Insidieux reptile, tu t'arracheras contre la braise féline [Thaddeus & Severus]

Quelques constellations grossissaient déjà, là haut. Ronronnant impulsivement contre la joute céleste qui s’étendait par delà les sentiers incommensurables de l’imaginaire. Quand il s’agissait d’appliquer normes et précision à l’Univers, aux galaxies, l’Homme se perdait dans des suppositions rêveuses, des pensées globales d’évasion insubmersible. Et pour cela, Lily admirait ce Monde dissimulé, se cachant derrière des milliers de mystère astral. Se gardant chaque nuit de rappeler leur existence, elles étaient toujours là haut, loin, loin d’eux, à l’abri de la folie humaine. Elles permettaient à la jeune fille d’oublier les solitudes passagères quand le crépuscule se jouait d’elle. La voie lactée déversait sur sa mélancolie d’autres traînées, enjouées, rassurantes. La nuit se faisait sentir, désirer même. Le déchirement nocturne s’engrangerait sûrement d’ici une bonne dizaine de minutes. Le temps nécessaire pour regagner tranquillement son dortoir et de s’assoupir dans des cogitations purement scolaires sur ce que le lendemain réserverait en nouveaux défis, en autres obligations. Mais pour aujourd’hui, la rouquine ne s’embarqua guère vers la tour des Lions. Dans la paume de sa main, bien conservé de toute éventuelle agression extérieure, un morceau de parchemin lui offrait une alternative que bien des envieux pourraient convoité. Une excuse, mieux encore, un passe pour circuler dans les couloirs brouillés de ténèbres. Elle pouvait se rendre où bon lui sembler, à moins d’user de certaines ruses néanmoins. Le petit bout de papier était une convocation et non des moindres. Le professeur Dumbledore lui-même, l’autorisait à se diriger seule dans la vieille bâtisse pour gagner son bureau alors que chien et loups se disputaient le ciel. Inutile de préciser que la gryffondor n’en profita pas un seul instant en s’octroyant le droit d’une escapade fortuite vers les cuisines ou autres lieux qui susciterait un fantasme épique dans son esprit. Elle se dirigea d’un pas convaincu vers les gargouilles dissimulant la porte du Directeur. Le mot de passe était inscrit au dos de la lettre, l’écriture était fine, légèrement italique. La calligraphie était réellement somptueuse et Lily se demanda si le génie ne possédait pas d’autres talents orientés vers l’Art. Elle relut l’inscription pour être sûre de ne pas induire en erreur les sculptures ensorcelées. D’un ton léger, poli, aimable, elle susurra « Hocus Pocus » avant qu’un sourire discret ne s’empare de ses lèvres rebondies pour les étirer d’une manière lumineuse. Dumbledore restait Dumbledore jusqu’au bout. Quand les gardiennes du sanctuaire s’écartèrent pour lui laisser l’accès libre, la jeune fille rangea la parcelle de parchemin dans son sac et laissa la nervosité la faire un instant hésiter.

Elle savait quel allait être le sujet. Severus Snape. Dumbledore nourrissait quelques craintes à l’égard de sa bande d’amis et à vrai dire, il n’était pas le seul. Lily ne savait pas qui avait été trouvé le vieux sorcier mais apparemment, on l’avait mêlé, elle, à l’histoire de « mangemorts » qui peuplait maintes et maintes rumeurs actuelles. Mais Dumbledore n’allait tout de même pas croire des ragots purement frénétiques. Des commérages odieux. Il était vrai qu’on l’avait un peu trop souvent croisé en compagnie du Serpentard dernièrement. Que de plus, elle rejetait ardemment son camarade, James Potter. Les gens croyaient-ils qu’elle reniait son statut de Gryffondor et pactisait avec l’ennemi ? Sûrement. Pour faire naître ce genre d’idioties, il fallait être dans la rancœur la plus inextricable. Elle était certaine que le Directeur n’allait pas palper l’incohérence de ses propos avec une assurance quasi démente. Mais… alors, la raison de sa présence se situait dans les entrailles même d’un autre dessein, une autre motivation. Etant l’amie intime de Severus, il semblait logique qu’il l’interroge sur les agissements de sa horde d’Amis plus louche les uns que les autres… Dumbledore ne la forcerait pas à trahir Sev’, encore moins à colporter. Il cherchait sûrement à l’aider, à comprendre. Oui, c’était évident. Lily replaça sa sacoche glissant le long de son épaule puis toqua fébrilement contre le bois verni de la porte. Les interstices coupant par endroit les matériaux à la serrure mais également dans l’embrasure de la porte close, renvoyaient sur sa peau quelques bribes de lumières dissoutes. De toute évidence, il ne faisait pas encore totalement nuit.

