Temps libre dans le parc [Severus]

Alan était nonchalamment adossé contre un grand chêne dans le Parc de Poudlard. Il était encore tôt mais il avait eu envie de se retirer dehors après le petit-déjeuner pour profiter du petit rayon de soleil de fin octobre. En effet, le temps était relativement ensoleillé pour la saison. Les feuilles mortes avaient envahis le parc tout entier et l’on sentait le temps devenir de plus en plus frais. Il faisait calme et Alan appréciait beaucoup cette tranquillité. Le jeune Serdaigle lisait tranquillement un livre de métamorphose mais son esprit était pourtant ailleurs. Il pensait à sa belle Serdaigle qui le hantait de jour comme de nuit. Elle peuplait ses songes chaque nuit et il se réveillait de très bonne humeur le matin. Elle était devenue sa raison de vivre. Elle lui était vital.

Il songea au bal d’Halloween qui se déroulerait le lendemain soir. Il lui avait demandé d’être sa cavalière et elle lui avait répondu positivement. Il avait eu tellement peur qu’elle soit déjà prise mais finalement elle n’avait personne. Il était heureux mais en même temps anxieux vis-à-vis de cette soirée. Il se demandait s’il ne ferait pas mieux de se déclarer pendant ce bal au lieu d’attendre encore. Mais attendre quoi ? Voilà la question. Il voulait toujours tout repousser au moindre obstacle – mais Erasmia n’était en aucun cas un obstacle - alors que la solution était devant ses yeux. Il devait agir au plus vite pour ne pas qu’elle lui échappe. Ils étaient de plus en plus proches chaque jour qui passait, il devait saisir sa chance d’être un jour avec elle. Il se sentait complet à ses côtés et il ferait tout pour qu’ils ne soient jamais séparés. Il était maintenant certain de ses sentiments mais moins pour ceux d’Erasmia. Enfin, il verrait au bal quand il se lancera.

Il en était à ces réflexions, quand il entendit des pas s’approcher de l’endroit où il se trouvait. Des pas étouffés par les feuilles mortes qui s’amoncelaient dans le parc. Puis, une personne – surement un élève – s’adossa au même arbre que lui mais de l’autre côté. Il se demandait qui cela pouvait être. Il mit un marque-page dans son livre pour délimiter sa lecture et contourna l’arbre. Il vit qu’un élève – car oui c’était bien un élève – était assit et que c’était un Serpentard. Et pas n’importe quel Serpentard : Severus Snape. Il regarda attentivement le jeune Serpentard et vit qu’il avait un air préoccupé sur le visage. Ses mains étaient liées sur ses genoux ramenaient contre son menton. Il n’osa pas trop s’asseoir à côté de lui sans lui demander la permission.

Puis-je m’asseoir ? demanda t-il poliment.

Severus releva la tête vers lui et lui fit signe qu’il pouvait s’asseoir. Alan se mit donc à côté de lui. Il regarda devant lui en savourant le silence. Pourtant, il voulait parler un peu avec cet élève réservé et solitaire. Il le voyait souvent trainer avec Lily Evans et quelque fois à la bibliothèque mais sans l’aborder.
Il attendit qu’il parle mais après un long moment de silence il décida de se présenter.

Bonjour. Je suis Alan Jones, un élève de cinquième année à Serdaigle.

Severus le regarda d’un air indifférent. Alan laissa le silence s’installer. Si le Serpentard ne voulait pas parler il respectait son choix. Il essaya tout de même de trouver un sujet de conversation mais ce n’était pas évident puisqu’ils venaient tout deux de 2 maisons différentes. Il n’avait jamais eu l’opportunité de lui parler et de mieux se connaître par la même occasion. Il laissa le silence planer plus longtemps attendant patiemment qu’il prenne la parole.

Octobre finissait déjà. Il avait changé tout le paysage de Poudlard, laissant traîner çà et là de nombreuses feuilles mortes. Leurs couleurs se mélangeaient et formaient un tapis uniforme d’où ressortaient les tons rouge, orange et brun. Un bref rayon de soleil venait éclairer de temps à autre cet amas de feuilles qui crissaient sous ses pas. Severus marchait lentement à travers le Parc de Poudlard, appréciant le silence qui y régnait. Le seul son audible était ce bruissement de feuilles qui s’écrasaient sous son poids, comme si elles criaient leur colère d’être piétinées. Il laissait ses pas le guider là ils le voulaient. Il n’avait pas de but en tête. Sinon celui de se changer les idées. De se vider la tête de toutes ces pensées qui le harcelaient depuis trop longtemps déjà. Qui le minaient. Et qui l’empêchaient de vivre comme il en avait envie. Pourquoi tout était toujours si compliqué ?

