À tout commencement ses obstacles [Frank] [TERMINÉ]

La lumière du jour s'amenuisait déjà à travers les grandes fenêtres de la bibliothèque. A mesure que le soleil franchissait nonchalamment la ligne d'horizon, les élèves désertaient cette partie du château pour rejoindre la Grande Salle ou leurs Salles Communes respectives. Pour beaucoup d'entre eux, l'heure n'était plus au travail ou à la concentration : une journée de cours était assez d'énergie dépensée ! Mais tous n'étaient pas du même avis. Dans le coin consacré à l'astronomie, assise en tailleur sur le sol, Alice était courbée en deux, le nez collé au livre qu'elle avait ouvert devant elle. Tous les élèves fréquentant la bibliothèque s'était habitués à la voir ainsi installée, directement entre les étagères, plutôt que sur les tables : la plupart du temps, elle se promenait d'un air distrait en parcourant les planches des yeux, apercevait un livre prometteur et en commençait immédiatement la lecture, plantée comme une idiote au beau milieu d'un rayon. Habitude dont elle ne s'affranchissait pas. Dont elle ne se souciait même pas de s'affranchir ! Quoique les courbatures n'avaient rien pour lui plaire... Elle se redressa un instant pour s'étirer et sentit plusieurs de ses membres craquer. Vraiment rien pour lui plaire. Dans un sourire rêveur, elle balayait la vaste pièce du regard. Tout l'enchantait : l'odeur des innombrables ouvrages que des générations de sorciers avaient consultés, la lumière tamisée, l'atmosphère tiède et propice à la réflexion, mais par-dessus tout ce silence, si prenant, si apaisant, si justement troublé par quelques grincements du plancher. C'était comme si tous les plus beaux enchantements s'étaient un jour percutés, retombant en poussière sur ce lieu à part, pétri de sagesse, cinglé d'émotions. Rien ne pourrait jamais égaler le sentiment de profonde plénitude qu'elle éprouvait à chaque fois qu'elle franchissait la porte de cette salle.

Dans un soupir d'aise, elle s'appuya sur l'étagère derrière elle pour se relever péniblement. Sa robe de sorcier était froissée de partout et son dos lui faisait mal. Comme toujours. Dans un geste machinal, elle se mit à lisser sa robe du bout des doigts, tout en faisant quelques pas pour se dégourdir les jambes, les yeux rivés sur la fin de la rangée de livres. William Bailey, Betty Bradford, Alan Brett, Alan Brett, Alan Brett, Walter Bridges, Irwin Brooks, Neil Brown, Stanley Brownon, Lawrence Burnett... Elle tourna au coin du rayonnage. Frank Londubat ?! Alice se précipita violemment en arrière, manqua de se prendre les pieds dans son vêtement, et s'aplatit contre les « B » dans un gémissement horrifié. Mais qu'est-ce qu'il fait là lui ? Elle jeta un coup d'œil autour d'elle pour être sûre que personne ne l'observait et poussa un profond soupir crispé. Là tu es vraiment pitoyable ! « Alice ce que je trouve génial c'est que tu ne perds jamais ton sang-froid ! » Mais bien sûr, c'est évident ! Passant une main tremblante dans ses cheveux, elle tenta de contrôler la chamade dans laquelle s'était lancé son cœur et renforça sa prise sur le livre qu'elle avait failli lâcher dans sa très délicate tentative d'esquive. Elle se redressa. Elle respira un grand coup. Elle prit un air naturel tout à fait non-naturel. Et elle avança d'un pas très plausiblement lent et tendu. En tournant à l'angle, cette fois, elle ne décrocha pas son regard des livres alignés sous ses yeux. Le cœur au bord des lèvres, elle s'arrêta et fit mine de s'intéresser à un ouvrage que tous les élèves avaient du lire... en deuxième année. Une Gryffy lui offrit l'opportunité de se retourner en faisant grincer le plancher derrière elle. Elle se retourna à nouveau. Elle fronça les sourcils. Elle regarda encore une fois. Droite. Gauche. Frank avait disparu. Alors là bravo ! Reposant distraitement le livre à sa place - plus ou moins - elle arpenta les dédales de la bibliothèque, de moins en moins soucieuse de conserver sa couverture de miss je-cherche-un-bouquin-mais-je-me-perds-un-peu-parce-que-j'ai-oublié-le-titre-et-l'auteur-et-même-le-sujet. Après un moment, elle abandonna : Frank était parti, c'était évident. Déçue, elle s'adossa contre un étagère et feuilleta d'un air perdu son livre, beaucoup moins attrayant à présent. Encore une opportunité qui tombait à l'eau. Elle se sentait pitoyable. Si seulement il pouvait l'aborder. Tu es stupide, il ne le fera pas. Il l'aurait déjà fait.