Personne ne répondit à l’autre bout. Le silence le plus platonique lui laissa croire que personne ne s’y trouvait d’ailleurs. Vide ? Lily retenta sa chance mais alors qu’elle exécuta son mouvement de poignet, le doigt levé, la porte s’ouvrit brutalement. Ne pouvant freiner son amorce gestuelle, sa main rencontra le bras de l’inconnu stationnant devant elle. Ce n’était pas le vieux magicien, ce n’était pas un professeur non plus. Non face à elle, se trouvait un jeune garçon dont la silhouette était déchiquetée par les faibles haillons d’halos Solaires restant. Elle reconnut en premier l’étendard de Serpentard gravissant fièrement son torse. Ses cheveux suintaient d’un éclat interdit tandis qu’il se figeait d’effroi. L’estomac de Lily se contracta douloureusement quand elle saisit qui venait d’accuser son léger coup manuel. Thaddeus Avery. Il traînait avec Severus, régulièrement. Son aversion pour les sorciers nés moldus n’était pas un secret qu’il préservait à ces frontières privées. Il se recula si violemment d’elle que Lily se demandait si il croyait attraper la peste à son simple contact. Bien sûr, la médiocrité, l’impureté était volatile de nos jours. La gryffondor se fit violence pour ne pas imploser et s’engouffra dans la large pièce constituant le bureau du professeur. Les tableaux de ces prédécesseurs accueillirent sommairement la nouvelle venue. C’est d’ailleurs auprès d’un d’eux qu’elle s’enquérit de la position de Dumbledore faisant de toute évidence, défaut à ce lieu. Inutile d’interroger Avery, il s’était logé aussi loin d’elle que possible, reclus dans un coin de la salle. Le directeur s’était absenté d’urgence à la demande d’un Hibou fort peu précautionneux d’après l’un des tableaux mais il avait donné l’ordre au garçon de rester là, il n’en avait pas fini avec lui apparemment. Il avait également reçu l’ordre de recevoir l’étudiante qui ne devait pas tarder sans préciser le nom et encore moins la race. Ce qui devait préoccuper par-dessous tout le Serpentard. Dumbledore avait réussi son coup, la surprise et tout le reste. Bloquée ici avec lui. Avec un des types qui enfonçait son meilleur ami dans d’horribles projets marécageux. Malfaisant.

La jeune fille s’installa sur une des chaises faisant face à l’immense table servant de bureau, en prenant soin de ne pas croiser le regard coulant d’incandescence, d’orgueil, de haine de l’autre côté de sa position. Plusieurs minutes s’écoulèrent et tous deux demeuraient des statues de marbre s’autorisant uniquement le loisir d’inhaler l’oxygène avoisinant. Rien qu’à penser qu’il partageait son air avec elle, il devait être malade. Lily serra les lèvres si fort qu’elle en eut mal. Dans un sursaut d’angoisse, elle se demanda si sa présence prenait racine dans la sienne. Aussi, elle releva sa nuque jusque là légèrement courbée pour toiser la carcasse tapie dans un recoin. Elle ne fit pas dans le conventionnel. Avec lui, c’était futile voir peut être insultant même, de s’adresser de manière courtoise. Il ne le méritait pas de toute manière. Peut être qu’il ignorerait sa question mais il fallait au moins tenter de la lancer.

T’as t’il parlé de Severus ?

Sa voix s’éleva si fluette au travers de l’épais brouillard courant entre eux qu’elle se sentit ridicule. Mais à voir la rage tordre les traits du jeune homme, elle savait qu’elle venait de toucher au seul sujet qui perturber, offenser même. La chose la plus taboue. Son Amitié avec Severus était une infamie pour celui dont les couleuvres roulaient en teintes argent et vertes autour du col.

Comme de coutume, le Soleil avait jalousement rappelé à lui ses rayons généreux. Déjà, les multiples étoiles s'étaient faites maîtres de la voûte céleste, se perchant au plus haut pour défier l'Univers. Elles exhibaient avec délectation leur beauté étincelante, se jouant des kilomètres les séparant des Hommes. Perçant avec force les limbes des nuages déchirés de lumière, elles s'abandonnaient dans une pose délicate pour mieux se laisser contempler.
Malgré leur caractère intouchable, hors d'atteinte, ces Reines de la Nuit fascinaient Thaddeus au plus haut point. Il passait souvent des nuits entières, allongé sur l'herbe humide de son immense jardin à Winchester, à les observer en silence, bercé par les seuls battements de son cœur. Mais cette nuit-là, au château, et ce malgré la beauté toute particulière du ciel à cette période de l'année, il devrait se forcer à remettre à plus tard son rendez-vous nocturne. Car il en possédait un autre, plus exceptionnel, plus surprenant : Albus Dumbledore en personne souhaitait s'entretenir avec lui. Dès qu'il reçut le parchemin du vieux sorcier, des idées soudaines se bousculèrent dans sa tête, abandonnant son esprit au chaos. Que lui voulait-il ? Thaddeus avait pris pour habitude d'enfreindre le règlement et il en avait parfaitement conscience. Sans compter que la moitié des élèves de cinquième année lui inspiraient une haine féroce et devaient faire très attention s'ils ne voulaient pas attiser celle-ci jusqu'à réveiller une violence insoupçonnée. Tous ces James Potter, Sirius Black, Remus Lupin ; il n'avait qu'une envie à leur sujet, c'était de les renvoyer d'où ils venaient. Et surtout cette Sang-de-Bourbe d'Evans. Rien ne lui ferait plus plaisir de la voir une fois pour toute rayée de la carte. Il se sentait comme une poupée vaudou, transpercé de toutes parts par les aiguilles impures de la médiocrité et de l'insignifiance.
Sur le chemin qui le menait au bureau du Directeur, il décida de ne plus se répandre en divagations et d'attendre la suite. Après tout, il pouvait s'agir de n'importe quoi. Les couloirs qu'il arpentait en silence étaient plongés dans la pénombre. Ça et là, les flammes des torches accrochées aux murs perçaient la noirceur de l'air de leur langues ondoyantes. Des ombres inquiétantes se dessinaient sur la pierre nue, puis s'évanouissaient brusquement, happées par une main invisible. La légère brise qui errait dans les alentours semblait décuplée dans les larges couloirs, poussant ses pérégrinations jusqu'aux murs de pierre, qui la repoussaient sans ménagement, la faisant hurler de mécontentement. Mais Thaddeus, baigné depuis cinq ans dans cette atmosphère, n'y fit pas attention, plongé dans ses réflexions : il souhaitait malgré tout savoir ce que l'on pouvait bien lui reprocher. Il pressa le pas et arriva au pied des gargouilles qui dissimulaient la porte du bureau de Dumbledore.
Lorsqu'il s'introduisit respectueusement dans ledit bureau, le vieux sorcier, qui était assis devant une table de travail encombrée, lui offrit un sourire sincère et l'invita à s'asseoir. Thaddeus, s'efforçant de repousser la nervosité qui tentait de s'emparer de lui, obéit sans broncher, le visage fermé. Dumbledore l'observait maintenant avec attention à travers ses lunettes en demi-lune. Mais avant que l'un d'eux ait pu ouvrir la bouche, un magnifique hibou s'engouffra dans la pièce et se posa en douceur à côté du Directeur, déposant une lourde lettre devant celui-ci. Silencieux, Thaddeus vit le vieil homme lire avec attention le parchemin qu'elle contenait, puis se lever, s'excuser et se diriger vers la porte. Décontenancé, il balbutia :

