À la faveur de l'automne [Severus]

On était Samedi & la matinée sembla promettre à Lily Evans une journée des plus délectables. En effet, réveillée par un fou rire d’une de ses condisciples, la rouquine ouvrit ses paupières un sourire courant déjà sur ses lèvres. Le Soleil se montrait timidement derrière l’horizon et les quelques nuages présents semblaient pacifiques pour l’instant. Le petit déjeuner se déroula dans la même ambiance alors que la jeune sorcière & ses camarades ne cessaient de discuter de tout & de rien en rigolant sans retenue. Même la présence proche de Potter & les gloussements de quelques admiratrices aux alentours ne purent défaire la bonne humeur de la gyrffondor. Une fois qu’elle eût terminé son assiette, la jeune fille suivit ses amies dans le grand Hall. & c’est à cet endroit précis que son cœur manqua un battement. Durant un court moment, son être entier fut aspirer. Corps, âme, contenance, tout. Elle croisa furtivement son regard, accrocha avec l’ébène qui luisait anormalement dans ses prunelles éteintes. La nuit avait élue domicile dans ses nuances & c’est dans ses ténèbres qu’elle aimait s’allonger. Severus se tenait près de la porte, il discutait avec un de ses amis serpentards dont le nom échappait à Lily. Depuis l’incident entre elle & Avery, ils ne s’étaient plus adressé la parole, à peine croisés. La rouquine avait trouvé préférable de prendre du recul après toute cette histoire. Car même si il avait accepté de la suivre, il n’avait pas été enchanté pleinement de le faire & ce combat n’était qu’à moitié remporté pour elle. La distance qu’ils s’étaient imposés commencer doucement à peser sur son esprit. & elle ignorait comme toujours qu’elle serait sa réaction quand elle tenterait de reprendre le contact. Elle savait pertinemment qu’il ne le ferait pas de lui même car comme toujours les argents/émeraudes favorisaient la fuite alors que les lions ne juraient que par la franchise & le courage.

D’un coup de l’œil, tout en écoutant distraitement la discussion que menaient ses condisciples, elle surveillait son meilleur ami. Alors qu’elles s’apprêtaient à regagner leur dortoir, Severus se détacha de son camarade & s’extirpa du château pour gagner le parc. La jeune sorcière saisit l’occasion, s’excusant auprès de ses copines, elle talonna le serpentard & sortit à son tour. A peine eut-elle franchi l’embrasure de la porte qu’une bourrasque glaciale souleva sa cape. Cette même bise s’acharna sur sa longue chevelure jusqu’à éparpiller sa crinière en milles & une ondulations dont les reflets auburn s’accordaient à merveille avec la couleur qu’empruntait le paysage. Quelques feuilles aux reflets ambres suivaient le cours du vent, dansant dans les airs avant de finir leur ultime ballet au sol ou bien sur un objet, une personne quelconque. Il fallut quelques instants avant que Lily ne puisse repérer Severus. Celui ci s’était empressé de rejoindre un endroit qu’il sembla convoité & c’est uniquement grâce à sa taille que la gryffondor put aisément lui emboîter le pas. Elle se demanda où sa course aller les mener. Il était encore tôt & la jeune fille fut surprise de croiser pas mal d’étudiants sur son chemin, ils se promenaient tout simplement dans le parc. Elle crut même apercevoir Avery courir un peu plus loin près du lac. Il faut dire que passer une semaine enfermé dans des salles de cours n’était pas quelque chose de forcément plaisant, aussi, comme le week end apporté un peu de répits à l’ensemble des élèves, ils s’attardaient aux endroits qu’ils ne pouvaient pas apprécier en d’autres temps. Néanmoins, l’automne s’était imposé & la chaleur qui les avait jusque là encerclé n’était aujourd’hui qu’un souvenir déjà évanoui.

La carcasse du garde chasse se dessina à l’horizon, il coupait du bois à l’aide d’une hache deux fois plus grande que la moyenne. Il se stoppa cependant dans son efforts pour faire de grands signes de main à l’intention de Lily, la saluant de la sorte chaleureusement. Cette dernière adorait Hagrid, lui, son grand cœur & sa bienveillance. Elle lui rendit son bonjour en agitant son poignet dans les airs puis reprit sa marche. Après avoir suffisamment joué au chat & la souris, Severus Snape s’arrêta devant le saule cogneur & quand la jeune sorcière atteigna enfin sa position, elle le vit observer dans toutes les coutures l’arbre en quête d’une chose que lui seul savait. Il ignorait qu’elle l’avait pourchassé de la sorte depuis qu’il avait entreprit son expédition & absorbé par son analyse, il ne prit pas conscience de sa proximité. La gryffondor sentait les martèlements de son cœur s’amplifier à mesure qu’elle s’approchait de lui. Elle devait rester prudente néanmoins dans ses agissements car dans les environs, il n’était pas rare de voir un élève ou l’autre s’aventurer. Surtout qu’elle était quasi sûre d’avoir aperçu Thaddeus, inutile de croire qu’il ne cherchait pas une façon ou une autre pour briser le duo qu’elle & Severus formé. D’un mouvement étudié, Lily tapota l’épaule de son meilleur ami doucement. Ce dernier sursauta et fit un bond en arrière comme si il était surpris en plein délit. La jeune fille savait pertinemment ce qu’il faisait là & elle en était profondément désolée. Les motivations du serpentard n’était que néfastes. La vengeance empoisonnait chacun de ses mouvements & Lilly détestait ça. Son ton se fit un peu trop sec à son goût mais elle ne pût atténuer sa hargne.

