Un retard au cours de potions [Lily] [TERMINÉ]

La cloche sonna. Severus attendait devant la porte des cachots, ses cahiers en main. C’était l’heure du cours de potions commun avec les Gryffondor. Le jeune homme était appuyé contre le mur, et à côté de lui se trouvaient Mulciber et Avery. Il discutait négligemment avec eux, attendant l’arrivée de leur professeur. Les Serpentard se tenaient aussi loin que possible des Gryffondor ; et des regards de haine étaient lancés par moment des deux côtés. Severus vit Lupin et Pettigrow en train de rire à une blague de Black et il eut une moue de dédain. Il parcourut du regard les visages des autres élèves présents et eut une impression étrange. Deux élèves manquaient à l’appel, et pas des moindres : James Potter et Lily Evans. Severus sentit son cœur se serrer imperceptiblement. Où étaient-ils ? Était-ce une coïncidence qu’ils soient absents en même temps ? Il se prit à imaginer les scénarios les plus fous et eut du mal à respirer. D’habitude Lily était toujours à l’heure. Et Potter ne manquait pas une occasion de se montrer et de critiquer les Serpentard. Comment cela se faisait-il qu’ils soient absents tous les deux ? L’impression de malaise grandissait en lui. Que se passait-il ? Où était-elle ? Il n’entendit pas leur professeur arriver. Slughorn fit rentrer les élèves et Mulciber fut obligé de lui tirer la manche pour qu’il revienne sur Terre, toujours aussi mal à l’aise.

Tous les élèves présents rentrèrent dans la salle de classe et s’installèrent derrière leurs bureaux. Severus n’arrivait pas à respirer correctement, déglutissant avec difficulté. Où était-elle ? Ce n’était pas normal. Il s’était forcément passé quelque chose. Il n’avait qu’une envie, c’était de sortir de la classe et de courir pour voir où elle était. Et s’il lui était arrivé quelque chose de mal ? Si elle était malade ? Assis sur sa chaise, Severus se sentait partir à chaque seconde qui passait. Le professeur Slughorn avait commencé le cours et mit la liste des ingrédients au tableau. Tous les élèves allaient maintenant chercher ce dont ils avaient besoin pour leur potion. Il suivit les autres et alla prendre quelques ingrédients sans faire attention à ce qu’il faisait. Il ne savait même pas quelle potion leur professeur leur faisait faire aujourd’hui. Il était obnubilé par une seule et unique question : où était-elle ?

Il se rassit et soupira longuement. La culpabilité se répandait en lui comme un poison. La dernière fois qu’il avait parlé à Lily, c’était il y avait presque trois semaines. Ils étaient maintenant en octobre et la première sortie de Pré-Au-Lard était passée. Ils ne s’y étaient pas vus, alors qu’ils avaient dit qu’ils le feraient. Depuis leur rencontre à la Salle sur Demande, Severus avait l’impression que quelque chose avait changé. Et que tout serait différent avec Lily désormais. Il avait redouté de la voir. Il avait eu peur de lui parler. Il l’avait fui. Lâchement. Parce qu’il ne savait pas quoi lui dire. Et qu’il ne savait pas ce qu’il ferait en la voyant. Il avait peur de mal agir. Après ce qu’il s’était passé la dernière fois, il n’était plus sûr de rien. Mais à chaque fois qu’il la croisait, il avait envie d’aller près d’elle. Elle lui manquait. Horriblement. Et rien n’était pire que ça. Ce sentiment incontrôlable qui le hantait jour et nuit. Qui rongeait son corps et son âme. Son corps l’attirait irrésistiblement et c’était un calvaire de ne plus lui parler comme il le faisait auparavant. Sans elle, il lui manquait une partie de lui. Sans elle, il était incomplet. Et il ne s’en rendait compte que quand elle était absente. Comme aujourd’hui.

Quelques minutes passèrent. Il désespérait de la voir arriver. Alors qu’il ne s’y attendait plus, trois coups furent frappés à la porte. Il leva rapidement la tête vers l’origine des coups et attendit que la porte s’ouvre…

Les couloirs défilaient dans une incohérence aberrante, les gens se succédaient sans visages, il n’y avait que bruits filants, que tâches de couleurs ondulantes et le reste n’était que cendres. Lily courait avec une frénésie démente, manquant de souffle à chaque pas effectué. Les martèlements sourds de son cœur cognaient contre les parois de sa boîte crânienne. Ils cherchaient à la maintenir à un rythme constant pour qu’elle oublie. Dans sa course, elle bouscula plusieurs carcasses et manqua de se déboîter l’épaule à plusieurs reprises. Hermétiquement murée dans cette folie douce, elle crut discerner les cliquetis agitant sa montre indiquant les secondes qu’elle perdait, lui rappelant que le temps filait douloureusement. Elle s’aventura dans les cachots alors que plusieurs élèves pouffèrent sur son passage éclair. Le froid régnait en maître dans cette partie du château et il apaisait la fièvre dont elle s’était nourrie un peu plutôt. Quelques pas encore et la rouquine fut face à la porte convoitée. Après cette lute contre la longueur du parcours et le chronomètre affolé, elle y était enfin.

Elle prit un instant pour s’oxygéner plus dignement. Un instant de trop. Tout lui revint en pleine figure, ce penchement de tête précipité et les lèvres de James Potter sur les siennes. Lily serra les poings et regretta amèrement de ne pas lui avoir collé une droite plutôt que cette gifle, beaucoup moins impressionnant et moins dissuadant. La jeune gryffondor tremblait de la tête au pied tant la rage la soulevait toute entière. Son premier baiser dérobait par ce gredin sous les yeux d’élèves avides. C’était stupide de se mettre dans un état pareil pour si peu. Et puis ça ne comptait pas. Non, vraiment pas. Ce n’était pas un vrai baiser puisqu’elle n’était pas consentante. La rouquine posa le dos de sa main contre sa bouche et s’appliqua à réduire à néant toute trace olfactive apportée par Potter.

Lily porta ensuite son autre main sur la porte et frappa en trois petits coups prononcés. La voix du professeur Sulghorn s’éleva et la jeune fille entra. Son teint écarlate, sa chevelure emmêlée et son essoufflement n’eurent aucunement de difficultés à prouver au professeur de potions à quel point elle avait tenté d’arriver à l’heure. Il s’inquiéta même de sa santé mais l’arrêta d’un doigt qu’elle tenta de se justifier. De toute évidence, Sulghorn lui faisait suffisamment confiance pour tolérer ce retard incongru. Il était également certain que le talent de la gryffondor dans cette matière ne faisait que jouer en sa faveur. Elle prit place, installa quelques objets sur son banc puis observa le tableau d’un air absent. Elle ne parvenait pas à déchiffrer la moindre inscription. Ses yeux étaient embrumés par sa haine et quand elle s’empara des ingrédients nécessaires, elle s’aperçut que ses mains tremblaient toujours aussi excessivement. Le maître des potions s’approcha d’elle alors qu’elle se coupait le doigt en tentant de sectionner la plante requise. Il lui fournit son mouchoir et s’enquit à nouveau de sa santé. Dans un sursaut de paternalisme, le professeur l’autorisa à ne rien préparer aujourd’hui et à observer sa condisciple de droite effectué le travail. Ce qu’elle fit avec plaisir. Aujourd’hui, elle aurait pu faire exploser la classe rien qu’en injectant au fond de sa marmite les restes de son aliénation.