Mais... Monsieur ? Pourquoi vouliez-vous me voir ?

Tout ce qu'il obtint comme réponse était qu'ils en reparleraient : Dumbledore ne serait pas long. Perplexe, Thaddeus s'apprêtait à protester quand le Directeur se retourna en lui demandant aimablement d'accueillir pour lui l'élève qui arriverait bientôt. Et il s'en alla. Décidément, Thaddeus ne parviendrait jamais à comprendre cet homme et ce qui se passait dans sa tête. Pourquoi sa dernière phrase était empreinte de cette once de... malice ? Il s'attendait au pire. Avait-il appelé ses camarades de Serpentard, espérait-il leur soutirer un à un leurs plans ou leurs projets ? Non, ils l'auraient prévenu, de toute évidence. Mais il ferma les yeux, les sourcils froncés. Qu'il était stupide ! Il ne les avait pas vu ce soir-là, s'étant isolé dans le Parc pour éviter la foule qui se pressait comme toujours dans leur Salle Commune. C'était donc cela. Évidemment.
Le visage sombre, la tête baissée, il se fit prisonnier de ces idées peu encourageantes, malgré tous ses efforts pour ne plus y songer. Aussi sursauta-t-il lorsqu'il entendit quelqu'un frapper à la porte. Ses membres semblaient engourdis, empêtrés dans un magma d'appréhension. Seule sa tête s'était redressée, et ses yeux noirs, habités d'éclats inconnus, scrutaient la porte, comme s'il espérait voir à travers le bois verni. Essayant de se contrôler, Thaddeus se leva lentement, se redressa, et s'avança d'un pas mi-ferme mi-maladroit vers le battant, qu'il ouvrit brutalement.
Le premier contact, ce fut un coup, porté sur son torse, et qui, étonnamment, était presque doux. Depuis quand sa bande d'amis, virils à souhait, effleuraient-ils littéralement les portes avec autant de délicatesse ? Puis il leva les yeux et comprit. Ce n'était pas Severus, ni qui que ce soit de Serpentard. Avec une moue de dédain, il recula vivement. Lily Evans. La petite rouquine qui fourrait son nez dans ses affaires en assagissant son meilleur ami à coup de ruses détestables. Qui entravait chacun de ses pas, sans scrupules, persuadée qu'elle avait raison, que lui avait tort.
Malfaisante.
Elle passa devant lui, le visage crispé par la colère, pour s'aventurer à l'intérieur. Thaddeus, qui n'en menait pas large face à son aversion et à sa haine réunies, referma la porte avec froideur. Les poings serrés, les ongles s'enfonçant dans la chair de ses paumes, il fit volte-face et se dirigea vers un coin de la pièce, le plus éloigné possible de la Gryffondor. Il la fixa sans ciller, une onde de haine se propageant dans chaque parcelle de son être. Il attendait qu'elle tourne les yeux, qu'elle ose le regarder en face. Mais rien. Malfaisante et pleutre. Les murs de ce château regorgeaient décidément d'êtres faibles et pitoyables.
Ses tempes battaient au rythme vif et régulier de son cœur. Électrisé par la colère, il restait parfaitement immobile, respirant sans bruit un air souillé par une présence indésirable. Ses mâchoires serrées lui faisaient presque mal, mais peu lui importait. Il fallait qu'il garde le contrôle. Ce n'était pas le moment de se battre, encore moins l'endroit. Alors qu'il la fixait toujours, elle tourna enfin la tête. Ses yeux étaient rendus brillants par la rage, ses lèvres restaient contractées dans un rictus furieux. Et elle lui adressa la parole. Non pas pour prononcer quelque chose de blessant, non. Plutôt pour prononcer la pire des phrases qu'elle aurait pu trouver. LE sujet à éviter. Thaddeus fit un effort colossal pour ne pas laisser le flot de haine qui le possédait sortir et frapper de plein fouet cette sale rouquine. Son visage torturé par la simple vue de la Gryffondor se tordit en un masque rageur tandis qu'il sifflait entre ses dents :

Je ne vois vraiment pas en quoi ça te concerne, Evans.

De toute évidence, cette réponse ne convenait pas à son vis-à-vis. Il la vit se faire violence pour contenir ce qu'elle voulait lui cracher à la figure. La situation n'aurait pu être plus précaire et délicate. Thaddeus lui jeta un regard sans équivoque. Pris tous les deux dans le filet du dégoût, les deux étudiants ne se quittaient pas des yeux. Qu'est-ce qui était donc passé par la tête de Dumbledore ? Souhaitait-il que les deux jeunes sorciers s'entretuent dans son propre bureau ? Aucun autre dessein n'aurait pu justifier leur présence en ces murs.
Thaddeus arracha son regard aux prunelles vert émeraude parcourues de lueurs fébriles et se retourna pour aller s'asseoir sur une chaise ouvragée.
L'attente allait être longue.