Qu’est ce que tu traficotes encore ici ? Ne me dis pas que c’est encore à propos de ses histoires de Potter & sa bande ? Je t’ai déjà dit de ne pas te mêler de leur histoire ! Tu risques d’avoir toi même des ennuis…

La sorcière croisa les bras sur sa poitrine et soupira lourdement en levant les yeux au ciel. Mais secrètement, elle contemplait chacun de ses détails qu’elle adorait, ces petites choses qui constituaient le visage de son ami. Le coin de ses paupières qui tombaient légèrement, ses lèvres extrêmement bien dessinées, ses sourcils généralement froncés & son nez qui était comme taillé, la forme de l’ensemble qui semblait dur à cause de leur courbe anguleuse. Dur & à la fois, habité. Habité d’une âme tourmentée. Ce qui englobait Severus, cette aura qu’il portait avait toujours intrigué la jeune fille. Elle connaissait quelque peu sa situation familiale bien qu’il ne lui fournissait pas chaques composantes, elle savait pourquoi il se sentait toujours seul. Pourquoi également, il se murait dans un mutisme & une attitude malveillante. C’était sa seule façon de protéger ce qu’il lui restait de lui même… Elle aurait tellement voulu le sauver. A cette pensée, les traits jusque là tirés de Lily s’adoucir & elle offrit même l’ombre d’un sourire à son meilleur ami.

Comment vas-tu ces derniers temps ?


Une horrible impression lui collait alors à l'épiderme, sa question sonnait mal. Elle eut la sensation d'être une étrangère prenant des nouvelles d'une vieille connaissance... Combien de fleuves avaient-ils encore placé entre eux cette semaine? Combien de fois allaient-ils chuter pour les franchir à nouveau? La noyade n'effrayait pas la jeune fille... Mais affronter les tempêtes pour peut être n'être accueillie d'aucune paires de bras... Où se situait-il désormais? Entre les rivières ou déjà si loin qu'il n'y avait aucun chemin pour l'atteindre? Lily aurait aimé croire que la force du courant ne pourrait les emporter... Seulement, elle savait que son presque amant n'avait jamais pris de cours de natation.

Les rayons d’un soleil timide commençaient à poindre en ce samedi d’octobre. Peu à peu, les ténèbres s’étaient lentement dissipées pour laisser la lumière envahir l’espace demeuré vacant quelques secondes, le temps d’un battement cardiaque. Une à une, les pièces du château s’étaient éclairées, d’une lumière craintive, caractéristique des matins d’automne. C’était une saison agréable, pour la façon dont elle se montrait, dont elle apparaissait, après un été souvent chaud et sec. Octobre annonçait le milieu de l’automne, soit le moment le plus intéressant de cette période. Les feuilles allaient bientôt tomber, mais pour l’instant, elles étaient encore en train de s’accrocher péniblement à leurs branches, en essayant de jouer contre la pesanteur qui finirait malgré tout par les décrocher... L’atmosphère prenait une teinte plus douce, plus enjôleuse, et tout semblait différent. On entrait dans une sphère cotonneuse, aux odeurs enivrantes et aux sons doucereux. On rentrait petit à petit dans l’hiver, il n’était pas encore vraiment là mais on pouvait le sentir dans l’air, surtout lors de ces matins comme ce jour-là, où une légère brume s’étendait par-dessus Poudlard et où, au réveil, les sons avaient une résonance différente, comme un léger soupçon annonciateur de froid, de neige... Mais on n’était pas encore là.

Severus avait sauté le petit-déjeuner, préférant se repaître de l’atmosphère particulière du Château et aussi, il fallait le dire, éviter certaines personnes indésirables. Alors qu’il voyait dans sa tête les visages de Potter, Black et Cie, il se rappela la dernière fois qu’il les avait vus et surtout l’endroit... le Saule Cogneur. Cela l’avait intrigué, et ce n’était pas la première fois qu’il les voyait en ce lieu. Qu’est-ce que cela pouvait bien cacher ? Pourquoi erraient-ils toujours là-bas ? Il se posait souvent ces questions. L’esprit à présent bien éveillé, il se leva rapidement, pris un bouquin au hasard sur sa pile de manuels et sortit de la Salle Commune des Serpentard d’un pas vif.

Arrivant dans le Hall d’entrée, il s’apprêtait à sortir du Château lorsqu’un autre Serpentard le harponna. Il stoppa et se retourna vers celui qui l’avait interpellé et grogna intérieurement. Evan Rosier. Ce n’était pas qu’il ne l’aimait pas... mais il préférait l’éviter quand il le pouvait. Le Serpentard était tout l’opposé de Severus et ce dernier avait du mal à nouer contact avec lui. Néanmoins, il prit le temps de parler quelque peu avec Evan et alors qu’il pensait que cela ne pouvait pas être pire, au moment où il tourna la tête pour voir un flot d’élèves sortir de la Grande Salle, il croisa son regard. Le regard émeraude de Lily capta toute son attention pendant un bref instant et il se fit violence pour détourner les yeux de sa chevelure flamboyante qui semblait l’appeler malgré lui.

Alors qu’il pensait devoir rester là encore de longues minutes à écouter Rosier bavarder et pérorer, il réussit à s’échapper, laissant son camarade s’attaquer à quelqu’un d’autre, de plus ouvert et souriant que lui, très certainement. Ne prenant pas garde à celle qui le suivit dès qu’il quitta l’enceinte du Château, il se dirigea vivement vers le Saule Cogneur. Il y parvint vite et entreprit d’examiner attentivement l’arbre, sous toutes ses coutures, cherchant à percer son mystère. Perdu dans ses pensées et ses analyses internes, il n’entendit pas le frôlement de l’herbe provoqué par les pas de Lily et le vent qui sifflait dans ses cheveux ébouriffés. Aussi sursauta-t-il quand la main de son amie vient se poser sur son épaule d’un mouvement léger. Il se retourna prestement et son regard tomba dans celui de la Gryffondor. Alors qu’il allait se perdre dans le tourbillon de ses iris, captivé comme toujours par celle qui avait une place indélogeable dans son cœur, elle parla si brusquement et d’un ton si différent de celui qu’elle avait généralement pour s’adresser à lui qu’il fronça les sourcils avant de se reprendre et de se redresser pour lui faire face.