L’air frais soufflait sur son visage, détendant ses muscles contractés. Il s’engouffrait dans ses vêtements, laissant ses marques sur chaque parcelle de son corps. Comme s’il voulait le fondre en lui. Il entreprit la conquête de ses sens, enveloppant déjà son odeur d’une brise légère, pour la forcer à devenir sienne. Des fragrances différentes venaient lui chatouiller les narines, odeur de terre, odeur d’arbre, odeur d’herbe. L’automne avait cette particularité d’amener avec lui le réveil d’odeurs endormies durant l’été. Le jeune homme aimait cela et en profitait toujours un maximum, sachant que les odeurs finissaient par s’éteindre avec l’arrivée de l’hiver et de la neige qui calmait toutes les envies folâtres des parfums de l’automne. Le soleil de cette saison aux couleurs chatoyantes laissait sa place à d’autres substances, tout aussi prenantes. Impossible de dire combien de parfums étaient présents dans l’air. Habitué à sentir ses potions, Severus s’amusait souvent, quand il était enfant, à essayer de déterminer toutes les senteurs qu’il pouvait humer lorsqu’il était dans un lieu ou celles qui enveloppaient une personne. Il était devenu spécialiste à ce jeu et il lui reprenait parfois l’envie d’y participer à nouveau… Mais c’était de plus en plus rare par ces temps obscurs. Aussi était-il heureux et surpris de constater que l’air qui l’entourait arrivait à provoquer chez lui cette envie enfouie et oubliée.

Il arriva à la hauteur d’un chêne centenaire de Poudlard. Son tronc était énorme et ses branches s’élançaient haut dans le ciel, dans un espoir de toucher les nuages. Severus le contempla un instant puis alla s’asseoir à son pied. Ici, l’air était différent de celui qui l’encerclait quand il marchait dans le Parc quelques minutes plus tôt. L’arbre amenait ses propres fragrances dans l’atmosphère, la rendant plus prenante, plus subtile… Plusieurs glands traînaient sur le tapis de feuilles, se fondant dans la masse de par leur couleur et les rendant presque invisibles si on n’y prêtait pas attention. Severus appuya ses coudes sur ses genoux et cala sa tête au creux de ses bras, contemplant sans le voir le Parc qui s’étirait à perte de vue, jusqu’aux portes du Château.

Il entendit alors un élève arriver par derrière. Il s’était visiblement assis au pied d’un arbre qui abritait déjà quelqu’un. Il espéra que ce n’était pas un des Maraudeurs… Mais normalement, ils étaient toujours ensemble et se promenaient rarement seuls. Il fut rassuré quand il vit que l’élève en question portait un uniforme bleu et cuivre. Ce dernier lui demanda s’il pouvait s’asseoir et Severus eut un haussement d’épaules, ce que l’autre prit pour un acquiescement. Il s’assit à côté de lui et ne dit rien pendant un moment. Le Serpentard ne prit pas non plus la parole, après tout, c’était l’autre garçon qui s’était assis à côté de lui. S’il voulait parler, c’était à lui de lancer le sujet de discussion. Il finit par se présenter et Severus sourit intérieurement. Il laissa quelques secondes s’écouler avant de parler, d’un ton neutre, histoire de ne pas casser brutalement l’ambiance douce et olfactive qu’il aimait particulièrement.

Ton uniforme parle pour toi Jones.

Il fixa à nouveau son attention sur le Parc, analysant à présent la façon qu’avaient les feuilles de tournoyer dans les airs, s’élevant courageusement, en profitant du vent passager, avant de retomber mollement sur le tapis odorant. Il lança quelques mots dans l’air, ne sachant pas trop pourquoi mais se sentant d’humeur qu’il aurait pu nommer d’agréable.