Le regard luisant et cuisant de Severus englobait sa silhouette depuis qu’elle avait franchi la porte, Lily en était consciente. Et même de dos, elle pouvait à merveille s’imaginer quelle expression il arborait. Elle le connaissait tellement. Cependant, pas assez pour imaginer qu’il aurait pu la laisser poiroter seule durant plusieurs heures à pré-au-lard. Ce dernier souvenir l’anima un peu plus et elle se crut sur le point de briser quelque chose. Bien sûr à cette distance, elle savait ce qu’il ne pouvait l’approcher pas plus que lui parler, il était en compagnie de ces chers copains. Hors de question qu’il se montre avec elle en leur présence. Elle, la sorcière née moldue. Lily crispa sa mâchoire si fort qu’elle en eut mal.

La sonnette retentit enfin annonçant la fin de l’heure et la gryffondor attendit sagement que tous les élèves eurent déserté le local afin que le professeur Sulghorn s’entretienne avec elle pour savoir réellement comment elle se sentait. Après quelques mensonges et remarques bien placées, elle fut autorisée à évacuer les lieux.

Elle appréhendait déjà ce couloir menant à la sortie du lieu car elle était à peu près certaine de trouver Severus Snape adossé au mur. A moins qu’il ne suive ces meilleurs amis. Après tout, il la fuyait comme la peste désormais.

Severus eut l’impression que la vie revenait en lui dès qu’il la vit. Elle était là. C’était elle. Un court frisson parcourut son corps et le voile d’inquiétude posé par son absence disparut sans laisser de traces. Elle était là. C’était tout ce qui comptait. Sans s’en rendre compte, il avait retenu sa respiration avant que la porte ne s'ouvre. Il la relâcha lentement mais eut un froncement de sourcils en voyant dans quel état elle se trouvait. De là où il était, il pouvait percevoir la foule de sentiments qui l’animaient. Elle était furieuse. Pourquoi ? Que s’était-il passé ? Severus aurait voulu pouvoir lui parler, là, tout de suite, sans se soucier des autres. Mais c’était impossible…

Il n’entendit pas ce que le professeur Slughorn lui dit, il était obnubilé par sa présence. Il la vit passer devant lui, et aller s’asseoir sur son banc habituel à côté d’une autre Gryffondor. Il la détailla et il ne pouvait détacher son regard d’elle. Il s’était trompé. Elle n’était pas furieuse. Elle était en colère. Très en colère. Contre quoi ? Il l’ignorait. Les mains de Lily tremblaient alors qu’elle saisissait quelques ingrédients et elle se coupa alors qu’elle essayait de trancher une plante en lamelles. Slughorn lui permit de ne rien préparer à cause de son état et Severus fut même surpris qu’il ne l’envoie pas à l’infirmerie pour qu’elle se fasse ausculter. Cela aurait bien été du genre de leur professeur…

Pendant toute l’heure, il avait le regard posé sur elle et il savait que Mulciber et Avery l’avaient remarqué. Mais là, il s’en fichait complètement. Il avait envie de parler à Lily. Ou plutôt que Lily lui parle. Et surtout, qu’elle lui sourit. Cela faisait tellement longtemps ! Il avait l’impression qu’elle ne lui avait plus souri depuis des mois. Enfin la cloche sonna et les élèves reprirent leurs affaires avant de partir précipitamment du cours. Severus traîna exprès pour voir que Lily attendait près du bureau de leur professeur. Il sortit lentement et hésita quelques secondes.

Devait-il rester ? En avait-il envie ? Oui, plus que jamais. Mais la question était : comment allait-elle l’accueillir ? Après tout, il l’avait laissé tomber à Pré-Au-Lard. Il le savait, tout était de sa faute. Mais tout était tellement compliqué… Ses sentiments… Non. Il fallait qu’il la voie. Tant pis si elle le niait, si elle le rejetait ou même si elle lui hurlait dessus. Tout valait mieux que ce vide qu’il avait en lui depuis qu’elle n’était plus là.

Mulciber le regarda étrangement quand il le vit s’appuyer contre le mur de la classe. Mais Severus l’ignora et le garçon comprit le message même s’il avait l’air dégoûté. Severus soupira et se mit à attendre Lily d’un pas ferme. Il pensait que l’entretien de la rouquine avec son professeur durerait un peu plus longtemps, connaissant ce dernier, mais elle sortit de la classe à peine quelques minutes plus tard.

Dès qu’elle le vit, elle marqua un temps d’arrêt. Severus retint sa respiration. Leurs yeux s’accrochèrent et ils se dévisagèrent comme s’ils ne s’étaient jamais vus. Il ne sut déchiffrer son expression. Il ne l’avait jamais vue dans cet état-là. Ça devait être très grave. Il avait bien fait de rester. Mais allait-elle lui parler ?

Lily, je…

Il restait à une distance raisonnable d’elle, ne voulant pas la brusquer. Il s’attendait presque à la voir passer devant lui sans le regarder mais elle ne le fit pas. Comme elle pouvait lui manquer ! Peut-être qu’il lui manquait aussi un peu ?

Est-ce que… Est-ce qu’on peut parler ?

Il eut envie de lui dire qu’elle lui manquait, qu’il était perdu sans elle, que la vie n’avait pas de sens sans elle. Mais il ne le fit pas. Ça aurait été déplacé. En tout cas, c’était ce qu’il croyait…

Elle était résolue. Réellement. Elle ne lui accorderait aucun crédit, aucune pensée et pas un seul regard. Un pas devant l’autre, l’issue se dévoila et elle quitta la classe. Mais comment garder ses yeux rivés au sol alors qu’il était adossé au mur ? Il l’attendait. Elle. Une seule erreur, celle de vouloir le contempler juste un instant et elle s’accrocha à sa personne pour s’y engloutir intégralement. Même si sa volonté s’était effritée et gisait en cendres sous ses pieds, sa fureur tambourinait continuellement contre sa cage thoracique et le feu grattait toujours ses prunelles. La gryffondor n’était pas en bonne disposition pour lui pardonner sa conduite des dernières semaines. Elle avait patienté corps et âme à l’affût de sa silhouette, sans que sa confiance ne faiblisse à Pré-au-lard, des heures entières. Sa déception n’avait jamais pris pareilles proportions. Mais tout était relatif, les proportions étaient colossales car la personne qu’elle avait espéré apercevoir, occupait l’une des parts les plus importantes dans son existence.