Quelques spasmes aux allures farouches se permirent d’harceler les épaules de Lily alors que sa hargne grignotait l’entièreté de ces pupilles. L’émeraude ondulait autour de ses iris dilatées par la colère à la manière d’une Mer effrénée où milles naufrages étaient à déplorés. Naufrage, engloutissement, submersion. Voilà une palette de termes accolant Avery à Severus avec discernement. Il s’immergeait à même les Eaux troubles avec son meilleur ami écroué à son Utopie sinistre, sans se soucier de l’asphyxier par delà les limites de son apnée. Le jugeait-il aussi odieux que lui, aussi dénudé de moralité ? Est-ce que toute cette bande d’amis le connaissait comme elle ? Y avait-il deux Severus ? Le leur & le sien. Lequel des deux étaient l’essence même du Serpentard ? Jusqu’à quand jouerait-il un double jeu ? Jusqu’à quand se risquerait-il à jongler entre ces responsabilités, les conséquences, les différences, le temps, les raisons et tous ces choix ? La rouquine perdit de l’oxygène à mesure que les questions profilaient à l’intérieur de sa boîte crânienne. Toutes ces interrogations qu’elle avait repoussé quand ils s’étaient convertis en amant refusé, réintégraient le Lieu où elle avait réussi jusque là à les condamner. Ce n’était pas le moment, même si la situation les suscitait. Elle devait garder son sang froid, s’accrocher à la lucidité. Juste le temps de ce délai incongru. Juste le temps d’avaler le Noir s’échappant de leur haine respective et puis l’entretien s’allongerait vers sa fin. Inutile de provoquer, de se chercher.

La gryffondor enroula ses bras autour de sa cage thoracique, n’ayant pour étreinte que ses propres membres pour réconforter ce que le Serpentard était parvenu à remuer. Il venait dors et déjà de remporter la première bataille en secouant la jeune fille de la sorte. Mais c’était loin d’être terminé. Bien loin même. Ils ne dirent plus un mot, pas un. Leur respiration sembla elle-même mourir dans une quiétude faussée. Tel un tableau maudit, où la peinture moisissait avant que les poils du pinceau ne chatouillent la toile encore vierge, la Mort suintait de cette mauvaise scène. La Fatalité. C’était tellement prévisible qu’elle aurait voulu en vomir à même le Sol si formellement ciré. Tout était tellement encré & pourtant, elle ne se faisait toujours pas à ce qui se déchargé de ses yeux braqués contre les siens. Cela aurait pu être un regard presque intime si il n’était pas aussi sournoisement teinté de dards infectés de vieux préjugés, d’hordes d’incompréhension. Un choc entre des croyances, collision de valeurs opposées. En un mot, l’éducation. Antonyme selon l’un, selon l’autre. Longues, langoureuses, pénibles, douloureuses minutes s’abattant à la manière de grattement écorchant dos, cou, articulations, patience, âme. L’hémoglobine fictive puait tellement mêlée à cette agressivité sourde. Mais à l’ombre, les pires silences sont les plus redoutables. Les souffrances se multiplient dans les atmosphères confinées. Là où on ne place ni mot, ni action, la violence croît de manière déraisonnée. La détonation tuerait. Oui, elle les renverserait si elle prenait le temps de s’actionner au milieu de leur bruine sifflante. Ode au Meurtre, la symphonie muette se réinterprétait pour leurs oreilles vibrantes, cherchant à capter l’insondable. La tension faisait perlé sur le front du jeune homme quelques gouttes de sueur à peine discernable tandis que la salive de Lily râpait une gorge asséchée. Si les énoncés s’offraient le loisir d’ôter les maux recouvrant leurs prunelles, ils se prendraient à la gorge, hurleraient leur mépris plutôt que de se rétracter dans une indifférence erronée.

Le dérapage était à craindre. Oui, plus les secondes filaient, plus la contrariété engluait leur esprit étroitement recadrés pour avachir leur vigilance, leur prudence. Il suffirait d’une chose, d’une seule petite chose pour perdre le contrôle.

& c’est là. C’est là, à ce moment précis. Que la porte couina. Une bourrasque imprévue releva la crinière chatoyante de la jeune fille, rafraîchissant l’arrière de sa nuque. Pourtant au lieu de recevoir cette douce brise comme une faveur automnale, la rouquine s’en saisit comme une malédiction. La personne qui se présenta à eux, posa brièvement ses yeux sur sa carcasse tremblotante avant de porter son attention vers l’homme prostré dans un autre bout de la pièce. Le jeu, si jeu cela était, se corsait & c’est un sourire mauvais qui vit le jour sur les traits satisfaits d’Avery, donnant la nausée à Lily. Severus Snape était posté près de la porte, figé dans l’horreur. Bien que son flegme ne fut en rien brisé. Que du contraire. Hésitait-il à s’adresser à l’un ou l’autre ? Ou bien comptait-il ignorer les présences du Lieu ?

Lily ne risqua même pas de se perdre sur sa silhouette, elle n’avait d’ailleurs pas relâché ses yeux de Thaddeus. Plus que jamais, elle ne voulait pas le perdre de vue. Plus que jamais, elle voulut l’affronter. La Partie se renforça, la raideur les internant gagna un cran & les degrés courant leurs veines atteigné des hauteurs à tel point que la rouquine pouvait sentir son sang bouillonnait contre ses tempes. Elle aurait dû avoir peur face à la tête déformée par la démence qu’arborait Avery. Seulement, ce fût l’effet inverse. Il ne fallait pas provoquer Lily Evans. Pas comme ça. D’un ton neutre, elle éleva dans l’air quelques notes aiguës sans pour autant détourner ses prunelles vers son interlocuteur.

