doigts fins accompagnèrent ses mots pour désigner la partie des runes qui l'intriguait pendant que des mèches de cheveux retombaient devant son visage, cachant l'air indécis qui persistait malgré elle. Elle ne les replaça pas derrière son oreille, attendant d'entendre la voix masculine à ses côtés pour reprendre le travail normalement. Mais comme rien ne venait, Era fit tourner des pages de son Syllabaire, cherchant l'endroit qui soulevait son interrogation, puis continua, essayant maladroitement d'éviter le silence qui s'installait.

- Regarde ici, c'est étrange, ces deux sens sont totalement différents et pourtant ils pourraient tous les deux correspondre.

Era commençait à se dire que quelque chose clochait quand la voix d'Avery résonna à ses oreilles, plus près qu'elle ne l'aurait cru.

[Ce n'est pas très long...milles excuses =S]

Jouait-il avec ses nerfs ? Comme un chat avec une souris, à cela près que le félin en question pouvait se révéler bien plus dangereux qu’un simple matou…d’où l’intérêt du jeu, sans doute. Quelle était cette position délicate dans laquelle Avery cherchait à la placer ? Il fallait qu’elle se ressaisisse, qu’elle cesse d’être celle qui se tait et courbe l’échine. Elle détestait cela, ce genre de relation de force où l’on devait prouver qui on était, en relançant sans arrêt l’autre pour ne pas se faire dominer, pour ne pas se montrer faible. Pendant ce temps, Avery n’avait cessé de l’observer tranquillement, comme s’il était naturel de se retrouver dans cette situation. Cela l’agaçait, elle aurait voulu lui dire tout ce qu’elle avait sur le cœur, lui dire d’arrêter ça, de se concentrer sur le travail et d’oublier toute cette histoire une fois la porte de la classe franchie ! Elle se sentait mal à l’aise avec lui, cherchant ses mots, ses gestes, tout. Une éternelle remise en question pour trouver comment se comporter sans qu’il ne réagisse mal. Mais pourquoi se donner tout ce mal au fond, pour lui ? Era l’ignorait, mais c’était plus fort qu’elle, comme un code à suivre. Une obligation. Certaines personnes ont cet effet sur nous, sans qu’aucune explication logique ne vienne pour le justifier.

- Mais sans doute certaines réponses ne sont-elles pas faites pour être entendues.

Il le savait. Il connaissait sa déroute face à lui, elle était beaucoup trop perceptible pour lui avoir échappé. Il l’avait surement sentie dès qu’il s’était assis à ses côtés. Et elle était sure qu’il s’en délectait. Elle referma son Syllabaire, tournant son regard vers lui.

- Tu vois, je n’arrive pas à décider si je dois te classer dans la catégorie des gens à éviter à tout prix ou dans celle des personnes incompréhensibles mais avec un certain potentiel. J’imagine que tu t’en moques, mais j’en ai marre de me taire alors voilà ce que j’ai à dire : je sais que tu es à Serpentard et tout ce qui va avec, et j’imagine que les amis que tu as te suffisent. Mais je pense que tu gagnerais beaucoup à faire moins peur aux gens de ton année, histoire de voir ce que ca donnerait. Bien sur, ce conseil ne vaut surement rien pour toi, je ne peux même pas dire que c’est un conseil d’ami vu qu’on n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler des amis. Mais qui sait, peut-être que t’auras envie d’y réfléchir, par le plus grand des hasards.

Là, c’était sur, il allait croire qu’un plomb avait sauté dans sa petite tête de Serdaigle. Elle n’était même pas sure de se souvenir de ce qui l’avait poussé à raconter tout ça. Elle devait avoir perdu la raison, était-ce vraiment sage de déblatérer tout cela à Avery ? Era baissa la tête sur son travail, se retenant de pouffer devant ce qu’elle venait de faire. Reprenant son calme presque instantanément et faisant semblant de rien, n’attendant pas vraiment une réponse de la part de son binôme, elle clôtura les derniers mots de la traduction, dessinant le point final sur le parchemin à l’aide de sa plume. Le professeur passa à côté de leur table, et ne remarquant rien, se contenta de jeter un oeil appréciateur sur le parchemin, avant de hocher la tête et de continuer son tour de la salle. Era, elle, attendait maintenant impatiemment la fin du cours pour pouvoir abandonner cette chaise où elle sentait la présence brûlante et lancinante d'Avery à ses côtés.

[Pas très long, mais ce rp trainait, non ? So...]

Curiosité, incompréhension et attirance se disputaient les prunelles de la Serdaigle. Chacun tentant de s’imposer sans y parvenir, constituant ce mélange indéfinissable d’expressions rivales et pourtant complémentaires en ce moment précis. Qu’avait-il dit ? Avait-elle bien entendu… ? Un seul mot, puis une phrase, quelques secondes plus tard. Elle devait avoir perdu l’esprit, ou ne pas avoir bien entendu, pour croire qu’Avery lui avait répondu ça. Era se tourna vers lui, s’attendant à un sourire, sa façon privilégiée de souligner l’ironie de la situation. Mais non, rien. Il semblait impassible, comme si Thaddeus Avery pensait vraiment ce qu’il venait de dire. Improbable. Impossible. La tension qui émanait d’elle devait sans conteste électriser l’air, si bien que le Serpentard aurait pu la toucher du doigt s’il l’avait voulu.

Elle ne savait plus quoi penser, si bien que la seule chose qui la marqua fut le professeur qui indiqua que l’heure touchait à sa fin. Délivrance ? Sans aucun doute. Elle n’était pas assez rodée pour se frotter à Avery, se faisant sans cesse déstabiliser, alors qu’elle se relevait à peine du coup précédent. Il la bousculait aussi facilement que le vent dans les herbes hautes, qui se relèvent pour mieux se faire balayer une nouvelle fois. Indéfiniment, comme une bataille qui jamais ne prendrait fin. Il se jouait d’elle, cherchant quelque chose qui l’intriguait et la dépassait, pour le moment du moins.

D’autres élèves commençaient à se lever, faisant grincer leurs tabourets sur le sol, tirant les deux adversaires de leur bataille tacite. Un épisode s’achevait, mais Era ne doutait pas qu’un autre se profilait déjà, comme une ombre au dessus d’elle, se rapprochant petit à petit. Elle se devait d’entrer dans le jeu, car elle refusait de laisser Avery se moquer d’elle, la dominer pour n’en faire qu’une bouchée. Il était hors de question qu’elle lui laisse ce plaisir.

Elle se leva, faisant face au Serpentard encore assis, qui posait sur elle un regard étrange, comme s’il attendait quelque chose. Une lueur passa dans ses yeux, et elle ne douta pas qu’il l’avait remarquée. Puis elle détourna le regard, attrapa leur traduction qu’elle déposa sur le bureau du professeur avant de sortir de la classe, jetant un dernier regard en arrière vers le Serpentard, qui cette fois avait un semblant de sourire qui flottait sur ses lèvres. Elle n’eut pas le temps d’en voir plus car un autre élève passa dans son champ de vision, et elle quitta la classe sur ce sourire, qui lui promettait sans aucun doute une nouvelle rencontre prochainement. Elle l’attendrait impatiemment.