Il était mal à l’aise, impossible de ne pas s’en rendre compte. Sa manière de se tenir, son visage crispé d’une inquiétude nouvelle et puis toutes ces ombres qui circulaient dans ses prunelles enduites de honte. Rien de ces détails n’échappa à sa meilleure amie et ce fût cet ensemble de petites choses qui la convinrent de ne pas filer tout droit. Et puis elle ne voulait pas agir comme lui. Lily Evans ne fuyait jamais. Surtout pas devant son ami. Aussi, elle acquiesça froidement d’un hochement de tête quand il lui posa une question purement rhétorique. Ils se mirent en retrait dans un coin du couloir car quelques élèves affluaient vers leur cours de Potions dans quelques gloussements prononcés. La rouquine était certaine d’être au centre de leur discussion vu la manière dont certain de ces étudiants pointait grossièrement leur doigt dans sa direction. Si Potter avait déjà fanfaronné, l’école entière était au courant sans compter les personnes présentes qui n’allaient sûrement pas se murer dans un silence respectueux. Comment ne pas se réjouir de cette scène vraiment ? Lily se mordit les lèvres pour contenir la rage qui griffait les parois de sa chair. Ces gens, se nourrissant du malheur des autres pour se réjouir, ne valaient pas mieux que les détraqueurs. De leur position, seul son prénom et celui de James parvinrent à leurs oreilles en de grands éclats de rires. La gryffondor fusilla les étudiants concernés du regard et de toute évidence terrifié, plus aucun ne broncha.

Elle reporta son attention sur Severus devenu livide maintenant qu’il avait appris ce qui avait cautionné son retard. Du moins la personne. Il ignorait toujours les faits. Lily croisa les bras sur sa poitrine et soutint le regard emplit d’effroi que son meilleur ami lui offrait.

Tu voulais parler, Sev’. Je t’écoute… Pourquoi m’as-tu laissé t’attendre pendant des heures alors que nous nous étions donnés rendez-vous ?

Sa question le déstabilisa d’emblée et elle n’en était pas surprise. Il croyait qu’elle allait lui justifier son retard et compléter les fragments de récit apportés par les ragots. Seulement, Lily était trop énervée pour aborder ce sujet en premier et elle ne se voyait pas confier ça sans avoir tout d’abord réglé ce problème. Elle ne voulait pas le ménager, ni tourner autour du pot. Si ils devaient faire face à des émotions nouvelles, il fallait avant tout ne pas couper la communication. La fuite était néfaste et Lily était prête à tout pour qu’il comprenne à quel point il l’avait blessée et à quel point, elle avait été chagrinée. Il comptait plus que tout. Se rendait-il compte à quel point il lui avait manqué ? A quel point, elle avait voulu l’approcher ? L’effleurer ? Les traits de la rouquine s’affaissèrent juste une seconde sous le poids de la tristesse mais la rancœur reprit son terrain et sa colère envenimait toujours son être.

Il fut soulagé lorsqu’elle acquiesça à sa demande. Alors qu’ils se mettaient en retrait pour ne pas subir le passage des élèves, Severus capta des regards insistants sur Lily. Il fronça les sourcils. Visiblement, ces gens savaient quelque chose qu’il ignorait. Cela l’énerva. Que se passait-il ? Pourquoi tous ces regards en coin et ces sourires ? C’est alors qu’il entendit un nom. Potter. Il blanchit d’un coup et se retourna vers les élèves qui avaient prononcé le nom de son ennemi. Que venait faire Potter dans l’histoire ? Mais que s’était-il donc passé avant le cours de potions ? Severus n’avait qu’une envie, c’était que Lily s’explique. Mais il se doutait qu’elle ne dirait rien avant qu’il n’ait expliqué sa propre conduite.

Les paroles de Lily confirmèrent cette idée. Il crispa la mâchoire et soupira avant de se lancer. Il allait devoir lui expliquer. Sinon elle se murerait dans son silence. Et il ne pourrait le supporter. Il se lança, hésitant sur les premiers mots.

Écoute Lily… Je…

Elle l’écoutait sans broncher, sans manifester la moindre émotion. Alors qu’il observait son visage, il fut envahi par une bouffée d’émotions diverses, la joie qu’elle soit à nouveau là, la tristesse de l’avoir fait souffrir, mais aussi et surtout la peur de la perdre, qui était plus forte que tout. Qui le déchirait. Et sans y penser, il lui dit la première phrase qui lui passait par la tête.

Tu me manques énormément.

Il stoppa net et se morigéna intérieurement. Il n’aurait pas dû dire ça. Il s’y prenait mal, comme toujours. Il chercha ses mots, essayant vainement de regrouper ses idées, mais les mots s’entremêlaient, se cognaient dans sa tête, embrumant encore plus son esprit. Il ferma les yeux un court instant pour remettre ses idées en place. Lorsqu’il releva les yeux vers ceux de Lily, il avait l’impression qu’elle le regardait avec un peu de… tendresse ? Non, ce n’était sûrement pas ça. Il devait rêver. Il se reprit. Imaginer des choses n’était pas la meilleure des choses à faire en ces circonstances. Il s’expliqua enfin sur son absence à Pré-Au-Lard.

Sache tout d’abord que je suis désolé. Vraiment désolé. Nous avions rendez-vous et je ne suis pas venu. Tout est de ma faute. J’ai encore du mal à m’expliquer la raison de mon absence. Ai-je agi par lâcheté ? Par dépit ? Par peur ? Tous ces sentiments se confondent en moi et je n’arrive pas à faire la part des choses. Je suppose qu’il s’agit d’un peu de tout cela à la fois. Mais qu’importe. Je ne suis pas venu et je m’en excuse. Après notre dernière rencontre à la Salle sur Demande…

Il s’arrêta un moment, soupira en évoquant ce moment. Il se mordit la lèvre inférieure et reprit, d’une voix plus basse.

Je m’en suis voulu énormément. Te voir tous les jours sans te parler… Mais j’ai l’impression d’être perdu, comme si tout avait changé entre nous. Et pourtant… ce n’est pas le cas. N’est-ce pas ?

Il se rendit compte qu’il cherchait désespérément son appui à ses dires. Comme s’il fallait qu’elle le rassure, qu’elle le prenne avec elle, loin, loin de tous les ennuis de ce monde, des tracas, des mésaventures qu’il pouvait vivre. Mais, dans le fond, c’était ça qu’elle faisait, jour après jour. Elle le guidait à travers les brumes de sa vie et en tissait les fils avec précision, justesse et rigueur. Elle l’avait forgé, petit à petit, elle l’avait fait sien. Et c’était normal alors qu’il se sente perdu sans elle. Puisqu’elle était ce qui comptait le plus pour lui. Elle était celle qui lui permettait de se sentir bien dans un monde souvent injuste.

Sa voix écailla sa barrière physique et elle laissa ses deux bras retomber, inertes contre son corps toujours tendu. Il invoquait ses émotions, sa confusion et son refus. Le refus de comprendre, de chercher à comprendre. Il l’avait fui dans le but d’oublier, voulant continuer à croire les illusions qu’ils s’imposaient tous deux. Lily l’observa longuement, emmêlée dans sa colère, son amertume et cette profonde mélancolie. Sa question se suspendit dans l’air avec une tension perceptible, une attente sur laquelle la rouquine médita quelques instants.
Rien n’était à jamais figé, les choix que l’on porte ont des impacts et le temps poursuit sa quête. Ils n’étaient plus ce qu’ils avaient été tout simplement parce qu’ils évoluaient par la force des choses, de leurs apprentissages, goûtant à de nouvelles expériences, apprivoisant des décisions et des conséquences. Les besoins et les envies, elles aussi se modelaient à mesure que les années encrés sur leur peau des morceaux tissés de passé. Tout s’écrivait à l’imparfait entre eux. Aujourd’hui, ce qui les liait débordé le stade de ce qu’ils jugeaient être de l’amitié au sens propre. Encore fallait-il savoir tutoyer ces troubles et les permettre d’adhérer à leurs veines.