Il l'aurait déjà fait...

HJ : Vraiment désolé pour ce retard plus qu'énorme et pour cette réponse courte >.<

La bibliothèque. Lieu tellement paisible et faisant fonctionner la matière grise d'une bonne centaine d'élèves. Frank est un fervent adepte de cet endroit. Il pourrait y passer des journées entières, simplement là, assis à lire, travailler, mêler ses pensées aux mots, aux phrases, se lier avec les auteurs et se plonger corps et âmes dans n'importe quels travaux. Tout. Absolument tout pour éviter de penser à cette si merveilleuse camarade de maison qui fait battre son cœur. Encore aujourd'hui il avait manqué l'occasion de lui proposer d'aller au bal d'Halloween ensemble. Le jeune Poufsouffle soupira, ils ne s'étaient jamais parlés en dehors des cours, de plus il se jugeait bien en dessous de toutes les fréquentations d'Alice McArthur.

L'idiot qu'il était n'avait pas réussi à saisir sa chance ce matin même. Alice déjeunait seule, ses amies n'étaient pas encore arrivées. Il avait vérifié que tout le monde soit absorbé par son bol de céréales ou en train de se réveiller doucement et s'était avancé, main serrée sur la lanière de son sac en bandoulière en se répétant inlassablement la même phrase : « Bonjour Alice. Je peux m'asseoir avec toi ? ». Pourtant, arrivé à son niveau un blocage l'avait empêché d'exécuter le plan initialement prévu. Il avait stupidement poursuivi son chemin. Quel crétin !

Frank sortit de ses pensées et releva prestement la tête à l'entente d'un bruit furtif. Il fronça les sourcils et regarda de droite à gauche pour tenter de trouver l'origine du bruit. Rien. Son imagination avait dû lui jouer des tours. Le jeune homme referma le livre qu'il consultait et prit son sac puis alla ranger d'autres bouquins anciennement empruntés.

Ce fut au détour d'un rayonnage qu'il la vit, elle semblait chercher quelque chose ou quelqu'un. Frank prit une grande bouffée d'air. C'était maintenant ou jamais ! Il alla à sa rencontre. Le cœur au bord des lèvres et gêné, il réussit à délier ses lèvres.

-Coucou Alice, tu as perdu quelque chose ?

*Abruti* fut sa seule pensée.

Non, mais vraiment, un véritable abruti. Arriver ainsi en demandant cette question plus que stupide. Où avait-il la tête ? Il essaya de ne rien laisser paraître, mais à cet instant, plus qu'à n'importe quel autre, il se trouvait vraiment stupide. Pour qui se prenait-il pour oser parler à une jeune fille si... sublime ?

Alice s'en voulait terriblement, comme à chaque fois. Quel était donc son problème ? Elle savait pertinemment qu'elle était pitoyable, alors pourquoi ne pas y remédier ? Elle ne se comprenait pas elle-même... Broyant ainsi du noir, elle ne perçut la présence qui s'était glissée à ses côtés, hésitante et gênée, qu'au moment où une voix masculine l'apostropha. Lorsqu'elle tourna tristement la tête, son corps fut parcouru d'un tremblement. C'était comme si un courant à la fois chaud et froid s'écoulait lentement en elle, se déployant dans chacune de ses cellules, jusqu'à l'extrémité de ses doigts. Un fourmillement mi-agréable mi-insupportable. Les battements affolés de son cœur se répercutèrent dans son crâne, heurtant ses tempes d'un mouvement acharné. Elle entrouvrit la bouche, stupéfaite, et tenta de calmer sa respiration, les yeux grands ouverts. Frank était là, devant elle. Était-ce vraiment à elle qu'il parlait ? Elle voulut se retourner, mais elle ne pouvait plus faire un geste. Et, qui plus est, il attendait une réponse. Le silence s'attardait entre eux, à tel point qu'il n'allait pas tarder à devenir gênant. Elle déglutit et baissa les yeux, les joues en feu.