Dumbledore a dû partir. Il nous prie d’attendre ici, il sera bientôt là.

Elle ne s’attendit pas à une réponse. Bien sûr. Mais peu importait. Peu importait l’Issue. La présence de Severus lui procurait la Force nécessaire pour lutter contre ses Démons. Et pour rien au monde, elle n’allait le laisser aux griffes de succubes ineptes. Non, rien ne pourrait la détourner. Elle n’allait pas battre en retraite, ce n’était pas son genre.

L’air frais de la nuit d’octobre s’insinuait dans les murs du château, comme s’il tentait de percer ses plus intimes défenses et de forger sa place à Poudlard. Puissant, fort, imposant. Voulant dicter ses propres lois à l’atmosphère de l’école. Mais aussi puissant était-il, les torches allumées des couloirs de Poudlard répandaient une chaleur bienfaitrice et trop vigoureuse pour lui. Il s’évanouissait alors dans une fumée indétectable. Ombre parmi les ombres.

Une autre ombre s’avançait à pas réguliers dans le couloir sombre. Son uniforme vert et argent ne se voyait presque pas dans le noir. Elle aurait pu passer inaperçue. Mais en s’approchant du bureau du professeur Dumbledore, les torches se faisaient de plus en plus présentes, comme si elles voulaient percer les secrets de ceux qui s’aventuraient près du Directeur. Severus se demandait souvent quels pouvoirs possédait cet homme si important. Sûrement plus que ce que la plupart des gens osaient seulement imaginer.

Perdu dans ses pensées, Severus prononça à voix basse le mot de passe inscrit sur le bout de papier rangé dans une poche intérieure de son uniforme. Il avait d’abord été surpris de savoir que le Directeur souhaitait s’entretenir avec lui, se demandant quel était le sujet de cet entretien. Mais il n’avait pas eu envie de se creuser les méninges à en chercher la raison. Il était encore temps de le savoir au moment où il verrait Dumbledore. De toute façon, qui pouvait se targuer de connaître les motivations du vieux Sorcier ?

Montant d’un pas lent mais mesuré les marches menant au bureau directorial, Severus espéra un instant que cette discussion ne durerait pas trop longtemps. Il avait découvert à la bibliothèque un ouvrage sur l’Aconit qu’il n’avait pas vu jusque là et il espérait bien pouvoir en faire la lecture le plus rapidement possible, pour compléter ses notes sur le sujet.

Il voulut frapper mais la porte était légèrement entrouverte, laissant filtrer un fin rai de lumière. Il poussa alors la porte et leva les yeux. Son cœur manqua un battement. Son souffle resta bloqué dans sa poitrine. Ses yeux passèrent de Lily à Thaddeus et il ne put s’empêcher de faire le chemin entre leurs deux corps des yeux, une fois, deux fois, jusqu’à ce qu’il prenne conscience de ce qu’il faisait. Il vit un sourire se poser sur les lèvres du Serpentard et il se demanda ce qui s’était passé dans ce bureau avant qu’il n’arrive. L’atmosphère était tendue à un point inimaginable. Et son arrivée n’allait sûrement pas arranger les choses, pensa-t-il en crispant les mâchoires. Intérieurement, il n’arrivait pas à croire ce qu’il voyait. Lily Evans et Thaddeus Avery. Laissés seuls dans la même pièce. Et où était Dumbledore ? Severus se rendit alors compte de son absence et c’est à ce moment que Lily lança quelques mots. Le Serpentard remarqua alors qu’elle ne le regardait pas. Elle l’avait fixé quand il était rentré mais elle avait détourné le regard directement pour fixer Thaddeus. Il maudit le Directeur. Etait-il fou ? Pourquoi était-il parti ? Ils n’allaient pas pouvoir rester dans la même pièce sans se blesser. Moralement. Severus espérait que ce ne serait que moral… Et il espérait aussi qu’il reviendrait vite.

Evidemment, les paroles de Lily n’arrangèrent rien à l’ambiance tendue entre les protagonistes. Thaddeus lui jeta même un regard hautain alors que Severus s’empêchait de détourner le regard des deux autres personnes. Il ne voulait pas fuir leurs silhouettes. Il s’obligea à parler, la bouche pâteuse.

Evans. Avery.

Il voulait parler, casser ce vide. Mais rien ne venait. Rien ne lui paraissait assez sensé pour être dit. Mais le silence était traître. Car il créait tous les on-dit, les renforçait, leur donnait un sens. Et allait nuire à tous. Mais de quoi pouvait-il bien parler ?

Elle. Il fixa ses yeux sur son corps, s’empêchant de faire un pas vers elle, sachant qu’il ne pourrait s’arrêter avant d’être à quelques millimètres de son visage. Il se garda bien de bouger, ne laissant que ses yeux brûler sa silhouette.

Lui. Il passa à son meilleur ami, se demandant comment, en cet instant, il pouvait penser qu’il était son ennemi. Leur ennemi. Il ne lui avait rien dit. Mais Thaddeus n’était pas bête. Il savait qu’il se passait quelque chose entre eux deux, même s’il n’était peut-être pas en mesure de dire précisément quoi.

Severus émit un soupir inaudible. Les mots franchirent ses lèvres, sans qu’il sache comment ils parvenaient à se frayer un chemin parmi son esprit torturé.

Quelqu’un sait pourquoi Dumbledore nous a convoqués ?