Elle lâcha quelques mots, qu’il écouta attentivement en faisant pourtant mine de ne pas prêter attention à ce qu’elle disait. Lorsqu’elle croisa les bras, il comprit qu’elle était énervée. Ou plutôt ennuyée. Il ne tenta pas un seul son. Il reposa son regard sur elle, et, en la regardant, il vit son expression changer, comme si elle tentait de le comprendre, comme lui essayait de la comprendre en cet instant-même. Deux âmes perdues qui ne cessaient de vouloir s’étreindre dans une immensité trop intense pour qu’elles puissent se rejoindre. Voilà ce qu’ils étaient. Dans une brève poussée d’énergie, ils pensaient pouvoir s’atteindre, mais ils ne pouvaient que s’éloigner inexorablement, espacés par des forces invisibles trop grandes pour eux. Où était la voie qui leur permettrait de se toucher à nouveau ? C’était comme si, depuis la dernière fois qu’ils avaient été ensemble, leur chemin s’était effacé, leurs pas s’étaient estompés et il ne restait plus aucune trace de la route à prendre pour retenter l’expérience. Tout était à recommencer. Encore, et encore, et encore. Toujours plus loin. Et pourtant si près.

Il n’avait qu’à tendre le bras, pour la toucher, pour l’inclure dans son monde, dans son univers qui lui semblait désespérément vide sans elle, sans sa présence rassurante et enivrante... Mais c’était comme si ses forces l’avaient abandonné, le laissant aussi mou qu’une poupée de chiffon, incapable du moindre geste. Il se contenta donc de l’observer, de la détailler pour capter ses expressions. C’est alors qu’elle laissa ses lèvres s’étendre en un léger sourire et cela illumina son âme meurtrie et esseulée bien plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Elle reprit la parole et sa question flotta dans l’air un instant. Lui demandait-elle vraiment ça ? Il ne sut que répondre dans un premier temps, et son esprit repartit à la dérive, alors qu’il aurait voulu qu’il reste bien ancré dans la réalité que Lily lui offrait.

Finalement, la question revint se manifester à son cerveau et, après quelques secondes, il laissa des mots s’échapper de sa bouche sèche :

J’ai connu mieux.

Il n’en dit pas plus, ayant déjà l’impression d’en avoir trop dit. Elle exerçait un tel pouvoir sur lui qu’il n’avait pas toujours conscience de s’ouvrir à elle, même quand il ne le voulait pas. Ne désirant pas qu’elle se saisisse de cette brèche pour creuser dans ses ennuis actuels, il se força à dire autre chose, et en l’occurrence, il s’évertua à reporter l’attention sur elle...

Et toi ? Tu as l’air en forme...

Son ton était plat, sans intonation, il le savait. Ses propos en avaient pris une teinte pathétique, et sa voix les ayant encore plus appauvris. C'était d'un désespérant...

Venait-il de quitter leur route à mi-chemin? Le ton qu’empruntait ses mots laissaient supposés que de nouvelles barricades venaient de s’ériger entre leurs deux corps. Etait-ce à cause de leur confrontation antérieure avec Avery ? Ou bien était-ce la surprise de la voir alors qu’il pistait les maraudeurs ? La rouquine n’en avait cure en cet instant. Seul l’ébène dans le regard aimé harceler sa sérénité & cela en devenait une obsession sans nom. Aucun éclat pour tarir les ténèbres s’abritant dans son être & de sa position, Lily pouvait même apercevoir quelques succubes agrippées à ses pupilles. Le Mal avait gagné en terrain. N’avait-il de repos ? Pourquoi voulait-il à ce point capturer l’essence de son meilleur ami ? Elle n’aimait pas ça, pas du tout. Cette distance était inconvenante, ce jeu silencieux d’amertume ne l’amusait pas. La gryffondor passa la question futile de Severus afin de se pencher sur ce que lui ressentait. Car là était un nœud conséquent dans leur communication & elle savait que seul ses mains pouvaient l’en défaire, ou du moins le déserrer suffisamment que pour qu’il sache respirer. Les phrases prirent alors une déroute inattendue dans l’esprit de Lily car ils faisaient tout bêtement défaut.

Elle ne savait que dire, elle ne savait plus ce qui écarterait Severus Snape de ses remords, de ses chagrins & de ses regrets. Elle ignorait ce qui l’aiderait car il s’était détourné d’elle afin d’observer les mouvements un peu trop proches du saule cogneur. Elle recula d’un bon mètre afin de ne plus saisir les nuances de l’arôme se dégageant de son meilleur ami. Cela la troublait outre mesure & l’empêchait de lutter contre son absence de réaction. Avait-il déjà oublié ce qu’il s’était passé entre eux il n’y avait pas si longtemps ? Les baisers volés & les promesses maladroitement formulées ? Depuis quand est-ce que ses instants arrachés, dérobés au temps & aux combats, étaient devenus des rêves éveillés ? Avaient-ils été tous deux des somnambules enhardis & exaltés ? La rouquine se mordit la lèvre inférieure tandis que l’angoisse roulait dans son ventre, remontait le long de son larynx & s’enchevêtrait à sa rage qui était intacte. La sorcière inspira profondément alors que ses yeux dévoraient le dos tourné du Serpentard. Sa voix reprit les airs alors afin qu’il bifurque, qu’il parle, qu’il fasse comme si elle était là…

Tu as connu mieux ? Quelque chose s’est passé récemment ?

Pour toute réponse, elle n’eut droit qu’à un faible grommellement dont le sens lui échappait. & en prime, il n’avait pas daigné lui faire face. Excédée, la jeune fille s’approcha vivement de Severus, ce dernier prit conscience de la soudaine proximité de Lily & comme dans un spasme horrifié, il recula. Ils répétèrent les mouvements deux, trois fois. La gryffondor faisant plusieurs pas en avant & le Serpentard en arrière. Alors qu’ils exécutaient ces mouvements d’enchâssements, les prunelles flamboyantes de la jeune sorcière traquaient les hésitations dans les iris de son ami. Alors qu’ils s’approchaient de plus en plus de l’arbre belliqueux, Lily prit la parole & le son qu’émirent ses cordes vocales fut si aiguë qu’elle espérait avoir briser les tympans de son ami afin qu’il l’entende à nouveau.