Euuh... Je... Je... Non... Je regarde...

Quoi, t'as pas trouvé mieux ? Imbécile ! Tu as ce que tu voulais il y a deux minutes, Frank est là, il te parle... qu'est-ce que tu attends ? Elle ferma les yeux juste un instant, et respira profondément. Elle parvint à lever la tête sur le jeune homme. Elle détailla longuement son visage. Il était tellement... parfait. Chacun de ses traits était ancré dans un tout tellement harmonieux que c'en était indécent. Elle amorça un sourire crispé. Pas terrible. Arrête ça tout de suite, il va avoir peur ! Elle réussit à articuler d'une voix tremblante, en désignant des yeux la pile de livres qu'il avait entre les mains :

Tu... *petit toussotement de souris* tu travailles sur quoi ?

Même si ce n'était rien, elle se félicita de ne pas avoir fui à toutes jambes. Un embryon de volonté naquit en elle. Embryon qui aurait pu facilement être détruit par Frank, mais elle chassa cette idée. Elle s'accrocha à ce mince espoir de vaincre ses démons et réitéra l'expérience « sourire », avec un peu plus de succès cette fois, puisqu'il le lui rendit. Elle était aux anges. Et rouge comme une tomate, ce qu'elle considéra comme devant être littéralement affreux. Mais s'il était encore là, devant elle, c'était peut-être qu'elle n'était pas encore à faire peur...

Il était face à elle et ne savait pas comment se comporter, ni sur quel pied danser. Il avait pleinement conscience qu'il était maladroit avec la jeune fille, mais que pouvait-il faire d'autre ? Frank était incapable de lui parler aussi ouvertement que ses amies ou encore les garçons qu'elle côtoie. Il n'était pas de ces personnes à avoir un talent naturel pour combler les silences gênés et gênant et il n'était pas apte non plus à tenir une conversation avec une jeune fille dont il était éperdument amoureux. Frank n'était pas franchement en adoration devant ses réactions plus que stupide et son manque d'audace. Combien de fois ses amis l'avaient mis à l'épreuve d'aller se déclarer à Alice sans obtenir une seule réponse. Pour sûr, s'ils avaient été présents, ils auraient bien ri de voir leur ami dans une telle situation. Néanmoins, c'était lui qui avait fait le premier pas en ayant l'objectif de l'inviter au bal d'Halloween.

À première vue, elle semblait autant à l'aise que lui. Ceci le conforta un peu tout en insinuant une question dans sa petite tête de Poufsouffle. Pourquoi était-elle aussi embarrassée ? Oh et puis Merlin qu'elle était belle avec les joues rougies. Le cœur du jeune garçon se mit à battre plus fort. Il se détendit un peu lorsqu'elle lui demanda ce qu'il étudiait.

—Je ramenais des livres que j'avais empruntés pour notre devoir en potions. Sinon je travaillais sur la Défense contre les forces du Mal.

Elle lui avait souri ! Elle lui avait souri ! Un mini Frank dansait la danse de la victoire dans sa tête. Une bouffée de joie l'envahit et il dut faire un effort pour ne pas le laisser paraître. Au lieu de cela, il lui rendit son magnifique sourire. Il se sentait heureux et la tête gonflait d'espoir qu'elle accepte son invitation pour le bal.

—Tu regardes vraiment ou tu recherches un livre en particulier ? Dans ce dernier cas, je peux peut-être t'aider si tu ne l'as pas trouvé.

À croire que le jeune homme avait mangé du Gryffondor ce midi pour se sentir si confiant et courageux. Où était passé sa peur panique d'être en trop ? Celle qu'il avait eu quelques minutes plus tôt ? Ah oui... disparu lorsque la jeune fille en face de lui, lui avait souri. Comme quoi, un rien peut vous faire faire des merveilles. Ce rien-là représentait tout pour le jeune homme. C'était si fleur bleue que Frank en aurait ri si cela n'avait pas été une affaire sérieuse.

Tout son corps hurlait de bonheur, vibrait de panique. Elle n'en revenait pas. Elle avait une conversation, une vraie, avec Frank Londubat ! Exaltant. Ce mot prenait tout son sens à présent. Cette situation était exaltante. Frank était exaltant. Sans cesser de rougir, elle le regardait parler avec une admiration manifeste et totalement ridicule. A chacune de ses expressions, à chacun de ses mots, le cœur d'Alice cognait un peu plus fort dans sa poitrine. Qu'elle était mièvre ! C'en était risible... Mais cela lui importait peu. Si peu.