Il ne savait même pas pourquoi il avait posé cette question. Mais c’était trop tard…

L'air ne cessait de se condenser, enserrant avec violence leurs deux carcasses dans une étreinte démente. Chaque seconde signait de sa main un nouveau pas dans les ténèbres de la haine. Ils s'étouffaient. Il se suffoquaient. La lourdeur du temps pesait sur leurs épaules, faisait crisser en eux les jointures de la patience. Leurs prunelles n'osaient se quitter, de peur de perdre du terrain. De peur de se soumettre. Émeraudes contre opales. Éternellement, s'il le fallait.
Dans un sursaut d'aversion, ses mâchoires se crispèrent, encore, et encore, s'épousant en une muraille d'ivoire. Muraille contre ce qui empestait l'air : effluves lamentables de l'impureté. Ses bras exaspérés se contractèrent violemment, éveillant dans leur chair des protestations de mépris. Tout son corps se révolta contre cette proximité forcée, contre ce manque d'air asphyxiant.
Sa colère cognait à présent contre ses tempes, comme si elle avait voulu s'enfuir, prisonnière acharnée. Son sang battait violemment contre les parois indifférentes de ses veines.

Puis, plus rien. Juste ce couinement hors-propos, ce frôlement d'étoffe inattendu. Leurs yeux s'arrachèrent l'un à l'autre avec mépris, attirés par cette trêve faussée.
Un sourire. Il n'aurait pu le réprimer. Un souffle d'excitation lui parvint lorsque la porte ouvragée se referma dans un grincement d'excuses. La partie s'annonçait distrayante.
Le regard de Severus balaya leurs deux silhouettes morcelées par une terrible tension. Puis une nouvelle fois. Et encore une autre. Son visage se décomposa. Thaddeus sentait cette situation titiller son intérêt. L'air mauvais, il se tourna vers la fille. Son visage atterré semblait prêt à se défaire, à tomber en gouttes d'horreur sur le bois ciré du Bureau. Puis, contre toute attente, un éclat farouche s'alluma dans ses yeux vert émeraude, qu'elle braqua brusquement sur lui. Bien. Les adversaires vaincus d'avance ne l'intéressaient pas.

Sans le quitter des yeux, elle brisa le silence d'une voix de défi, mais qui trahissait malgré tout son trouble. Il la fixa d'un air suffisant. Remarque déplacée dans une situation si intelligible. Severus les salua brièvement, semblant incapable de prononcer un mot de plus, de trouver dans cette incohérence une parole salvatrice. Aucun d'eux ne bougeait plus. C'est à peine s'ils respiraient. C'est à peine si leurs cœurs battaient dans leurs poitrines torturées. Le problème auquel ils étaient tous trois confrontés depuis trop longtemps, sans pouvoir trouver d'échappatoire, s'étalait à présent sous leurs yeux. Ils ne pouvaient plus reculer. Et ils le savaient pertinemment.
Ils demeuraient figés en un tableau de malheur. Ce genre de tableau qui impressionne, effraye, et fascine à la fois. Ce genre de tableau qu'on passerait des heures à admirer. Pétri d'émotions terrifiantes. Intense et profond.

L'imagination de Thaddeus se réveilla. A quoi songes-tu Severus ? A elle ? Au dilemme qui s'offre à toi ? Et toi, Evans ? Que ressens-tu, mis à part toute la haine que tu me réserves ? Veux-tu briser ce trouble abyssal ? Entendre Severus le faire à ta place ? Ou t'échapper comme une lâche ?
Il se décida. Il allait attendre. Il avait tout son temps. Cela faisait une éternité qu'il s'interrogeait sur cette sale rouquine, sur ce qu'elle représentait pour son ami. Il allait enfin pouvoir constater de lui-même. Dumbledore les avait confrontés l'un à l'autre, et Thaddeus était le témoin de cette confrontation. Ils ne pourraient plus faire semblant. Pas cette fois. La procrastination avait ses limites.

Ce fut Severus qui se risqua le premier. Une phrase anodine lancée au hasard de la pièce. Une façon comme une autre de les empêcher de perdre pied. Thaddeus ne cilla pas. Il s'était décidé. Il attendrait. Mais elle ne semblait pas vouloir répondre. Ou bien n'avait-elle pas entendu cette faible tentative du Serpentard, plongée corps et âme dans ses pensées.

Aucune idée.

Il se détourna d'Evans et fixa calmement son ami.

Chacun ses raisons.

Flottement limpide.

N'est-ce pas ?

Severus amorça un haussement de sourcil, mi-inquiet mi-rageur. Les deux amis se fixaient, sans savoir comment se comporter, sans savoir s'ils se haïssaient ou pas.
Le regard de Thaddeus se durcit. Il savait ce qu'il voulait. Et il l'obtiendrait.

La suite des événements se déroula par delà leurs cils dans un tourbillon de lueurs craquelées, celles de leurs prunelles. Ils communiquaient par le biais d’une discussion muette, une conversation amputée de sons audibles. Le message naissait dans les pupilles de l’un pour mourir dans le regard de l’autre. Et malgré l’absence de mots, la relation qui nouait les deux serpentards n’avait jamais semblé aussi réel & palpable pour la rouquine. Ils tissaient davantage les fils qui alimentait leur message muet. Lily ne pouvait pas retranscrire leur échange visuel, elle ignorait ce qu’il se tramait entre eux. Depuis combien de temps est ce qu’il avait été abrité par ces démons ? Ceux là même qui lui permettaient de mener cette discussion sans avoir recours aux cordes vocales. Elle était hors de ce Monde. Elle était hors de son Monde.