Tu me fuis, Severus ? De quoi as-tu peur ?


Severus soutint alors son regard permettant à la sorcière de s’y abandonner. Le voile qui séparait ses iris du monde venait de s’écarter provisoirement & toute la souffrance qu’elle pouvait y lire la cloua au sol. Elle absorbait toute cette peine & sans qu’ils se rendent compte, tous deux venaient d’arrêter leur jeu de chasse&de fuite. Lily posa ses doigts sur le bras de son ami, il la repoussa. Troublée, elle se demanda si elle n’aurait pas mieux fait de s’enfuir. De le laisser là. C’était ce qu’il voulait non ? Qu’elle disparaisse… Peut être que cela l’aurait aidé qu’elle n’existe pas… La gryffondor ne put davantage écouter ses propres craintes & elle chercha à s’échapper.

Seulement…

Une branche vint les frôler, les ramenant au lieu où ils s’étaient placés & ils eurent tout juste le temps de se jeter au sol afin d’éviter une nouvelle attaque. Lily entraîna Severus dans sa chute volontaire & ils se retrouvèrent à terre l’un près de l’autre. Le bras de la jeune fille enveloppait la carcasse du Serpentard. Ce contact brûla sa chair tant le geste avait été simple & tendre, ce genre de toucher qu’ils avaient ardemment appliqué le jour de leur déclaration. Elle aurait voulu l’enrober de ses bras, le serrer jusqu’à ce qu’il expulse tout ce qu’il taisait… Le saule cogneur allait reprendre l’assaut, ils devaient quitter l’endroit… & pourtant, la jeune sorcière ne parvenait pas à se relever, à s’écarter… Elle ne voulait pas le voir la quitter. Elle ne voulait pas croire que toute cette histoire était impossible. Sa mère lui avait toujours dit que quand l’Amour s’emmêlait, il fallait être prudente. Pour le moment, les précautions, elle s’en balançait. Elle s’était jetée corps & âmes dans les veines de son meilleur ami. Bien qu’elle mesurait désormais les conséquences, elle n’arrivait pas à regretter sa décision. Car jamais, même dans les profondeurs de leur chagrin sourd, elle ne s’était sentie aussi complète, aussi entière & aussi vivante. Elle le voulait & même si il devait devenir une cicatrice sur son aorte, tant pis. Elle l’aimait. Elle l’aimait à s’en arracher le cœur.

Elle ne répondit pas. Cela ne le surprit pas. Ils ne jouaient pas au jeu de la banalité. Rien n’avait jamais été simple entre eux. Il ne le regrettait nullement mais parfois, il aurait voulu que tout s’enchaîne facilement comme des pièces de puzzle qui s’assemblent parfaitement. Ce n’était pas le cas, et il le savait. Il était à Serpentard. Et elle était à Gryffondor. Rien ne semblait pouvoir les réunir. Et pourtant, aucun des deux ne voulait l’admettre, refusant de croire cette vérité générale toute faite qui voulait que Serpentard et Gryffondor ne s’entendaient pas. Mais c’était comme se dresser face à un mur d’une hauteur incalculable, un mur reliant terre et ciel. Les sentiments sont tenaces et souvent immuables, mais que sont-ils face aux idées ancrées depuis des siècles dans les mémoires ? Severus avait parfois l’impression que tout cela était bien trop grand, bien trop imposant pour qu’ils puissent le dépasser.

Lâchant la silhouette de Lily du regard, il préféra se tourner vers le Saule Cogneur, observant avec indifférence les branches qui remuaient faiblement au gré du vent. Certaines d'entre elles s'amusaient à amorcer des brefs mouvements contre eux mais il n'en avait cure. Bien qu'il n'aurait pas voulu l'avouer, la présence de Lily le rendait encore plus vulnérable. Il aurait dû la détester pour ça. Mais la jeune fille avait pris possession de son corps et de son âme tout entière. Qu'aurait-il pu faire contre elle ? Il ne souhaitait qu'une chose, pouvoir s'accrocher à elle comme une moule à son rocher et ne plus jamais la laisser partir. Il aurait voulu lui crier de ne pas partir, de ne pas lui en vouloir, de ne pas le détester, de s'approcher plus près de lui... Mais les mots ne sortaient pas, ces foutus mots n'étaient même pas capables de sortir quand il le fallait. Il sentait qu'il la blessait, mais il n'arrivait pas à donner des explications. En fin de compte, ce n'était pas Lily qu'il devait détester, mais lui-même.

Lorsqu'elle lui posa une autre question, il ne put que grommeler un mot ou deux, qu'elle ne saisit pas. Il n'eut même pas le courage de se tourner vers elle. Faible. Tellement faible. Alors qu'il serrait les dents, Lily se rapprocha brutalement et, sans le vouloir ou sans comprendre ce qui se passait, il recula aussi vivement qu'elle s'était approchée. Elle se rapprocha à nouveau, et, à nouveau, il fit trois pas en arrière. Il aurait voulu qu'elle arrête. Il eut envie de crier. Il ne le fit pas. Elle ne devait pas subir ses états d'âme. À la place, il serra encore plus les dents et ses mains, ses jointures devenant blanches. Ils se rapprochaient invariablement de l'arbre et Severus commençait à se demander où allait les mener ce petit jeu lorsqu'elle explosa.