Non je... me baladais.

Il souriait. Elle fondait. Aligner plus de quatre mots lui semblait hors de portée. Comment faisait-on, déjà ? La réponse était là, quelque part. Noyée dans le regard doux du jeune homme, peut-être. Elle avait besoin d'un point d'attache, de quelque chose à quoi se raccrocher. Elle perdait pied. Dans un sourire tremblant, elle déglutit difficilement et se força à être plus loquace.

Je... n'ai pas l'habitude de te voir ici.

Ha ! Menteuse !

Tu aimes lire ?

Quoi ?! « Tu aimes lire » ? Sérieusement ? Rien trouvé de plus banal ?
Qu'elle était stupide. Qu'il était beau ! Pourquoi lui parlait-il ? Pour se voir demander s'il aimait lire ? C'était pitoyable. Elle était beaucoup trop insipide, beaucoup trop commune pour lui... Il devait l'avoir remarqué ! Alors, quoi ? Était-il amoureux de l'une de ses amies ? Était-ce une façon d'avoir ce qu'il voulait ?... Cette pensée, au lieu de s'évaporer furtivement, pesa un instant sur son cœur. Elle le regarda étrangement. Était-ce cela ? Son sourire s'effaça. C'était cela. Il ne lui parlait pas pour elle. C'était évident, à présent ! Tu es stupide. La plus stupide de toutes les filles...
Elle se mit à fixer le sol tristement, le cœur au bord des lèvres. Les larmes lui montaient presque aux yeux. Elle s'efforça de contrôler le tremblement de ses mains, tout en ne songeant plus qu'à une seule chose : fuir le jeune Poufsouffle, ce face-à-face entêtant et cette déception, violente.
Il fallait qu'elle s'échappe.

Je... n'ai pas l'habitude de te voir ici.

Frank avait envie de dire que lui non plus, mais il savait très bien que cela reviendrait à mentir ouvertement à Alice et il se le refusait catégoriquement. Bien entendu qu'il savait qu'elle venait à la bibliothèque. Bien entendu qu'il savait à quel endroit elle s'asseyait. Bien entendu qu'il savait quel livre elle avait lu avant de le reposer. Il l'observait continuellement avec cette peur au ventre de se faire attraper à chaque fois bien qu'il ait élaboré des tactiques pour être le plus discret possible. Après quatre ans où votre cœur ne bat la chamade que pour une seule et même personne, il était facile pour lui d'éviter de se faire prendre.

—Oui, j'aime beaucoup lire. Et puis, l'avantage de la bibliothèque de Poudlard, c'est que nous n'avons pas assez d'années à passer dans le château pour lire tous les livres.

… woa. Fabuleux ! Bravo Frank, tu vas l'impressionner avec ça, c'est certain. Continue comme cela et tu iras loin. Non, mais quel imbécile ! Parler de livres ! De lecture ! Il fallait qu'il l'invite au bal, il ne devait pas perdre de vue cet objectif ! Il allait relancer la conversation lorsqu'il vit qu'Alice baissait la tête. Qu'est-ce qu'elle avait ? Elle se sentait mal ? Peut-être qu'elle se retenait de rire parce que sa réponse était ridicule... Frank fronça les sourcils.

—Alice ? Ça... ça ne va pas ? Tu te sens mal ? Tu... tu veux t'asseoir ?

Il fit un pas en avant pour lui toucher le bras. Il était inquiet, elle ne réagissait pas. Apeuré, il lança un coup d'œil aux alentours afin de repérer un siège. Bingo ! Il entraîna la jeune fille et l'assit sur l'un des nombreux fauteuils de la bibliothèque.

—Tu veux quelque chose à boire ?

Le jeune homme se tordait les hommes et il avait la nausée. Peut-être qu'il l'effrayait ou qu'elle ne pouvait pas le supporter... son cœur manqua un battement, il ne pouvait pas envisager cela possible. Alice n'avait jamais montré une once d'animosité envers lui. Frank soupira, c'était sa dernière chance, il fallait qu'il la saisisse à tout prix.