Ses traits se plissèrent sous l’incertitude, l’angoisse de tout perdre. Et ce « n’est ce pas » qui s’insinuait dans chaque pore de son épiderme pour engendrer des fissures. Lily arqua sa nuque pour parcourir du regard la distance la séparant de Severus, évalua le nombre de pas indéfini qui la maintenait aussi loin corporellement de lui. Puis, elle releva ses prunelles exposant toute sa vulnérabilité à cet être qui l’anéantissait, la hantait, la rendait vivante. L’émeraude entourant ses iris brilla sous un flot de perles qu’elle contenait par orgueil.

Non, Sev’. Je ne vais pas renier ce que je ressens. Tout a changé. Tu le sais aussi bien que moi.

Son ton dur fit échos dans le couloir, décomposant son meilleur ami, abîmant son flegme généralement soigné et posé.

Je t’ai attendu, peu importe tes explications. J’ai cru jusqu’à la dernière seconde que tu serais là. Si tu ne voulais pas me voir, tu aurais pu au moins me prévenir. Je ne te demandais même pas de me le dire face à face si ma présence te gênait.

Il semblait sur le point de s’effondrer à même le sol. Sa détresse se percutait à la souffrance de la gryffondor, s’insinua jusque dans sa moelle, prenait possession de son visage, le crispait sur une expression douloureuse qui acheva toute tentative de froideur. Les intonations de Lily dès lors devinrent déchirantes et tout autour des deux amis devint cristal. La résistance s’effritait, la fragilité pointait sous chacune de ses paroles fébriles, tremblantes. Il pleuvait sur ses joues comme toute cette rancœur qui souillé son essence, coulait sur sa force pour la rendre captive. Et c’est dans un mélange de colère et de sanglots que Lily ôta son masque tissé de chimères. Son sang froid avait déserté sa carcasse depuis que James lui avait pris la chose qu’elle aurait voulu offrir à Severus. Enfin, peut être.

Je ne peux pas te tourner le dos, j’en suis incapable alors comment toi, tu peux me voir et partir de la sorte ? J’ai besoin de toi. Comment peux-tu me dire que tu veux ma compagnie et me dire de ne toucher à rien en ce qui concerne notre relation ? Ca te convient tout ce qu’ils se passent entre nous ? La manière dont tu t’éloignes, la manière dont tu agis avec tes amis ? Tu joues sur deux mesures. Je suis perdue également mais pour rien au monde, je ne voudrais te blesser ou t’imposer quoique ce soit. Dis moi si tu veux que je te laisses, dis moi ce que tu ressens, dis si tu as mal. Mais ne te ment pas et ne me ment pas.

Il n’y avait plus personne dans les alentours et la rouquine en fût reconnaissante. Jamais, elle n’avait été aussi pleurnicharde de sa vie et aussi révoltée. Inutile que le monde entier nourrissent d’autres rumeurs à son égard. Elle ramassa les restes de sa raison et passa sa main droite sur sa joue pour en calmer le flot. Elle prit la mesure de tout ce qu’elle venait de balancer à Severus en si peu de temps et il n’avait pas mériter l’entièreté de ces propos. Du moins, il n’était pas responsable de ce que Potter avait pu faire un peu plus tôt.

Désolée, je…

Lily ferma ses paupières voilant le décor.

Veux-tu que je m’en aille ?

Elle lui répondit d’une voix dure et sans qu’elle le sache, cela cassa quelque chose en lui. La tristesse jouxtait maintenant avec la colère, chacune essayant de prendre la place mais se faisant toujours dépasser par l’autre. Elle avait réussi en quelques mots à briser son attitude froide et distante qu’il prenait avec tout le monde. Bien sûr, il aurait dû s’en douter, c’était elle qui le connaissait plus que tout. Elle pouvait autant le blesser que l’aim… l’aimer oui, c’était ça. Il respira plus profondément. Il n’avait pas osé entrevoir les choses sous cet angle tellement particulier, parce que pour lui, Lily était inaccessible de cette manière. Oui, tout à fait inaccessible. C’était sa meilleure amie. Il en avait toujours été ainsi. Et là… Elle disait elle-même que tout avait changé. Cela ouvrait la porte à tellement de possibilités qu’il n’aurait osé imaginer !

Alors qu’il prenait conscience de cela, Lily laissa couler des larmes. Severus en fut surpris, elle qui voulait toujours se montrer forte. Mais cela lui fit mal car il savait qu’il était la cause de ce malheur. Tout était de sa faute. Et la culpabilité ne faisait que le ronger plus profondément. Cependant, lorsque Lily s’excusa, il ne put le supporter et répondit d’une voix ferme.

Ne t’excuse pas ! Il n’y a que moi qui dois le faire dans cette situation. Toi, tu n’as rien à te reprocher. Tu m’as tendu la main des centaines de fois et je ne l’ai pas saisi par pur égoïsme. J’ai agi comme un idiot, non, pire que ça. Je n’ai plus qu’à attendre que tu veuilles bien me reprendre. Je ne sais pas si ça mettra longtemps mais sache que je ferai tout pour que ça se passe bien entre nous à nouveau. Les choses ont changé, je le sais, j’ai voulu fermer les yeux parce que le changement me fait peur. Tu le sais. Mais je viens de me rendre compte que les changements sont parfois bénéfiques et profiteurs car ils nous permettent de voir les choses différemment et d’avancer. Mais je ne veux pas avancer sans toi. Sans toi, je tomberai…

Il ne savait pas si c’étaient les meilleures choses à dire mais la situation était tellement instable qu’il n’aurait pu faire autrement que de laisser les mots s’écouler tels qu’ils étaient dans sa tête. Lorsque Lily ferma les paupières pour lui poser une question fatidique, il eut envie de la prendre dans ses bras et de la bercer. Mais il savait bien qu’il ne fallait pas le faire. Elle n’accepterait sûrement pas qu’il le fasse et il ne supporterait pas d’être repoussé. Il soupira.

Bien sûr que non. La seule chose que je désire en ce moment est ta présence. Je serai fou de te laisser partir.

Elle releva les yeux vers lui et il plongea son regard dans le sien. Pendant qu’ils se dévisageaient, ils ne dirent plus un mot. Severus eut l’impression d’être aspiré par elle, par sa présence et il comprit à quel point elle lui avait manqué. Ses yeux rivés aux siens, il essayait de lui faire passer toutes les émotions qu’il avait en lui. Il voulait lui faire comprendre qu’il n’avait pas parlé dans le vide et que c’était vraiment ce qu’il souhaitait. Qu’il était désolé, vraiment, et que personne ne comptait plus qu’elle. Qu’il était stupide et égoïste. Qu’il l’avait blessée et qu’il le savait. Qu’il n’était qu’un homme plein de défauts…

Inconsciemment, il se rapprocha d’elle pour plonger encore plus profond dans ses yeux émeraude. Il était proche d’elle mais néanmoins sans la toucher. Il ne voulait pas la brusquer et il sut qu’il ne ferait pas le premier geste, même s’il avait envie de passer sa main sur sa joue pour effacer les dernières traces de larmes. Il lui laissait le choix. Il avait l’impression que s’il commençait, il briserait à nouveau l’attache qui les unissait. Comme si c’était elle et elle seule avait le pouvoir de ressouder leurs liens brisés. Il se tendait vers elle et n’attendait qu’un signe d’elle pour retrouver leur entente, avant toute autre chose. A ce point, il était certain que si Lily le rejetait, il ne s’en remettrait pas. C’était sûr et certain.