Directement, son regard s'ancra au sien. Elle fit trois pas en avant, et cette fois-ci, il ne recula plus. Mais quand sa main vint se poser sur son bras, il ne put s'empêcher d'à nouveau la repousser. Il décela alors comme un sentiment de défaite dans les yeux de la Gryffondor. Et alors qu'il allait prononcer quelques mots, le Saule Cogneur, qui avait visiblement attendu trop longtemps, se mit en mouvement pour les heurter. Sans que Severus comprit ce qui se passait, il se retrouva au sol, allongé sous la protection de Lily. Il releva les yeux et fut plongé dans ses iris. Il resta un moment à la contempler sans pouvoir bouger, mais un nouveau mouvement de l'arbre l'obligea à se manifester. Lily semblait perdue dans ses pensées, incapable de bouger. Alors il se dépêcha d'agir, avant qu'une branche ne les atteigne sauvagement.

Lily, bouge !

Sa voix était dure mais néanmoins nuancée de peur. Il se releva aussi vite qu'il put, saisit le coude de Lily, la releva juste assez pour qu'elle puisse se mettre sur ses jambes et il l'entraîna hors de portée du Saule. Au moment où ils décollaient de l'endroit où ils étaient couchés un instant plus tôt, une branche s'abattit avec grand fracas sur le sol. Plus loin, les deux élèves reprenaient leur souffle en calmant leurs battements cardiaques, assis sur l'herbe du parc. En la regardant du coin de l'œil, il demanda, inquiet :

Tu n'as rien ?

Elle lui répondit par la négative et il se sentit rassuré. Il s'en serait voulu à mort si Lily avait été blessée à cause de lui. Il y avait peu d'élèves dans ce coin du parc, et c'était une bonne chose. Severus n'aurait pas eu envie que d'autres élèves les voient en difficulté. Il prit sa tête entre ses mains, mille pensées lui venant à l'esprit. Lily bougea à ses côtés et il tourna alors la tête vers elle. Le regard qu'il capta de sa part atteignit directement son cœur et il ne put faire autrement que de lâcher quelques mots, qui se décidaient enfin à sortir.

Tu me demandais de quoi j'avais peur... Il fit un arrêt, pour voir si elle était attentive à ce qu'il disait. Elle l'était. Je ne sais pas... Les mots semblaient coincés dans sa gorge et il avait l'impression de devoir faire un effort énorme pour les sortir. Je ne sais pas... où cela va nous mener. Il avait lâché les derniers mots dans un souffle, d'une voix basse. Depuis l'altercation avec Avery, je... je ne sais plus trop où j'en suis. J'ai l'impression d'être déchiré en deux. Il se tut, ne pouvant en dire plus. C'était déjà exceptionnel que Lily ait pu tirer ça de lui, et il espérait qu'elle s'en rendrait compte. Parler de lui n'avait jamais été quelque chose de facile à faire.

Tout s’agita trop vite autour d’elle & la jeune sorcière n’en comprit que quelques composantes une fois qu’elle fût hors de danger. Mais pas hors de la braise. L’incandescence qui l’animait ne lâchait pas prise alors que derrière milles & une barrières, le serpentard se repliait au centre des carrefours, s’injectant lui même un acide détruisant peu à peu les dernières alternatives. La rouquine cherchait par tous les moyens à le sonder, à briser chaque pierre qui courrait entre leurs deux corps. Les battements cardiaques qui rythmaient sa cage thoracique étaient anormalement amplifiés par leur course. Bientôt, s’ajouta à ces éboulements respiratoires un trouble qui rendit davantage difficile l’inhalation. Pendant un instant d’ailleurs, la rouquine cessa de respirer prenant mesure de chaque mot qu’il prononçait. Les débris des murs roulaient entre eux désormais & il était là au creux de sa paume, vulnérable, offrant la triste vérité. Tenir sous la douleur, c’était récurant quand il s’agissait de Severus. La première sensation qui atteignit Lily fut l’immense chagrin qui l’avait menacée durant leur séparation. Elle sentit ses épaules s’affaissaient sous ce poids. Pourtant, ses mains en contradiction, rejoignaient le visage de son bourreau.

Honteux & fiers d’être ensemble. C’était exactement ça. Elle ne pouvait pas le regarder se décomposer sans se positionner par rapport à sa situation. Une fois de plus, la jeune fille mit tout ce qu’elle ressentait en arrière plan, ignorant jusqu’à ses larmes, les traîtresses qui s’épanchaient sans son consentement, tandis que ses pouces caressaient les pommettes de son ami cherchant à lisser ses traits si crispés. Elle aurait été tentée de l’envelopper de ses bras mais cela lui semblait encore trop intime pour l’heure. Trop de choses les pousser en sens inverse & la déclaration de son meilleur ami l’avait piqué trop sévèrement pour balayer le reste. La jeune fille continuait d’apaiser le visage de Severus mais ses paumes tremblaient trop fort pour qu’elle puisse réellement l’aider. Elle le voyait à même de s’effondrer entre ses mains. Elle recula alors & c’est sa faiblesse qui s’exprima en premier dans un seul & unique souffle.

Tu m’as tellement manqué…

Lily entreprit de s’essuyer le coin des paupières avec sa manche puis offrit un regard nébuleux au saule cogneur. La petite chose qui habitait sa poitrine se pinçait douloureusement à chaque effleurement avec la carcasse voisine. Mais c’était quand elle ne le touchait plus, que ça devenait encore plus dur. Son cœur ne battait plus, il ne faisait que vibrer aléatoirement.

Tu espérais trouver quoi ici ?

Une diversion. Ils en avaient tous deux bien besoin. Car la situation était bloquée. & elle savait que si elle lui disait réellement ce qu’elle pensait & ressentait, cela allait dégénérer. Des retrouvailles bien amères. La gryffondor se mordit la lèvre inférieure en refoulant une nouvelle charge lacrymale. Quelques perles s’allongèrent cependant & elle s’en voulait de gâcher ce moment alors qu’ils venaient enfin de se reparler. Severus avait-il la moindre idée de ce qui traverser la jeune fille ? De ce qu’elle affrontait pour lui ? De tout ce qu’elle cherchait à surmonter pour lui ? Elle tentait par tous les moyens de rendre l’incorrect, correct. De modifier le mal en bien. Mais cela l’épuisait. Surtout qu’il ne l’aidait en rien. Elle passait outre l’avis, les regards & les jugements de ses amis, chose que Severus n’arrivait à faire. Il lui avait toujours manqué cette force, c’était pour ça d’ailleurs que Lily avait cherché à lui offrir la sienne. Mais il continuait de repousser sa main. La rouquine était dépassée. Chaque mouvement semblait déplacé & chaque phrase grotesque.