—Je sais... que ce n'est peut-être pas le moment, mais... j'aimerai te demander quelque chose, c'est au sujet du bal d'Halloween.

Comme un tambour, son cœur cognait fort contre sa poitrine, ses oreilles bourdonnaient, mais maintenant qu'il était lancé, il ne pouvait plus reculer. Il ne fallait pas qu'il recule. Il devait se montrer courageux, au moins une fois dans sa vie !

—Est-cequetuveuxbienm'accompagneraubals'ilteplaît ?

Frank l'avait dit très rapidement. Il ne put s'empêcher de s'ébouriffer les cheveux en attendant la réponse de sa camarade de maison.

Le cœur en lambeaux, les mains tremblantes, Alice n'accordait plus à Frank qu'une vague attention, cherchant toujours l'échappatoire tant espéré. Mais lorsqu'elle sentit sur son bras une pression délicate, presque hésitante, elle ne put réfréner un frisson. Elle ne leva cependant pas les yeux, de peur de perdre à nouveau pied. Le jeune homme l'entraîna à un siège libre, croyant qu'elle se sentait nauséeuse, pour elle ne savait quelle raison. Avait-elle l'air si effrayante, pour qu'il croit qu'elle ait besoin de s'asseoir ? Elle l'entendit soupirer. Son supplice s'accentua. Voilà qu'elle l'ennuyait. Elle voulait juste qu'il s'en aille, qu'il la laisse ruminer son malheur dans son coin. Chaque seconde entortillait un peu plus la boule qu'elle avait dans la gorge et qui la ferait bientôt suffoquer. Laisse-moi tranquille Frank. Va t'en s'il te plaît.

Il paraissait gêné, ou agacé plus probablement, lorsqu'il lui adressa à nouveau la parole. Elle entendit distinctement le mot « bal » et fixa sur lui des yeux horrifiés. Il ne la regardait même pas. C'était là, le moment où il allait lui demander des conseils pour inviter une de ses amies au bal, et il le faisait comme un lâche ! Elle n'avait pas envie d'entendre la suite... mais il ne lui laissa pas le choix. Son marmonnement s'éleva, pour aller mourir dans les oreilles de la jeune fille... & ce fut la surprise qui s'empara toute entière d'elle. Avait-elle bien compris ? Se moquait-il d'elle ?

Quoi ? demanda-t-elle brusquement, si brusquement qu'elle ne se reconnut pas.

Elle le regardait fixement - chose qu'elle n'aurait jamais osée en d'autres circonstances - mais il fuyait continuellement son regard. Tu l'ennuies. Va t'en, ce sera mieux pour lui comme pour toi. Elle remonta sur son épaule la bandoulière de son sac et raffermit sa prise sur cette dernière, puis se leva rapidement pour mettre enfin son plan à exécution. Il trouverait quelqu'un d'autre à torturer. Elle ne resterait pas une minute de plus en sa compagnie. Il la regarda avec étonnement lorsqu'elle le contourna, mais elle ne lui offrit aucune occasion de l'attendrir à nouveau. Elle prit son courage à deux mains, tourna la tête et se hâta vers la sortie de la bibliothèque sans un regard en arrière, mais les lèvres tremblantes et le cœur éparpillé en milliers de fragments à l'agonie.

Son cœur se brisa littéralement. Elle partait. Sans lui donner une réponse précise. Quel idiot d'avoir cru pouvoir obtenir un « oui » de sa part. Il s'en voulait d'avoir dit ça trop vite. Peut-être qu'elle avait mal compris après tout ou peut-être qu'elle ne voulait tout simplement pas lui faire de peine. Il était idiot. Il reste quelques secondes à contempler le siège vide, occupé quelques instants avant puis il se ressaisit et rattrapa Alice.

—Attends ! S'il te plaît, attends !

Attendre, mais attendre quoi ? Que pouvait-il dire d'autre alors que visiblement, elle n'avait pas plus envie d'aller au bal que Frank avait envie de porter les pulls ridicules de sa mère. Il prit un ton solennel.

—Alice, je suis sérieux, j'ai vraiment envie d'aller au bal avec toi.