C’est perdu dans son monde et pétri de peur et de doutes qu’il ne put que murmurer :

Lily, excuse-moi.

Il y avait son odeur, son pardon et sa proximité. Lily ne regagna pas son enveloppe et préféra se perdre davantage dans les nuances obscures qu’arborait le regard éteint de Severus. Elle tendit sa paume pour la poser sur son bras droit et la tendresse ceintura les quelques larmes qui perçaient encore ses prunelles embrumées. Tout son corps se décrispa, les démons logeant dans son ventre cessèrent de la lacérer.

Ne me refait plus jamais ça. Je t’en prie.

Lily glissa ses doigts jusqu’à la main de son meilleur ami, elle la prit et la porta jusqu’à sa joue afin qu’il efface les restants de sa crise, qu’il gomme physiquement la tristesse qu’il avait déjà vaincue intérieurement. A son contact, sa peau semblait brûlante, son toucher animait l’entièreté de sa personne. La paume de Severus reposait sur sa joue pendant que ses doigts s’appliquaient à réduire à néant les perles striant son épiderme nacré. La jeune fille lui sourit alors tendrement goûtant au plaisir de leurs retrouvailles, elle n’était plus aspirée par son vide, plus hantée par la perspective de son rejet.

Mais Lily devait lui dire, à tout pris. Elle n’aurait pour rien au monde voulu briser les liens qui se retissaient entre eux, seulement. Un mensonge même partiel n’amène que des dégâts colossaux. De plus, si il devait l’apprendre, il valait mieux que cela sorte de sa bouche et non de celle d’un autre, où les propos auraient sans nul doute amplifié ou erroné. La rouquine reprit la main de son ami et enlaça ses doigts aux siens, les nouant dans leur sphère compacte. Elle permit à l’émeraude de ses prunelles de s’engouffrer dans les tons ténébreux de Severus et de se mêler à leur profondeur.

Sev’, si je suis arrivée en retard, c’est à cause de Potter.

Confirmant ce qu’il avait ouï un peu plus tôt, le teint de Severus devint plus blafard qu’un mort mais il ne l’interrompit guère fouillant chaque détail du visage ouvert de la jeune fille pouvant recéler le moindre indice insinuant la suite.

Je filais jusqu’ici quand il m’a prise au dépourvu. Il m’a fait une scène au milieu de la foule, m’a retenu et …

Lily se mordit la lèvre rien qu’en y repensant. Comment aurait-elle pu envisager que son premier baiser eut une saveur aussi amère et répugnante.

Il m’a embrassé par surprise.

Severus grogna presque, toute sa carcasse se raidit sous la haine. Il était à mi-chemin entre une démence effrayante et une froide colère. Rien qui ne puisse convaincre Lily qu’il n’irait pas trouver Potter. La rouquine le voyait perdre le contrôle et blasphémait des jurons à voix basse, maudissant le gryffondor d’un tel acte. Lily soupira encore énervée par l’événement.

Il a reçu la plus belle gifle de toute sa vie. La marque est encore visible à l'heure où l'on parle.

Voyant que la fureur aurait pu amener Severus à la quitter dors et déjà pour rejoindre James et le mettre en pièces, la jeune fille n’eut d’autres choix que de se glisser dans ses bras pour l’apaiser. A vrai dire, c’était une bonne excuse pour s’y loger.

Ce n’était rien. Ca ne comptait pas. Tu le sais. Je voulais te le dire uniquement pour que tu n’aies pas l’impression que je t’ai cachée quoique ce soit. Je n’y accorde aucune importance.

Lorsqu’il sentit la main de Lily sur son bras, puis sur sa propre main, il relâcha toute la tension qui s’était accumulée en lui jusque là. Il soupira et laissa sa main courir sur la joue de Lily, effaçant les traces de la tristesse qu’il lui avait causée. Il frissonna à son contact enfin retrouvé et lui sourit en retour. Elle lui avait pardonné. Et il lui en était infiniment reconnaissant. A présent, il devait tout faire pour ne plus la décevoir. Il ne supporterait pas d’être éloigné d’elle à nouveau.

Mais dans cette bulle qui s’était renfermée sur eux était cachée une sensation étrange. Severus sentit que Lily avait quelque chose d’important à lui dire. Et en cherchant ce que cela pouvait être, il se rappela le nom de Potter associé au sien quelques minutes plus tôt par des élèves. Il fronça les sourcils en entendant Lily commencer à parler. Elle avait à peine fini sa phrase qu’il était plus pâle que la mort. Il avait envie de la presser, de lui demander de tout raconter, pour qu’il sache, mais il se tut, attendant qu’elle reprenne la parole. C’est alors qu’elle lui révéla la raison de son retard en cours de potions.

Immédiatement, Severus fut parcouru d’une vague de haine et de colère contre celui qui avait osé la toucher. Potter. Ce Gryffondor arrogant et hautain avait osé toucher sa Lily. Il était dans un tel état qu’il ne se rendit pas compte qu’il avait dit « sa » Lily. Il n’était obnubilé que par Potter. Il imaginait la scène et cela le mit dans une sourde colère alors qu’il se raidissait. Il respirait bruyamment et avait les mâchoires serrées l’une contre l’autre. Il crispa les poings, sans se rendre compte qu’il tenait la main de Lily dans la sienne. Il eut un rictus méprisant quand elle lui expliqua l’avoir giflé. Lui avait envie d’aller trouver ce bâtard pour le mettre en pièces, lui jeter tous les sorts qu’il connaissait afin de lui faire regretter de l’avoir touchée. C’était tout ce qu’il méritait et encore… Mais comment avait-il osé ?

Il entendit à peine la jeune fille lui dire que cela n’avait pas d’importance. Il la sentit néanmoins se glisser contre lui et le prendre dans ses bras. Il savait que c’était pour l’empêcher d’aller trouver Potter et de se créer des ennuis. Il essaya de se calmer mais la colère refusait de partir. Quel abruti impudent ! Il ne méritait même pas son attention. Alors qu’il luttait contre lui-même, ses bras se refermèrent autour de Lily dans une attitude de possession sans qu’il s’en rende compte et il appuya sa joue contre son front, dans une position qui leur devenait étrangement familière. Il sentit le parfum de la jeune fille chatouiller son nez et il soupira. Dire qu’il avait failli la perdre… Il sentit son corps se détendre. Il se pencha sur son oreille.

Comment peux-tu dire que ce n’est rien ? Il t’a utilisée. Je trouve ça vil de sa part. Mais il ne fallait pas s’attendre à autre chose venant de lui.

Il murmurait, sa voix était plus rauque que jamais. Il eut un soupir et son souffle courut sur la peau de Lily.

Je vais arrêter de parler de lui sinon je ne pourrais plus me maîtriser.

Il ferma les yeux un bref instant, savourant sa présence, s’en délectant comme quelque chose d’extrêmement précieux. Même s’il n’en parlait plus pour le moment, le nom de son ennemi restait gravé dans sa tête et il savait que dès qu’il le verrait, il ne pourrait se maîtriser. Mais pour l’instant, seule Lily comptait et il ne voulait pas perdre une seconde à penser à autre chose qu’à être là, avec elle.