D’autres gouttelettes percèrent ses tentatives vaines de replis & Lily finit par se détourner du serpentard. Impuissante mais raisonnable, elle refusait qu’il assiste à ça. Elle se détestait d’être aussi dépendante de lui. Elle détestait l’idée qu’il la voit ainsi. Elle détestait la situation. Pourquoi s’était-elle aventurer jusqu’à lui ? Pourquoi n’avait-elle su attendre qu’il vienne à elle ? & pourquoi fallait-il qu’à cette dernière question, une voix au fond de son crâne lui réponde qu’il ne l’aurait jamais fait. Elle aurait aimé pouvoir s’enfuir mais elle n’arrivait pas. Quand pourrait-elle prétendre le revoir & lui parler ? Elle se maudissait d’avoir provoqué tout ça.

Elle se maudissait de créer d’autres écroulements. De leur collision, il ne restait que de la poussière & des cratères sur sa surface. Dans son être, un seul chuchotement percer ses sanglots retenus, un seul murmure qui ne pouvait parvenir à son ami car elle n’avait pas les moyens de lui dire.

« Severus, s’il te plait, ne me laisse pas partir. Ne me laisse pas t’abandonner. »

Elle l'avait écouté, et Severus savait qu'elle l'avait compris. Peu de mots suffisait pour qu'elle puisse entrevoir l'immensité du désert formant son esprit. Elle pouvait en voir la moindre aspérité, elle pouvait interpréter le moindre de ses signes, et ces mots lui avaient ouvert la voie vers ses sentiments. Immédiatement, le jeune homme se sentit mieux. Le poids des derniers jours se libérait petit à petit, et, même s'il restait néanmoins présent, Lily était là, et elle lui permettait de calmer son esprit tourmenté. Il aura dû se tourner vers elle plus tôt, mais le remords, l'envie de s'en sortir seul, tel qu'il l'avait toujours fait, et d'autres émotions avaient bloqué ses pas et il était resté seul, tourné vers sa propre souffrance.

La jeune fille laissa rouler quelques larmes sur son visage mais elle ne parut pas s'en soucier. Au lieu de les essuyer, elle posa ses mains sur son visage et lissa tranquillement ses traits. Il ferma les yeux un bref instant, avant de les rouvrir, pour ne pas se laisser aller démesurément. Elle ne devait pas se douter à quel point ses gestes lui faisaient du bien. Un instant, il avait cru la perdre. Mais elle était là et il avait la ferme intention de ne plus la laisser partir. Il avait bien trop besoin d'elle. D'un côté, il se sentait coupable de cet égocentrisme, mais d'un autre côté, il s'en fichait pas mal. Il avait besoin d'elle, c'était un fait indéniable. Ses mains tremblaient et il fut tenter de la serrer dans ses bras pour qu'elle s'arrête de trembler, mais il ne le fit pas. Ce n'était pas encore le bon moment. Il y avait encore des choses à dire. Ils le savaient tous les deux. Ce fut d'ailleurs elle qui commença. Son cœur fit un petit bond dans sa poitrine en entendant ses paroles. Il hésita à lui répondre la même chose, et il hésita comme d'habitude trop longtemps. Elle reprit la parole pour offrir un autre sujet de conversation. Il sourit à cette attitude à la fois Gryffondor et Serpentard. Les premiers utilisaient cette technique pour ne pas blesser, tandis que les autres le faisaient pour cacher quelque chose, dans la plupart des cas. Mais, par bien des côtés, les deux maisons avaient en leur sein des individus qui se ressemblaient plus qu'ils ne le pensaient.

Il haussa les épaules à ses propos, fixant le Saule Cogneur qui avait cessé de s'agiter plus loin.

Je ne sais pas trop... quelque chose qui aurait pu porter préjudice à Potter, je suppose.

Il avait prononcé ces mots avec une pointe d'ironie et un sourire voilé en se tournant vers son amie. Mais ce fut seulement à ce moment qu'il parut s'apercevoir que Lily s'était détournée de lui. Tout était de sa faute. Comme toujours. Il avait failli détruire leur relation. Comme toujours. Il n'était vraiment pas doué en relation. Comme toujours. Il s'en voulut affreusement. Comme toujours.

Se rapprochant d'elle lentement, il tendit la main et la posa sur son épaule, essayant de ne pas trop l'appuyer, gardant ses distances, car ne sachant pas comment elle allait réagir. Il chercha ses mots un bref instant, même s'il aurait voulu ne pas hésiter. Il avait l'impression de n'hésiter que devant Lily. Chassant ces pensées, il murmura quelques mots :

Je suis désolé. Je sais que je ne fais jamais ce qu'il faut. Je le sais bien. Mais je ne sais pas comment faire.

Elle l'écoutait, car son corps fut parcouru de quelques tremblements. Lui-même tremblait un peu aussi d'ailleurs. Il laissa sa main glisser le long de son bras et se reprocha légèrement d'elle.

Montre-moi. Montre-moi comment je dois faire.

Il faillit ne pas rajouter ces mots, mais ils étaient bloqués dans sa gorge depuis trop longtemps et, en cet instant, il n'avait qu'une envie, les laisser sortir. Il le fit donc, avec une voix néanmoins plus basse que celle qu'il avait utilisée plus tôt.

Tout seul, je n'y arrive pas.