L’automne est une belle saison. Même Rusard semble moins lassant en automne…

Il rit intérieurement en pensant au concierge de Poudlard, qui poursuivait les fauteurs de troubles et les violeurs de règlement, faisant de cette chasse une quête du Graal. Dans son esprit vagabondaient des milliers de pensées, toutes plus évasives les unes que les autres. Il avait oublié à quel point son âme pouvait se libérer dans l’air abondant de couleurs et d’odeurs de l’automne.

Severus Snape lui répondit, avec le ton qu’il employait quotidiennement pour répondre aux gens, en lui informant que son uniforme le renseignait sur sa maison. Effectivement. Pour Alan, cela paressait plus poli de se présenter en indiquant à son interlocuteur dans quelle maison on appartenait. Le Serpentard reporta son attention sur le Parc de Poudlard. Alan fit comme lui. Il trouvait reposant de regarder les feuilles tournoyer dans les airs laissant derrière elles des trainées de couleurs automnales.

Severus repris la parole en lâchant que l’automne était une belle saison et qu’elle rendait les gens moins acariâtres. Tel Rusard, le concierge de l’école. Alan ne pouvait pas le supporter. Bien sûr, il comprenait qu’il puisse désirer attraper les petits comiques qui faisaient des blagues à tout bout de champs dans l’école. Un peu comme les fameux maraudeurs. Quand il entendait que le concierge voulait faire revenir les anciennes méthodes de punitions comme la torture dans les cachots il ne le tolérait pas.
Il choisit de répondre au Serpentard pour ne pas laisser planer plus longtemps le silence pesant entre eux.

Oui, je suis d’accord avec toi. C’est vraiment une belle saison, souffla t-il après hésitation.

Il ne savait pas quoi rajouter d’autre de peur de froisser le jeune Serpentard. A présent, il cherchait un sujet à aborder mais il n’en voyait aucun qui pouvait intéresser Severus. Mais de quoi pouvait-on parler avec une personne renfermée sur elle-même ? Oui, il voyait le Serpentard comme une personne renfermée et qui ne se confiait pas facilement. Pourtant, il était constamment avec la jeune Lily Evans de Gryffondor. Il nota brièvement dans son esprit qu’il devrait lui demander par quels moyens elle s’y prenait pour parler avec Snape.

Severus devait surement penser que parler avec un Serdaigle n’était pas digne d’intérêt puisqu’il aimait mieux garder le silence. En même temps, Alan aimait les moments de silence et comprenait en quelque sorte qu’il ne veuille pas causer avec lui. Le souffle du vent venait chatouiller ses oreilles. Il aimait cette sensation qu’il ressentait chaque fois qu’il volait sur son balai. Il adorait voler dans les airs que se soit pendant un match ou un entrainement. Il se demanda si le jeune Serpentard était déjà monté sur un balai. Il se lança.

Es-tu déjà monté sur un balai ? demanda-il subitement.

Snape détourna sa tête pour le regarder. Alan eut l’impression qu’il allait mourir sur place sous ce regard noir et glacial. Ses prunelles déjà noires étaient à présent chargées d’orages. Alan prit peur. Qu’avait-il dit pour qu’il ait droit à ses éclairs foudroyant ?

Les paroles du Serdaigle lui parvenaient comme au travers d'une brume. Brume fine et nuageuse qui l'enveloppait, le berçait, le rendait moins agressif. Il humait toujours les odeurs diverses qui montaient du sol, flottaient dans l'air, disparaissaient pour mieux réapparaître par la suite. Il aurait presque pu laisser un vague sourire naître sur son visage. La présence d'Alan Jones le lui interdit pourtant. Devant un inconnu, jamais il ne relâcherait sa garde. Son masque devait rester parfait, lisse, intact. Rien ne devait le distraire de cette attitude détachée et froide qu'il abordait constamment. Il y veillait. Sans cela, il devenait une proie. Et jamais il ne serait une proie. Il se l'était promis il y avait des années de cela. Alors c'est d'une voix ironique et légèrement tendue qu'il répondit à la question du Serdaigle :

Comme tous les élèves de première année, Jones.