Frank avait la voix qui tremblait, il n'avait pas pu la maîtriser. C'était impossible. Il ne voulait pas entendre qu'elle avait déjà dit oui à quelqu'un d'autre. Il ne voulait pas échouer alors que c'était la première fois qu'il lui parlait réellement. Il se sentait tellement faible qu'il aurait pu fondre en larmes dans l'instant, même si ce n'était pas digne d'un garçon. Ses jambes tremblaient férocement et il devait faire un effort surhumain pour garder le contact visuel avec la jeune Poufsouffle. Il s'était plongé dans son regard parce qu'il voulait qu'elle comprenne à quel point il pouvait être sincère. La situation lui avait échappé et il était de son devoir de se rattraper du mieux qu'il pouvait. Il ne voulait pas laisser passer sa chance, pas cette fois. De plus, il savait au plus profond de lui que s'il échouait, il n'aurait plus jamais le courage de revenir lui parler. Lui, par la honte d'avoir pu la blesser par des gestes ou des paroles déplacées et elle, pour éviter de lui donner de faux-espoirs.

Le jeune homme était en train d'attendre une réponse, la gorge sèche et sa voix intérieure priant tous les Dieux de la terre pour que la réponse soit celle qu'il attendait.

Elle l'entendit d'abord. Son ton la troubla. Si suppliant, si... désespéré ? Puis elle sentit sa présence dans son dos et se retourna, à contrecœur. Il semblait complètement désemparé, à tel point que la jeune fille oublia un instant son malheur pour s'interroger sur son camarade. Que lui prenait-il à présent ? Pour une raison qui lui était inconnue, il semblait véritablement mal en point. Elle eut même peur un instant que ses jambes se dérobent sous lui et qu'il s'effondre devant ses yeux. Il lui demanda à nouveau, intelligiblement cette fois, ce qu'elle avait malgré tout bien compris la première fois. Son pouls s'accéléra dangereusement. Elle tenta de se prouver qu'elle avait bien entendu, que cette demande lui était adressée directement et, ce qui lui semblait le plus important... qu'elle n'était pas en train de divaguer !

Bal ? (Pas de démenti) Avec moi ? (Pas de protestations outrées) Moi ? (Toujours rien... & léger hochement de tête ?)

Elle s'éclaircit la gorge, tremblante.

Eh bien...

Ses joues s'empourprèrent.

Ouuii. *Hem* Oui, je veux y aller avec toi.

Elle guetta sa réaction, de peur à nouveau qu'il la reprenne, en s'excusant bien sûr, pardon Alice mais tu n'as pas compris, tu es vraiment trop stupide et tutti quanti. Mais il semblait souriant. Exagérait-elle un peu trop en lui trouvant une mine ravie ? Elle sourit à son tour, doucement. Alors c'était arrivé. Elle n'en revenait pas... Frank l'avait invité a bal. Elle allait passer toute une soirée à son bras. L'excitation montait en elle petit à petit. Pas trop vite. Le temps que l'hésitation s'efface. Le temps de se rendre vraiment compte. Car, malgré tout, au plus profond d'elle-même, elle s'accrochait à l'idée qu'elle rêvait toute éveillée...

Frank crut qu'il allait exploser de joie. Alice avait accepté sa demande. Elle avait dit « oui », elle voulait être sa cavalière pour le bal d'Halloween. Ils allaient danser ensemble, manger à la même table et surtout faire plus ample connaissance. Le Poufsouffle avait une envie de rire, de chanter, de danser. Son cœur était rempli de bonheur. Il ne pensait pas qu'elle allait accepter, il s'était fait divers scénarii dans la tête pour s'éviter de trop souffrir si elle refusait, mais il n'avait jamais envisagé qu'elle puisse dire oui.

—Vraiment ? Tu acceptes ?

Il n'arrivait pas à s'empêcher de sourire comme un bienheureux. Elle ne pouvait pas imaginer à quel point il allait bien en cet instant, à quel point il pouvait se sentir léger et apaisé.

—Je suis content que tu acceptes de m'accompagner au bal !

Content. Heureux. Joyeux. Tellement de mots pour qualifier ce qu'il pouvait ressentir à l'instant. Ses yeux pétillaient d'un bonheur infini. Certes, ce n'était que le bal d'Halloween, il commençait par faire petit, mais il avait espoir de pouvoir continuer à l'inviter à sortir, soit à Pré-au-Lard soit pour un autre bal ou événement que Poudlard pouvait organiser. Et puis un jour qui sait, peut-être qu'il aurait assez de courage pour lui demander de devenir sa petite amie. Frank se racla la gorge et reprit une dernière fois la parole.