Elle espérait en restant concentrée sur son propre mensonge. Il ne s’approcherait sûrement pas, elle l’avait vu au milieu d’une bataille perdue. C’était fini. Ces mains étaient vides & il ne restait plus aucunes pétales pour courir sur ses lèvres. Son baiser n’existait plus, la marque laissée par sa peau s’était effritée. A l’instar du cœur de Lily, qui se désagrégeait un peu plus chaque seconde. Si bien qu’elle s’apprêtait à clarifier son second mouvement, partir. Quand sa main entoura son épaule. Au centre de leur maison de papier, ses mots fusaient. Les parois tremblaient, lui, elle & le Monde autour d’eux. Tout frissonnait, instable, incertain, impalpable. C’était effrayant de voir à quel point leur position était inconstante, fragile presque ridicule. D’autant plus effrayant, qu’elle se tenait fermement à cette situation. Elle serrait si fort la poignée qui la permettrait de s’enfuir, s’éloigner. Mais pourquoi n’y avait-il que les empreintes de Severus sur cette porte ? Pourquoi n’avait-elle jamais pu l’enfoncer aussi, pour s’échapper ? Pourquoi ? Elle aussi pouvait fléchir & chuter quand elle le voulait. C’était juste une question de distance. Elle tombait toujours moins bas que lui. Toujours. C’était pourquoi l’issue n’avait été qu’employée par le Serpentard. Les perspectives d’une fuite s’anéantirent quand ses doigts basculaient lentement contre son bras & il rapprochait son être du sien. Le reste de l’Univers s’inclina & la rouquine ne renversa pas le Sol pour s’ôter à ce lieu. Elle ne luttait plus. Car déjà, les coutures roulaient contre ses plaies. Avait-elle déjà souffert ? Ce contact replaçait les astres & le visage de Severus remplaça avec aisance le Soleil.

Lily tourna très doucement ses épaules de sorte qu’elle puisse lui faire face. Il rajusta sa prise en conséquence mais n’approcha pas plus. Ses dernières paroles laissaient présager que la suite dépendait d’elle. La jeune fille releva le menton, s’intégrant largement au reflet de ses prunelles ébènes. Elle refaisait partie de son paysage, rien de plus doux ne pouvait la saisir à cet instant. Presque rien. L’évidence s’autorisait à la réjouir dans l’instant. Ce n’était pas ce qu’ils avaient pu perdre les dernières semaines qui comptait, c’était ce qu’ils venaient de gagner. Elle n’était pas encore certaine des gains mais elle s’en fichait, car là, dans l’immédiat, il lui était revenu. La sorcière mesurait ses gestes, pondérer ses mouvements l’aidait à réaliser, à faire durer les choses plus que coutume. Lily posa d’abord sa main sur le bras de son ami puis elle hissa très lentement sur le bout de ses chaussures & délicatement, elle posa ses lèvres sur les siennes. Le toucher l’irradia, calcinant ses larmes qui s’évaporèrent avec la chaleur de ses joues. La gryffondor s’écarta au bout de quelques secondes interrompue par les rayons solaires qui perçaient l’horizon. Le château risquait de s’éveiller pour de bon. Un peu troublés, ils scrutaient les traits de chacun, redécouvrant les marques connues qui composait leur visage. Lily s’abreuvait à excès de l’arôme de Severus. Respectivement épicée & interdite. La jeune fille laissa son sourire reprendre de plein droit son expression jusque là chamboulée par un amalgame de sentiments plus contradictoires les uns que les autres.

Je ferais en sorte que tu ne te perdes plus alors.

Pour sceller sa promesse, elle noua ses doigts aux siens, ramena leurs mains liées jusqu’à sa bouche & embrassa leur étreinte. De la tristesse, des remords & d'autres concepts proches, circulaient encore dans la brume oculaire voisine. Mais seul le temps opérerait. Quelques murmures s’allongèrent un peu plus loin les avertissant que le petit déjeuner s’opérait dans la grande salle. La rouquine ne brisa pas de suite leur sphère.

On va devoir bouger je suppose…

Elle soupira lourdement effaçant son sourire par une grimace un peu tordue. Les réalités galopaient trop vite.

J’ai cours de métamorphose en plus. Pas question d’arriver en retard avec le professeur McGonagall… Enfin, il doit me rester une petite demi heure je pense…

Lily laissa les violents heurts de son âme congédiait son optimisme. Juste quelques instants. Lui laissant entrevoir une dégénérescence quasi immédiate de leur relation. Elle enfonça presque ses ongles dans la peau du Serpentard à cette pensée.

Sev’… Je ne te laisserais plus partir. Plus jamais. Je te préviens. La prochaine fois, je m’en fous si je dois trucider ou me faire trucider par la moitié de ta bande, je ne veux plus nous laisser dans ce mutisme.

Ce serment prenait des airs de menace & firent apparaître la fine ligne perpendiculaire à ses sourcils, son meilleur ami était soucieux. Lily redonna alors de la légèreté en rigolant nerveusement, elle déposa ensuite un dernier baiser sur sa joue & retira sa main de la sienne. Ils avaient encore un peu de temps, peu importait où & ce qu'ils feraient. Tant que son Ombre se confondait à la sienne, le Monde n'était plus froid & chaque question portait en son sein une réponse. C'était comme cela avec lui, tout avait sens & raison.

Les abîmes l'avaient guetté pendant un long moment, mais il n'en était plus rien à présent. Tout semblait s'éclaircir, comme les rayons du soleil qui s'offraient à eux en cet instant. Elle avait réussi à chasser toute la noirceur qui tentait de prendre possession de son corps tout entier, absorbant son âme comme si elle n'était qu'un souffle malencontreux facile à happer et à faire disparaître en une poignée de secondes. Il avait lutté, encore et encore, bataillant ferme pour garder le contrôle de tout cela, malgré les obstacles, malgré les déceptions et leurs amères conséquences. Ce combat qui avait duré des semaines et dans lequel il avait failli s'avouer vaincu, venait d'être remporté haut la main par une jeune fille si frêle en apparence qu'on aurait douté de sa force. Mais celle-ci surpassait de loin celle de Severus en la matière. Rien ne semblait pouvoir l'atteindre, en tout cas, pour lui, elle était cette personne sûre d'elle, enjouée, aventureuse et prête à tout. Elle l'avait toujours été. Depuis leur rencontre, jusqu'à maintenant, perchée sur le bout de ses orteils, appuyée sereinement sur son épaule.