Ils entendirent un groupe d’élèves arriver, leurs pas se répercutant sur les murs des cachots. Ils se séparèrent un peu, ne voulant pas que des élèves curieux les voient en pleine réconciliation. Ce n’était pas leurs affaires. De plus, il se doutait que Lily ne voulait pas d’autres rumeurs à son sujet, ayant assez de ce qui s’était passé une heure plus tôt. Soudain, il se souvint de quelque chose…

A la fin du mois, c’est le Bal d’Halloween et je me disais, enfin, j’espérais que je pourrais me faire pardonner en t’y invitant…

Il s’interrompit mais reprit rapidement.

Enfin, si tu n’as pas envie, ce n’est pas grave, je comprendrais. Après tout, tu n’as peut-être pas envie d’y aller avec un Serpentard…

Autour de ses épaules, ses bras. Contre son front, sa joue. Lily fut enfin apaisée, Potter n’ombrageait plus ses pensées. L’instant présent primait sur le reste. Pour le moment, elle était blottie contre son meilleur ami et rien ne pouvait la sortir de son euphorie. La tendresse de ce contact était amplifiée par le souffle de Severus qui s’évanouissait sur son épiderme à rythme régulier. Sa chaleur la préservait de ce monde extérieur, hostile, la maintenait dans leur sphère édulcorée où chaque minute devenait seconde. Leurs fragrances s’entremêlaient comme leurs âmes et leurs songes.
Des filaments de réalité percèrent leur Univers et ils furent obligés de s’écarter à grand regret. Inutile que la Terre entière sache qu’ils s’étaient réconciliés. Le rictus de Lily courait toujours sur ses lèvres, incurablement heureuse d’avoir retrouvé Severus. Il enchaîna sur une proposition qui ne fit qu'accroître le sourire de la gryffondor.

Tu me proposes un rencard ?

Lily rigola nerveusement alors que fébrile intérieurement, elle percevait de drôles de chatouillement au niveau de son nombril. Ses pensées défilèrent avant sa réponse. Elle et lui dansant dans la grande salle, inondant l’autre d’éclats de rires. Mais Severus dansait ? Ca lui semblait aller au-delà de sa réalité.

Bien sûr que je veux y aller avec toi. Tu es Severus Snape avant d’être un serpentard je te signale et puis surtout, qu’est ce que je m’en balance de ces querelles et de l’avis des gens.

L’émeraude de ses prunelles scintillait à travers les iris de Severus et tous deux se contemplèrent, hébétés par la situation qui n’était pas des plus banals. Sous l’effet de la nouvelle, Lily cogitait de manière insensée tout en ne cessant d’offrir des sourires radieux à son ami.

Il ne faut pas s’enregistrer avec son partenaire quelque part ? A vrai dire, ce genre d’occasions, je zappe chaque année donc pour les détails complémentaires, je ne fais pas vraiment attention. Ca doit être indiqué sur un panneau quelque part ce genre d’événement, non ?

Inutile qu’elle précise que c’est parce que James Potter la suivait à la trace afin de l’inviter qu’elle fuyait ce genre de soirées et que si elle se pointait seule, il la harcèlerait jusqu’à ce que mort s’ensuive.
La rouquine fouilla soudainement dans son sac en quête de sa plume et d’un morceau de parchemin, elle y griffonna la date puis ajouta ces initiales et celles de Severus avant de lui tendre le bout de papier sous le regard ahuri de celui-ci. Pour réponse, la gryffondor éclata de rire.

Non, mais je ne réalise pas. Toi, entrain de danser. Et de plus, vouloir t’afficher avec moi publiquement sans aucune crainte. Désolée mais il fallait que je le note quelque part, pour que jamais je n’oublie ça.

La sottise de Lily dérida l’expression intriguée du Serpentard et son sourire tordu ajouta à l’hilarité de la jeune fille, une traînée de bonheur, de joie mais surtout d’optimisme. Ce qui se profilait à l’horizon était digne des anales et une heure plus tôt, jamais Lily n’aurait espérer que toute cette histoire se finisse aussi bien entre elle et lui. Finir ? Non, c’était le début. Enfin peut-être. Mais elle voulait croire que rien ne pourrait à nouveau les séparer. Elle voulait croire en lui, en eux.
Dans un tourbillon flamboyant, elle se retourna pour faire face à la sortie des cachots.

Et si on allait se promener ? Tu n’as pas cours ? Si ?

La jeune fille repoussa négligemment sa crinière en arrière en rajustant la lanière de son sac à son épaule. L’attache de son bracelet s’agrippa dans le tissu le composant et elle fut bloquée le poignet en l’air pendant quelques instants. Ses cheveux revenant sans cesse vers l’avant, obstruant sa vue, elle n’arrivait pas à le décrocher de là. Severus se rapprocha à nouveau mais vu que sa masse capillaire bloquait tout champ de vision, il la prit par surprise. C’était stupide, sûrement. Mais son approche rapide la déstabilisa complètement alors qu’elle sentait ses doigts frais glisser sur son poignet. Comparé à leur étreinte, ce geste était insignifiant pourtant. Pourtant, Lily sentait perceptiblement ses pulsations cardiaques martelaient sa poitrine, ses oreilles, son être entier. Il s’appliqua à décoincer l’objet sans aucun accro pour sa sacoche. Etait-ce parce qu’il avait été le premier à bouger ? Ou était-ce parce qu’elle ne s’était pas attendu à ce mouvement ?

Rien n’était définitivement pareil. Mais pour lui, Lily s’apprêtait à faire face à tout ce qu’ils avaient pouvoir rencontrer sur leur route. Elle savait qui il avait été, qui il était et pour tout ce qu’il contenait, voilait, pour sa manière d'être, d'agir, elle l’appréciait. Il n’était vraiment pas comme les autres et la jeune fille se prit à croire qu’elle pourrait le sauver de sa chute, lui éviter de glisser vers la pratique de la magie noire. Il était encore temps. Il n’était pas trop tard. Elle le fixa entre deux de ses mèches rousses et fut convaincue que sa rédemption était possible.
Après tout, il était humain et elle savait ce qu'il recélait. Oui, elle le savait mieux que quiconque.

Il faillit rougir lorsque Lily répondit à son invitation. Oui, on pouvait le voir comme ça, c’était une sorte de rencard, même si, en le proposant, il n’aurait pas utilisé ce terme… Il perçut le son cristallin du rire de la jeune fille et ne put s’empêcher de sourire. Elle lâcha ensuite un flot de paroles que Severus eut du mal à suivre, elle cogitait à toute vitesse et réembrayait directement sur autre chose quand elle avait terminé… Il fronça les sourcils lorsqu’elle sortit prestement un morceau de papier de son sac et griffonna quelques mots dessus. Alors qu’elle lui expliquait son geste, il soupira et fit la moue avant de se pencher vers elle pour murmurer en souriant :

Ne te moque pas de moi ou tu pourrais bien le regretter…

Il fit un pas en arrière et acquiesça lorsqu’elle lui demanda pour aller se promener. Elle remit son sac correctement et son bracelet se coinça dans le tissu. Elle se débattit avec son autre main et ses cheveux qui revenaient toujours devant son visage pour l’y déloger mais rien à faire. Il s’avança doucement et entreprit d’arranger ça par des gestes lents. Au bout de quelques secondes, le bracelet se détacha et Lily laissa retomber son bras le long de son corps. Elle le remercia faiblement et lui sourit, l’air gênée. Ce fut à son tour de rire légèrement.