Ouch

La jeune fille se sentit giflée intérieurement comme si tout prenait sens avec violence. Ne fallait-il pas être intimement lié afin d’accéder à ce genre de processus ? Un code que les non-initiés ne pouvaient décrypté. Ce n’était pas de l’amitié à proprement parlé mais quelque chose les rapprochait… Quelque chose à l’évidence de néfaste & terrifiant. Le garçon à la chevelure blonde traînait Severus dans ses cauchemars, elle pouvait le voir de là s’enliser dans la crasse de cette nuit sans étoiles, sans astres. Le chagrin de la jeune fille se mêla étroitement à sa fureur et la lutte à laquelle les deux émotions se livrait, la rendait perméable à la dérive la plus extrême. Une onde froide lui parcourut l’échine déversant sur son passage une horde de sensations désagréables. Lily noua ses bras contre sa poitrine pour empêcher l’hémorragie d’empiéter sur son sang froid. Si elle voulait affronter la situation, elle se devait de garder son sang froid. Afin de canaliser l’énergie dégagée par le flux de sentiments qui s’entrechoquait en elle, la gryffondor se leva et marcha lentement jusqu’à atteindre la vitre en prenant soin de demeuré assez loin d’Avery. Lily s’accola à la vitre et observa les chutes de couleurs qui s’encastraient en variantes caramels & pourpres. C’est alors que le reflet de la silhouette aimée apparue nettement dans le reflet du carreau.

Il se tenait toujours immobile, tiraillé entre ces deux personnalités, ces deux possibilités, ces deux Univers. Comme figé dans le temps & dans l’espace, il ignorait ce qu’il lui arrivait exactement. Sa déroute affaissait ses sourcils nouant son expression générale sur un mutisme sans nom. La jeune fille laissa son âme se dissoudre sous cette apparition & croulait sous l’atmosphère pesante qui ne cessait d’amplifier à mesure que les minutes s’additionnaient. Elle pouvait de mieux en mieux lire ce qui déchirait son meilleur ami & sa souffrance était continuellement absorbée par la jeune fille. A tel point qu’elle ne put plus supporter la détresse dans laquelle sa présence enfermait Severus. Elle avait la force de demeurer là avec Avery mais pas si lui était mêlé. Il y avait trop en jeux & elle n’était pas assez raisonnée pour achever dignement ce premier accrochage.

Lily retourna alors à sa position initiale afin de s’emparer de son sac, elle gribouilla un mot d’excuse à l’intention de Dumbledore, posa sa sacoche sur son épaule & fit quelques pas vers la porte quand un ricanement perça ses tympans. Avery lui riait au nez. Elle fuyait. Il allait gagné. Désormais, elle se trouvait à quelques mètres de Severus & comme si elle savait ce qu’elle faisait. Elle emprisonna le poignet de son meilleur ami au creux de ses doigts et chercha à le tirer hors de la pièce. Elle voulait l’emporter avec elle, elle voulait lui offrir son monde. Elle voulait qu’il la suive, qu’elle le sauve… Mais pour cela il fallait qu’il lui laisse l’occasion…
Elle ignorait si il allait rejeter sa prise… C’était un risque à encourir. Le rire d’Avery grondait toujours dans sa tête & l’échos la persécutait sans répits.

Il fallait que Severus vienne, il fallait qu’il se décide.

Severus n’aurait su dire s’il était content que quelqu’un ait répondu à sa question. Elle avait flotté dans l’air pendant un instant et il avait presque cru que personne ne lui répondrait. Après tout, en quoi cela importait-il ? Ils étaient dans une situation plus que difficile, et en ce moment, il ne voyait pas ce qui leur permettrait de ne pas se blesser. L’atmosphère était emplie de serments inavoués qui déchiraient leurs âmes, ainsi que les liens qui les unissaient. Il avait fixé Lily, le temps d’une seconde, ce qui lui avait suffit pour réchauffer son cœur. Elle n’aurait pas dû être là. Encore une fois il avait maudit Dumbledore. Avait-il planifié cela ? Ou était-ce une circonstance due purement et simplement au hasard ? Il n’arrivait pas à y croire, même s’il aurait préféré cette idée. Mais qui pouvait savoir ce qui se passait dans la tête du vieux directeur ? Avait-il prévu de recevoir chacun d’entre eux séparément ? En y réfléchissant, c’était impossible, sinon il les aurait convoqués à une heure différente. Alors quel était son but ?

Alors qu’il s’interrogeait en silence, la voix dure et en même temps ironique de Thaddeus s’éleva dans les airs. La tête de Severus pivota sèchement vers lui. Il haussa un sourcil, dans un geste plus rageur que surpris. Le regard de son ami se durcit. Le Serpentard continua de le fixer sans prononcer un mot. Qu’est-ce que tu veux Thad ? Pourquoi tu fais ça ? Son camarade avait visiblement quelque chose en tête. Et ça ne devait pas être très bon...

Tu dois donc avoir les tiennes.

Il n’avait pas voulu prendre un ton si cassant, mais les mots étaient sortis sans qu’il puisse les contrôler. Après tout, il l’avait bien cherché. S’il voulait s’amuser, Severus ne serait pas en reste. Ils se connaissaient trop bien tous les deux, et en cet instant, savaient très bien comment faire pour blesser l’autre, quitte à le briser. Il espérait qu’ils n’en n’arriveraient pas là.