Il n'avait même pas tourné la tête vers lui. Il continuait de fixer le Parc devant lui, suivant des yeux la ligne d'arbres à l'horizon, dont les couleurs passaient du rouge au jaune, en passant par l'orange et le brun. L'orange lui fit penser au roux des cheveux de Lily et il pensa à elle pendant un petit moment. Que faisait-elle en ce moment ? Avec qui était-elle ? Il se l'imagina en cours, penchée sur ses notes, écrivant avec soin ce que le professeur disait, remettant de temps en temps en place une mèche de cheveux qui s'évertuait à retomber devant ses yeux. En pensant à elle, son corps se détendait et il sourit intérieurement. Il ne savait pas quand ils se reverraient, mais il espérait que ce serait le plus tôt possible. Et surtout il espérait que cela se passerait loin de Potter et de sa bande, il n'avait pas envie de devoir les affronter en ce moment. Les derniers événements lui avaient suffi.

C'est avec Potter que tu devrais parler balai et Quidditch, fit-il remarquer. Il avait adopté un ton léger, distant, malgré la fureur qui l'animait dès qu'il prononçait le nom de son ennemi. Si ce Jones aimait tant que ça voler sur un balai, il devrait s'entendre à merveille avec le Gryffondor. Il se demanda un instant s'ils étaient amis, Alan et lui. Peut-être qu'il venait lui parler dans un but précis. Peut-être que Potter n'était pas loin...

Il secoua la tête et ferma les yeux durant quelques secondes. Il se faisait des idées, il allait bientôt devenir paranoïaque s'il continuait. Il tourna la tête pour fixer le regard d'Alan. Cela ne dura qu'un bref instant, le temps d'une pulsation cardiaque. Puis il détourna de nouveau sa tête et recommença à observer l'horizon. Non, pensa-t-il, ce Serdaigle n'est pas un danger. Il lâcha un petit soupir inaudible, destiné à lui-même. Il était beaucoup trop méfiant en ce moment, il le savait. Mais il ne pouvait s'en empêcher, sans savoir pourquoi. Peut-être toutes ces histoires qui se racontaient dans la Salle Commune des Serpentard... Son imagination travaillait trop.

Alan remarqua soudainement que sa question était idiote. Il aimait engager la conversation avec quelqu’un, il était même très bon à ce jeu mais en cet instant cela le dépassait. Il ne savait pas très bien cerner le personnage qu’était Severus Snape. Il avait peur de le froisser ou de dire une parole déplacée. Cela lui était venu naturellement de parler balai étant un ferveur joueur de Quidditch. Il entendit la voix quelque peu ironique su Serpentard lui répondant que tous les élèves de première année étaient au moins montés une fois sur un balai. Il se gifla mentalement d’avoir posé une telle question, bien sur il s’attendait à cette réponse au moment même où la question avait franchit ses lèvres. Il se senti encore plus vulnérable et laissa son regard se poser au loin sur le Parc. Il se demandait vaguement ce que pouvait penser son « compagnon ». Le vent venait s’engouffrer dans ses cheveux et cette sensation lui fit tout de suite penser au Quidditch. Il aimait sentir le vent dans ses cheveux, il se sentait libre et confiant.

Souvent il se demandait ce que serait sa vie s’il n’avait pas était un sorcier. Poudlard n’aurait jamais fait partie de sa vie d’étudiant, il n’aurait jamais franchit ce parc gigantesque où il était présentement et surtout il n’aurait pas connu le sport sur balais qu’était le Quidditch. Heureusement sa vie était tout autre et il en remerciait Merlin chaque jour de lui avoir donné cette chance de connaître une vie de sorcier.

Il sorti de sa rêverie en entendant le vert et argent parler. Il l’avait presque oublié tellement il était plongé dans ses réflexions. Au nom de Potter il se tendit. Il vit cependant qu’il n’était pas le seul. Si ce Serpentard croyait que Potter était son ami il se trompait lourdement. Le Gryffondor était toujours sur son passage à le provoquer. Il espérait secrètement le provoquer à son tour pour lui rendre la pareille.

Ne me parle pas de Potter ! J’en ai plus qu’assez de ses airs de prétentieux ! lança Alan. Un jour viendra peut-être où je lui parlerais balai mais ce jour n’est pas encore arrivé !