Ils quittèrent alors les cachots d’un pas lent et mesuré, Severus calquant ses pas sur ceux plus petits de Lily, la laissant trouver leur rythme de marche. Ils remontèrent vers le Hall d’Entrée, puis se laissèrent guider par le mouvement d’autres élèves se rendant dans le Parc. L’air frais d’octobre leur fit du bien. Le vent jouait avec les cheveux de Lily, les ébouriffant avant qu’elle ne replace une mèche rebelle derrière son oreille, d’un geste inconscient. Severus la regardait faire, un sourire au coin des lèvres.

Je dois dire que les bals ne m’intéressent pas non plus beaucoup d’habitude. Mais toi et moi ne nous y sommes jamais rendus ensemble. Et je voudrais avoir un souvenir d’un bal avec toi.

Elle lui fit un sourire éclatant et son cœur s’emballa en l’apercevant. Ils continuèrent à marcher silencieusement, appréciant la présence de l’autre. Les paroles que Lily avait prononcées un peu plus tôt lui revinrent alors en tête.

Alors comme ça tu crois que je ne sais pas danser ? Permets-moi de te dire que tu te trompes lourdement sur ma personne…

Lily éclata de rire mais eut un air surpris quand il prit sa main et se pencha pour la toucher du bout des lèvres. Elle le regarda étrangement et il haussa un sourcil moqueur avant de la faire tournoyer lentement sur elle-même, guidant ses mouvements d’une main. Elle essayait de capter son regard dès qu’elle tournait la tête vers lui mais elle repartait directement pour un autre tour. Ses cheveux volaient autour d’elle, le mouvement de la danse amplifiant celui du vent. Après quelques tours, il la stoppa brutalement et elle fut déstabilisée quelques secondes, la tête tournant encore. Elle dut se raccrocher à la chemise de Severus qui retint sa respiration dès qu’elle frôla son torse de ses mains. Il la maintint aux épaules pendant qu’elle retrouvait une contenance et il eut un mince sourire alors qu’elle relevait la tête vers lui. Oui, décidément, les choses avaient bien changé entre eux. Et il n’osait imaginer l’avenir qui s’offrait à lui désormais. Il poussa un soupir de lassitude feinte tout en ne pouvant s’empêcher de sourire.

Il va falloir que j’apprenne à ma cavalière à tenir sur ses jambes avant le bal… Mais qu’ai-je donc fait pour mériter cela ?

Il retenait son rire et il ne put empêcher celui-ci d’éclater quand Lily lui frappa gentiment l’arrière du crâne dans un geste de mécontentement. Elle aussi riait avec lui. Il se sentait bien avec elle, détendu et serein. Ces derniers jours avaient été plus fatigants que jamais et il aspirait à un peu de paix. Il aurait dû savoir que c’était Lily qui les lui apporterait. Son rire ne sonnait pas faux en sa présence. Son attitude n’était pas fausse en sa présence. Il n’était pas faux en sa présence. Elle faisait ressortir le vrai Severus Snape comme elle seule en était capable.

Les lèvres de Severus frissonnèrent sur le dos de sa main, du moins, l’épiderme de Lily vibrait. Ce contact était plus doux que tous les autres, plus tendre. La rouquine déstabilisait par ce toucher ne pu réagir à ce que Severus lui faisait exécuter avec une maîtrise insoupçonnée. Elle tournoya plusieurs fois, dirigée par son ami dans ses rondes démentes. Autour d’elle, des mèches de ses cheveux s’éparpillaient dans l’air et tout n’était que tâche, ombre dans le paysage. Son ami finit par arrêter de jouer à la ballerine avec sa personne et oublia sûrement les conséquences de pareils tournis. Le vertige fut brutal, tout vacillait à tel point que sans réfléchir, Lily s’agrippa à la chemise de Severus. Ces paumes captaient à merveille les battements agités, désordonnés du cœur de son meilleur ami, ce qui la fit sourire davantage. Elle l’admira pendant un instant avant de lui frapper l’arrière du crâne quand il mentionna son incapacité à se maintenir debout. Dans de grands éclats de rire, ils parcouraient le parc de Poudlard en faisant si peu attention aux autres. Trop peu sûrement.

L’insouciance s’évapora en un instant.

La gryffondor se stoppa nette quand elle aperçut traînant au loin, James Potter et l’un de ses acolytes. Elle déglutit douloureusement et chercha à détourner l’attention de Severus en le prenant par le bras. Mauvaise manœuvre qui mis seulement le Serpentard sur la piste du gryffondor. Lily se posta face à Severus alors que ce dernier tenait déjà entre ses fins doigts, sa baguette prête pour l’usage qu’il voulait en faire, prête à déverser son flot de haine. Elle entoura de ses mains les poignets de son meilleur ami. Prisonniers de son étau, il plongea dans son regard lui démontrant par biais visuel, la rage qui l’animait. La détermination l’enfermait dans une hargne sans nom.

Ca n’a aucune importance. Sev’, je m’en fiche vraiment. Je ne veux pas que tu t’attires des ennuis pour un imbécile pareil. S’il te plait.

Severus se débattit afin qu’elle lâche l’emprise exercée sur ses poignets mais Lily ne fit que resserrer sa prise, quitte à en avoir mal. Il semblait si enragé que la jeune fille ne craignait qu’il n’achève Potter en deux bouchées. Elle savait qu’il connaissait des sorts des plus noirs, des tortures des plus sanglantes. Il s’était renseigné sur le sujet, elle en était quasi certaine. Rien qu’à voir Mulciber et Avery agir, elle n’en doutait pas une seule seconde. Ils devaient même se transmettre leurs macabres découvertes. Effrayée par l’éventualité que Severus blesse gravement James, Lily tenta de lui ôter sa baguette des mains. Mais en retirant une de ses mains, elle fit une erreur grave. Celle de lui laisser une liberté de mouvement. Il saisit le bras gauche de la gryffondor et la supplia de le laisser régler cette histoire. Lily fuya ses prunelles ternies par tant de rage, ses traits tordus sous un mépris inlassable. Elle ne reconnaissait plus le garçon avec lequel elle venait de s’esclaffer un peu plus tôt.

Sev’… Je t’en prie… Ce n’était pas un vrai baiser techniquement…

Hors de lui-même, il la plaqua contre l’arbre le plus proche, brusquement. Lily tenait toujours le poignet de son meilleur ami et lui avait toujours son bras au creux de ses doigts. La pression qu’il exerçait était telle que le sang de la rouquine cessait presque de circuler dans cette région de son corps. Ca lui faisait mal à ce point de savoir qu’un autre lui avait dérobé son premier baiser ? Lily le regarda, apeurée.

Ce n’était rien… Vraiment. Ca n’a pas d’importance. Il n’est rien pour moi. Ce n’était pas grand-chose.

Severus la dévisagea alors qu’elle bougea dans un effort considérable son bras maintenu par le serpentard pour poser ses doigts contre le flanc gauche de son ami au niveau des côtes.