Les mots s'évaporèrent pour ne devenir que des bulles de savon éclatant après une trop courte progression dans le ciel. Il ne put rien ajouter, et ce n'était pas plus mal. Il savoura ces instants qu'elle lui offrait comme un espoir. L'espoir de voir renaître quelque chose qui avait presque disparu, sans qu'il puisse y comprendre la moindre parcelle. En ce moment, le reste n'était que chimère, et néant. Tout se focalisait sur leurs lèvres jointes et le parfum de leurs deux corps réunis. Il n'osait presque pas bouger, craignant de faire fuir le mince espoir de bonheur qui planait au-dessus de leurs têtes. Le temps pouvait s'écouler à sa guise, il ne lui en voudrait pas cette fois-ci.

Comme s'il avait voulu jouer avec eux, le soleil émergeait petit à petit et les baignait de sa lumière. Severus cligna des yeux, et constata que Lily semblait perdue dans ses pensées. Il la contempla, admirant sa chevelure qui ondulait fièrement au vent, le défiant de porter atteinte à leur étreinte. Le vent s'enroulait à ses mèches et ses joues rosies malgré la brise fraîche la rendait irrésistible. Il sourit, incapable de se retenir. Elle en fit de même mais son sourire s'effaça trop rapidement à son goût. Ils allaient devoir se séparer dans quelques minutes. Ils avaient tous les deux cours. Elle lui en fit d'ailleurs la remarque. Il s'efforça de ne pas paraître trop déçu de leur future séparation, qui viendrait trop tôt et acquiesça lentement à ses propos.

Il fronça les sourcils quand elle lança cette promesse dans l'air d'octobre et ses yeux s'assombrirent quelque peu avant qu'elle lui plante un baiser sur la joue, ce qui raviva joyeusement son âme.

Ne dis pas ça...

Il avait un air triste et Lily le remarqua. Elle se rapprocha de nouveau de lui et il prit sa main.

Ne pas te voir m'a terriblement attristé, et même plus, mais je ne veux pas que tu dises ça.

Il hésita à continuer, mais murmura quand même quelques mots, espérant un instant que le vent emporte ses propos.

Tu ne sais pas qui ils sont.

Sous-entendu, "tu ne sais pas de quoi ils sont capables", mais cela, il ne le dit pas. Bien qu'il sache très bien que Lily était intelligente et comprendrait ses propos, il y avait certaines choses qu'il valait mieux ne pas prononcer.

Elle venait à peine de lâcher sa paume que déjà il la replaçait dans la sienne. Le sourire de la rouquine s'étendit largement sur son visage. Ce genre de petites choses lui avait cruellement manqué ses derniers jours. Très vite, trop vite à son goût, les petites fissures s'attaquèrent à leur étreinte. Severus n'osa que murmurer, une menace voilée. Lily planta vivement ses yeux dans ceux de son meilleur ami et lui offrit un regard qui en disait long sur sa détermination.

Tu ne sais pas non plus de quoi je suis capable. Ils ne me font pas peur.

La jeune fille ne blaguait pas et ça n'était pas l'inconscience. Ils avaient beau s’immerger dans la magie noire, elle jugeait que la force d'un sorcier résidait davantage dans sa volonté et son courage. Elle en avait sa claque d'Avery et de sa bande. Parfois, elle parvenait même à comprendre pourquoi Potter et Black ne cessaient de leur chercher des noises. Si ils n'étaient pas plus glorieux qu'eux dans leurs actes, on pouvait tout de même concéder que les motivations de ses condisciples étaient plus enfantines que violentes. Malsain. Ils étaient sacrément douteux même. La sorcière mit fin à la discussion en déposant sa tête contre l'épaule de Severus.

Heureusement qu'on a potions aujourd'hui, on pourra au moins se voir même de loin.

Lily ferma un court instant ses yeux et puis elle finit par se relever. Comme pour beaucoup de choses les concernant, il fallait toujours jongler entre l'amertume et l'euphorie mais surtout jouer avec le temps qui par défaut, leur manquait. Leur relation secrète l'obligeait. Les conflits non résolus également. La gryffondor ôta ses doigts à nouveau de sa main et regarda le Soleil avec un air décidé.

Je vais faire un détour par la grande salle. Je dois y aller.

Elle se tourna vers le Serpentard et lui donna un dernier sourire.

On se revoit tout à l'heure.

Lily hésita longuement en se demandant si elle pouvait ou non s'accorder le luxe d'un baiser juste avant de partir. Mais elle se résigna. Même si tout semblait retrouver sa place. Ce n'était pas tout à fait le cas. La façade de ses retrouvailles avait beau être teinté de rose, l'intérieur de la maison présentait toujours des tâches de suie. Lily pardonnait souvent. Mais il y avait des plaies qu'elle ne pouvait nier ou même oublier. Elle était peut être têtue mais jamais elle ne voulait être prise pour une farce. Si elle venait de se réconcilier avec Severus, elle ne pouvait pas plâtrer si facilement les défauts que présentait leur relation.

La jeune fille accorda un dernier signe à son ami avant de rejoindre en hâte le château. Elle croisa plusieurs groupes d'élèves qui se dirigeaient déjà vers leur cours de botanique. L'espace temporel qu'ils s'étaient accordés avait bel et bien pris fin. Le prochain serait peut être celui du bal. Ils n'avaient convenu de rien à part du fait qu'ils y allaient ensemble. Mais cette perspective plaisait drôlement à Lily. De l'imprévu ne faisait pas de tort.