Il tourna sa tête vers le Serpentard et celui-ci choisi également ce moment pour tourner la sienne vers lui. Il vit brièvement son regard noir où toute haine était partie. Alan en fut très soulagé même si le chemin pour gagner la confiance de Snape était encore loin. Un grand pas venait d’être franchit et c’était déjà bien suffisant.

Je ne suis pas venu ici pour parler de Potter. Je sais que pour toi ce sujet est tabou alors n’en parlons plus ! J’ai tout simplement envie de faire plus ample connaissance avec toi.

Alan ne vit aucune réaction venir de Snape. Il observait simplement l’horizon qui commençait à décliner pour faire place à un ciel de nuit. Les journées devenaient de plus en plus courtes en cette période. Alan faisait tout son possible pour profiter de l’extérieur pour se détendre et se reposer contre un arbre en lisant un bon livre comme il le faisait avant sa rencontre avec le Serpentard.

Je pense que nous avons déjà un point commun : nous aimons tous les deux le calme que nous procure ce Parc. C’est un bon départ tu ne penses pas ?

Alan se remit confortablement contre l’arbre et ferma quelque instant les yeux pour profiter du doux vent et des derniers rayons que projetait le soleil.

Severus fut légèrement étonné quand Jones répondit avec ferveur qu'il n'était pas ami avec Potter. Il y avait presque de la colère dans sa voix et il se demanda ce qui poussait le jeune Serdaigle à parler comme ça de son ennemi. Apparemment, il était sincère et cela fit retomber le sentiment inconfortable qui était né dans le cœur de Severus à l'apparition du jeune homme. Au moins, ils étaient d'accord sur une chose.

Jones se mit à parler à nouveau et Severus trouva qu'il parlait beaucoup, pour quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Ce n'était pas comme s'ils étaient des amis de longue date. À vrai dire, il ne lui avait jamais parlé auparavant. Il savait qui il était, bien sûr, faisant partie de l'équipe de Quidditch de Serdaigle, chaque individu assistant aux matchs pouvait reconnaître ce joueur habile. Mais il ne lui serait jamais venu à l'esprit de commencer une conversation avec lui. Et pourtant, c'était visiblement ce qu'il était en train de faire.

Il tiqua sur les derniers mots du Serdaigle mais continua de fixer l'horizon sans faire attention à lui, espérant vainement qu'il finirait par s'éloigner et le laisser tranquille. Il n'avait pas besoin de lui et il ne savait même pas pourquoi il était venu lui parler. Il soupira intérieurement. Aux derniers propos de Jones, il eut envie de lancer une réplique cinglante, mais il se retint. Pas besoin de se créer de nouveaux ennemis. Il avait juste à lui parler plus ou moins normalement, puis ils se sépareraient et ils ne se reparleraient sûrement plus jamais. Alors, pas besoin de s'énerver. Il se calma et tourna sa tête vers le Serdaigle qui avait fermé les yeux.

Si tu le dis.

Il détourna la tête pour regarder à nouveau l'horizon, puis il se leva, mais resta près de l'arbre.

Je ne te connais pas, et tu ne me connais pas non plus. Qu'est-ce qui te fait croire que nous pourrions devenir amis ? Personnellement, je doute que cela soit possible.

Il fit deux pas en avant, se dressant de toute sa hauteur, croisa les bras et regarda le lac qui s'étendait plus loin. L'air doux d'automne l'enveloppait toujours et il sentait sur chaque parcelle de son corps le bienfait de cette brise fraîche et odorante. Il aurait pu rester là des minutes entières. Mais son esprit restait perturbé et il fut obligé de s'arracher à sa contemplation pour revenir sur terre. À côté de lui, Alan Jones était toujours là.

Alan se doutait bien qu’il serait difficile d’aborder le Serpentard mais il était persévérant. Il voulait à tout prix briser sa carapace et parler tranquillement avec lui. Mais la conversation prenait une mauvaise tournure. Severus Snape n’était pas enclin à parler et faire connaissance puisqu’il se leva de toute sa grandeur. Il écouta ses paroles et ses doutes furent confirmés. Il ne lui faisait pas confiance et il trouvait impossible qu’ils deviennent amis. Il pouvait comprendre que donner sa confiance à un inconnu n’était pas facile. Lui aussi, il aurait trouvé douteux qu’un élève de l’école vienne l’aborder pendant un moment libre et faire la conversation comme si de rien était.