Le jeune homme n’avait même plus conscience de ce que faisait Lily. Focalisé sur Thaddeus, il essayait de percer ses objectifs à jour. Espoir vain. Il était bien trop doué à ce jeu. Cacher ses sentiments, ses émotions, ses buts et ses faiblesses, voilà comment était un Serpentard, voilà quels étaient son comportement et sa façon d’agir. Et Severus savait qu’il était pareil que lui. Incapable de se livrer, incapable de montrer qui il était vraiment, incapable de donner sa confiance à quelqu’un, ou de simplement le croire, sans se poser de questions. Thaddeus et lui se ressemblaient plus qu’ils ne voulaient l’admettre, chacun détestant quelque chose chez l’autre mais se sachant quand même plus proches qu’ils ne le souhaitaient. Une malédiction autant qu’une ironie. Dérisoire.

Ses pensées s’envolèrent brutalement quand il sentit une main fraîche aux doigts doux s’accrocher à son poignet. Il fronça les sourcils, incertain, et se rendit alors compte que Thaddeus ricanait. Il se tourna vers celle qui voulait l’emmener, sans pour autant esquisser un mouvement. Lily le regardait. Elle le suppliait des yeux. Ses yeux verts. Et ses cheveux flamboyants qui glissaient sur ses épaules et lui donnait un air rebelle. Il n’avait toujours pas bougé. Il aurait dû enlever son poignet de sa main depuis longtemps. Il aurait dû la laisser partir sans lui. Il aurait dû rejoindre l’autre Serpentard et se mettre à ses côtés.

Avec cette prise de conscience, il força Lily à écarter les doigts pour lâcher son poignet. Mais il ne fit rien de plus de ce qui était prévu. Après quelques secondes, il se dirigea d’un pas vif vers la porte. Arrivé à l’entrée du bureau directorial, il n’eut qu’un seul regard en arrière. Ce fut pour Lily. Leurs regards s’accrochèrent le temps d’un battement de cœur. Viens. Puis, il se détourna pour sortir.

Il n’avait même pas jeté un dernier regard à Thaddeus. A quoi cela aurait-il servi ? Maintenant, l’autre Serpentard savait. Et soudain, Severus se demanda ce qui allait se passer à partir de ce jour...

Les deux Serpentards ne se lâchaient pas des yeux. Aucun d'eux ne voulait concéder à l'autre la moindre parcelle de terrain. Concéder, c'était s'incliner. Ni l'un ni l'autre n'avait la faiblesse de le faire. Une honte, rien de moins, à leur Maison, à leurs propres personnes. Et chacun savait pertinemment que l'autre occupait ce même état d'esprit. De quoi corser la partie...

L'échange se prolongeait, Severus tentant de mettre à nu les motivations de Thaddeus, ce dernier s'amusant de l'absence de résultat de cette démarche. La rouquine n'avait pas bougé : sa lamentable présence se faisait sentir à la droite de Thaddeus. Toute cette histoire, un gâchis sans nom. Que faisait cette moldue, toujours dans ses pieds, alors que Severus n'avait en rien besoin d'elle ? Non seulement son sang n'aurait jamais du lui permettre d'entrer à Poudlard, mais en plus elle se permettait de fourrer son nez dans des affaires qui ne la regardaient en rien et qui se seraient bien mieux portées sans elle. Comment pouvait-on être à ce point fouineuse et pitoyable ? Et à présent elle restait là, à observer encore une fois une affaire qui ne la concernait pas le moins du monde. Jamais une Gryffondor ne pourrait comprendre des Serpentards. Jamais. S'il n'avait pas décidé d'ignorer superbement sa présence, Thaddeus aurait depuis longtemps jeté un sort à cette vermine...

Finalement, ce fut elle qui brisa l'immobilité suffocante de la pièce. Thaddeus la vit du coin de l'œil griffonner quelques mots sur un bout de parchemin, le poser sur le bureau du directeur, puis se diriger... vers la porte. Il n'en revint pas. Il aurait du trouver sa retraite divertissante, certes... mais si tôt, le combat à peine engagé ? Quelle déception. Non seulement il l'avait toujours trouvée méprisable, mais en plus il la surestimait ? Il ne put s'empêche de rire. C'était en-dessous de tout ce qu'il avait pu imaginer. Elle était en-dessous de tout ce qu'il avait pu imaginer. Son rire se prolongea, tant cette situation était absurde. Severus allait-il enfin se rendre compte à quel point elle ne le méritait pas ? C'était l'occasion rêvée ! Elle lui avait saisit le poignet. Vas-y, Severus. Montre-lui que tu n'as pas besoin d'elle. Severus la forçat à lâcher son poignet. C'était trop beau. Un éclat mauvais se mit à briller dans les yeux de Thaddeus. Nous y voilà. Enfin. Il amorça un sourire... quand Severus se détourna pour quitter la pièce. Un regard en arrière. Pour la fille. Les traits de Thaddeus s'affaissèrent à peine, se durcirent. Son ami avait choisi cette rouquine. Thaddeus serra les poings, ses jointures blanchirent dangereusement tandis que ses ongles s'enfonçaient dans ses paumes. Comment osait-il ? Trahir son rang, sa Maison, son ami tout à la fois ? Une goutte de sang perla au creux de sa main, alla s'écraser sur le sol dans un hurlement acrophobe. Il ne laisserait pas faire ça. La partie était loin d'être terminée.

Lâche, martela-t-il.

L'autre stoppa net.

Et tout ça pour une moldue, siffla-t-il, sincèrement désolé. J'espère que tu sais ce que tu fais... ajouta-t-il d'un ton menaçant & empli de sous-entendus.

Non tu ne le sais pas, Severus. C'est dommage que tu aies fait le mauvais choix. Franchis ce seuil et plus rien ne pourra te sauver...

C'est très laid, ça a perdu la blinde de qualité après compression, mais voilà, on va la mettre quand même...

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