—Je t'attendrai dans notre salle commune et on descendra ensemble si tu veux bien.

Au fil des minutes, l'indécision d'Alice allait mourir contre le large sourire de son camarade. Alors c'était vrai ? Elle ne rêvait pas ? Elle cligna violemment des yeux, plusieurs fois. Mais, à chaque fois qu'elle les rouvrait, Frank était toujours là, rayonnant, à la fixer avec ce regard affolant dont il avait le secret. Elle sentit une vague de chaleur monter en elle, en même temps qu'un frisson la parcourait. Son cœur battait la chamade, sans même qu'elle ne songe à y remédier. Elle allait au bal avec lui... Elle allait au bal avec lui ! Sa respiration eut quelques ratés, qu'elle tenta de dissimuler au jeune homme. Elle ne parvenait pas à réaliser. Lorsqu'il lui bredouilla son bonheur, elle rougit de plus belle. Il était content. Elle, était littéralement transportée ! Et c'était un euphémisme. Le mot juste n'existait pas, rien n'était assez fort pour décrire son sentiment à cet instant.

Moi aussi, je suis très contente, répondit-elle dans un souffle.

Peut-être n'était-ce que le Bal d'Halloween, mais cela représentait déjà tellement à ses yeux ! Et peut-être même était-ce un début, une amorce à quelque chose de plus grand, de plus durable... Elle chassa rapidement cette idée. Ne rien espérer pour ne pas être déçue. Frank lui proposa de l'attendre dans leur Salle commune pour qu'il puissent descendre ensemble. Main dans la main. Alice se gifla intérieurement. Arrête ça, imbécile ! Elle acquiesça. Elle aurait acquiescé à n'importe quoi, dans l'état où elle se trouvait après tout.

D'accord, minauda-t-elle sur un ton qui devait être tout à fait ridicule.

Elle déglutit et lui sourit une dernière fois avant de conclure, car elle se sentait sur le point de défaillir.

Je dois y aller... A bientôt.

A bientôt ? Grommellement intérieur. Elle fixa une dernière fois le visage rayonnant du jeune homme et tourna les talons avant que l'excitation ne la fasse hurler de joie au beau milieu de la bibliothèque. Lorsqu'elle en franchit le seuil, elle se hâta vers son dortoir, où elle pourrait laisser éclater sans retenue son bonheur.

Elle y avait goûté. Elle ne s'en rassasierait jamais.

Heureux. C'était le mot. Il avait réussi à parler à Alice, il avait réussi à lui demander d'aller au bal, il n'avait pas beaucoup bafouillé et le mieux, la jeune fille avait accepté de venir avec lui. Un sourire idiot était inscrit sur son visage et il savait que rien au monde ne viendrait le gâcher. La tête dans les nuages, il redescendit sur terre lorsque la douce voix de la Poufsouffle parvint à ses oreilles. Elle devait partir. Ils se retrouveraient dans la salle commune le soir du bal, c'était ce qui comptait pour Frank.

—À bientôt Alice, murmura-t-il.

Bien vite, il se retrouva seul dans la bibliothèque, debout en plein milieu de la salle, il ne réalisait pas encore tout à fait. C'était tellement magique, un rêve devenu réalité. Il ne remerciera jamais assez son audace, sa montée d'adrénaline qui avait fait tomber sa barrière de timidité, qui l'avait poussé à aller lui parler et à prendre son courage à deux mains. Frank se ressaisit et alla chercher son sac qu'il avait abandonné un peu plus loin. Il attrapa la lanière et ne se redressa pas avant d'avoir lâcher un éclat de rire. Ses nerfs parlaient pour lui, il était tellement heureux qu'il en riait. Il en aurait pleuré s'il avait été d'une plus grande émotivité. C'était tellement beau, irréel.

Frank se hâta de prendre son sac et de sortir de la bibliothèque. Il marcha un bon moment en se remémorant les quelques minutes qu'il venait de passer avec Alice. Ils avaient été tous seuls, personne n'était venu leur parler, aucun ami à l'horizon pour se moquer. Tout avait été parfait et maintenant, le jeune homme n'avait qu'une hâte : le soir du bal. Ce soir-là où il pourra montrer qu'il avait réussi à tout surmonter et où il se promettait de profiter de chaque secondes avec elle.

RP TERMINE