Il ne savait plus pourquoi il avait eu l’idée de s’installer à côté du Serpentard. Il sentait nettement qu’il n’était pas le bienvenu, qu’il devait partir et au plus vite. Il regarda Snape fixer l’horizon sur le lac situé plus loin. Il était déçu mais il allait lui laisser le temps de réfléchir à ca proposition. Il se leva et s’adossa à l’arbre. Le Serpentard se retourna et Alan vit dans ses yeux qu’il était préoccupé. Même le paysage apaisant se trouvant devant lui n’avait pas su le tranquilliser. Il prit son courage à deux mains et lui parla d’une voix qui se voulait assurée.

- Je vois bien que je t’ai dérangé et je m’en excuse. Je ne voulais pas te perturber. Moi aussi je ne trouverais pas normal qu’un élève vienne me déranger sans raison alors que j’ai envie d’être seul.

Snape l’approuva en quelque sorte en soulevant d’un mouvement ses sourcils. Alan continua de parler tout en s’avançant.

- C’est pour cela que je vais te laisser réfléchir à ma proposition. Bien sûr je comprendrais que tu ne veuilles pas me répondre mais j’en serais extrêmement déçu. J’ai vraiment envie de plus te connaître et s’il te faut du temps, j’attendrais. On n’est pas obligé de devenir amis tu sais, Alan ponctua la fin de sa phrase par un petit sourire.

Le regard de Snape ne l’incita pas à continuer son discours et il perdit un peu de son sourire. Alan était borné et c’était un des ses défauts qui pouvait être une qualité. Il se remit contre l’arbre et ressortit son livre de métamorphose lui montrant en même temps qu’il ne bougerait pas. Il sentait le regard déconcerté de Snape sur lui mais cela ne le dérangeait pas. La persévérance avait du bon dans certaine situation. Son idée de partir n’était plus d’actualité. Il ne voulait pas faire plaisir au jeune homme et lui montrer qu’il n’avait pas sa place à côté de lui. Après tout, le parc était pour tout le monde et il avait le droit d’y rester le temps qu’il désirait. Et si Snape voulait rester lui aussi il devrait faire avec sa présence.

Le Serdaigle donna un instant l'impression qu'il allait partir et Severus se réjouit quelques secondes de ce fait. Mais curieusement, il resta néanmoins là, en profitant même pour se rasseoir et prendre son livre de métamorphose. Severus haussa un sourcil, désappointé. Il n'arrivait décidément pas à cerner celui qui se trouvait à ses côtés.

Cependant, ce n'était pas lui qui allait partir de cet endroit qu'il appréciait. Il prit donc sur lui et se rassit de l'autre côté de l'arbre. Il ne sortit pas son livre de potions, pas qu'il n'en avait pas envie, au contraire, mais pour éviter que le Serdaigle puisse y jeter un œil. Il avait ses propres annotations et ne souhaitait pas que quiconque, surtout un étranger, puisse les apercevoir. Ce n'était pas les affaires d'autrui. Il continua donc de fixer le paysage, laissant ses pensées vagabonder loin de l'endroit où il était, loin de Poudlard et de ses tourments.

Même s'il n'avait pas sorti son livre de potions, ses pensées restaient concentrées sur cette matière, et il pensa qu'il lui faudrait refaire un tour sur le Chemin de Traverse pour remplir un peu son stock. Il se le constituait au fur et à mesure, car certains ingrédients coûtaient cher et il ne pouvait pas se permettre de dépenser son maigre argent uniquement dans cela. Il faudrait aussi qu'il achète deux-trois bouquins sur le domaine, mais aussi sur la défense contre les forces du mal. Il nota cela mentalement pour ne pas oublier et continua son inventaire muet.

Au loin, quelques élèves apparurent mais ne se dirigèrent pas vers eux et continuèrent leur chemin vers le Château. Celui-ci se dressait fièrement dans l'automne, comme pour prouver que l'hiver à venir ne l'effrayait pas et qu'il subirait son siège avec courage et hardeur. Severus songea que Poudlard était invincible et aussi que personne ne pourrait jamais l'abattre tant sa puissance était renforcée par ceux qui y vivaient et aussi surtout son directeur.