Sev’… Je ne l’aime pas. Ce baiser est dénudé de sens. Tu comprends ? Ca ne compte pas. J’ai déjà réglé le problème… Laisse le… Je t’en prie.

Ils riaient tous deux lorsque Severus capta un regard effrayé de Lily. Qu’avait-elle donc ? Il tourna la tête dans la direction qu’avait pris le regard de la rouquine quelques secondes plus tôt. Son sang se glaça. James Potter. Immédiatement, son sang ne fit qu’un tour et il sortit rapidement sa baguette de sa poche, l’agrippant fermement dans le but de s’en servir contre celui qui avait osé traiter Lily de la sorte.

Mais alors qu’il s’élançait vers lui, deux mains se saisirent de ses poignets et son regard tomba dans celui de sa meilleure amie. Elle l’empêchait d’aller lui régler son compte. La rage débordait et menaçait de briser tout ce qu’elle trouverait sur son passage. Lily lui parlait mais il n’entendait pas. Il n’était obnubilé que par la haine qu’il pouvait éprouver en ce moment contre son ennemi qui paressait plus loin, insouciant et tellement fier. Severus grogna et se débattit. Toujours cette fierté et cette arrogance ! Il allait le lui faire payer ! S’il croyait qu’on pouvait s’attaquer à Lily aussi facilement. Les conséquences lui seraient fatales. Tant pis s’il lui arrivait quelque chose à lui, peu importait, tant que Lily était vengée. Potter allait souffrir.

Son amie essaya de lui prendre sa baguette et il en profita pour agripper son bras, dans une tentative désespérée. La colère l’aveuglait. Il fallait qu’il règle cette histoire. Ils ne pouvaient pas en rester là. Les paroles de Lily le heurtèrent de plein front et il la plaqua violemment contre l’arbre le plus proche. Elle eut un hochet et le regarda avec des yeux écarquillés. Il y vit de la peur. Cela fit retomber sa colère instantanément. Mais qu’était-il en train de faire ? Il desserra sa prise autour du bras de la jeune fille. Elle posa sa main sur son flanc pendant qu’il calmait sa respiration. Il déglutit difficilement. Il aurait pu faire du mal à Lily. Ses sentiments et ses émotions le dominaient complètement. Il eut peur de ce que cela impliquait.

Il tenait toujours le corps de Lily près du sien, adossés à l’arbre. Sa respiration était saccadée. Il planta ses yeux dans ceux de la rouquine. Il parla d’une voix rauque, cherchant ses mots…

Excuse-moi. Je t’ai fait mal ?

Disant cela, il passa ses mains sur son bras, effleurant son épiderme pour vérifier la moindre parcelle qui aurait pu être abîmée à cause de lui. Son examen terminé, il releva la tête pour voir que Lily ne l’avait pas quitté des yeux.

Je… je ne sais pas ce qui m’a pris. Quand je l’ai vu, j’ai senti cette rage en moi… Je ne sais pas comment expliquer. Elle s’est glissée en moi et a envahi chaque partie de mon corps. Je l’ai sentie intensément. Et c’était comme si le reste ne comptait plus, n’existait plus. Que cette rage et cette envie de…

Il s’interrompit. Lily le regardait avec des yeux ronds et un peu effrayés. Il pinça les lèvres et soupira.

Je suis désolé. Cela n’arrivera plus. Heureusement que tu étais là.

Il lui sourit mais elle ne le lui rendit pas. Il baissa la tête et s’écarta de l’arbre pour marcher à grandes enjambées vers un autre point du Parc de Poudlard où il ne trouverait pas de raison de s’énerver. Il savait que Lily le suivait en silence. Après avoir fait quelques mètres, il se retourna et l’attendit. Ils se fixèrent longuement avant qu’il ne se rapproche d’elle.

Je n’accepte pas ce qu’il t’a fait. Je veux que tu le saches.

Il prit lentement ses doigts entre les siens et baissa le regard sur leurs mains entremêlées. Il fit passer son pouce sur chacun de ses doigts pendant qu’elle souriait à ce contact.

Le vent ronronnait toujours, se frottant aux arbres qui frémissaient à son contact tandis que les étudiants se prélassaient sous les rayons paresseux de l’Astre détendu. Tout semblait en paix. Excepté Severus Snape dont la nervosité atteignait son apogée. Il s’excusa cependant puis noua ses mains à la sienne pour la rassurer. Lily revisita ses traits du regard, connaissant à merveille chaque détour emprunté par sa peau. Ils étaient à l’écart, comme toujours.

Ce n’est pas grave Sev’… Je sais que tu n’acceptes pas. En même temps qui aurait pu se douter que mon premier baiser serait arraché par ce gredin.

Lily soupira d’agacement et crispa sa mâchoire sous la colère. Elle s’obligea à se détendre en se rappelant qu’elle devait avant tout apaiser les foudres de son meilleur ami. D’un mouvement délibérément lent, elle leva ses doigts pour ensuite effleurer la chevelure cendre de son ami. Elle n’avait jamais exécuté ce geste et symboliquement, il signifiait tout. Leur rapprochement physique, les attaches qui invisibles nouaient leur deux corps, leurs esprits. La texture de sa crinière était plus douce qu’elle ne laissait paraître. Il était vrai que Severus négligeait souvent cet aspect physique de sa personne. Mais pour l’heure, il semblait s’être appliqué. La rouquine tortillait les mèches sombres du serpentard autour de ses doigts et sans en prendre conscience, elle avait dû se rapprocher de lui pour amener sa main jusque dans sa chevelure. Elle glissa vers ses deux prunelles luisantes où la surprise étalait son empire dans chaque nuance de leur teinte. Lily respirait à peine, chaque parcelle de sa peau était alimentée de picotement dû à l’électricité les enserrant dans une cage à haute tension. L’attraction qu’il se produisait entre eux semblait croître plus le temps s’écoulait, inlassablement. C’était comme si tout l’espace qu’ils avaient pris soin de maintenir s’évaporait, n’avait jamais eu l’audace d’exister. Ce n’était que du vide, de la poussière, des cendres. Ils franchissaient cette frontière mesure après mesure. A pas de loups.

La cage thoracique de Severus se mouvait étrangement, irrégulièrement. Lily était si proche de lui qu’elle sentait la chaleur de son corps irradiait les pores de son épiderme. A cette ridicule distance, ils s’abreuvaient du même oxygène, goûtaient à la fragrance de l’autre. La proximité permettait même à la jeune fille d’admirer le reflet émeraude de ses prunelles dans celles de son ami. Elle étincelait dans ses yeux, elle vivait en lui. Comme lui vivait elle. Ils étaient un fragment de l’autre. Après toutes ces années, ils en étaient ainsi. Ils s’étaient confondus, sans retenue et sans freins. Ils n’avaient eu le temps que de se retourner un instant pour se rendre compte qu’ils étaient déjà bien loin. Trop loin pour faire marche arrière. Un autre chemin avait clos sur leurs pas, les menant vers une autre histoire. Plus complexe mais tellement plus prenante. Ils allaient jouer le jeu et découvrir ce qu’ils se trouvaient de l’autre côté de la route. Leurs mains s’étaient modelées pour qu’elles se rejoignent à la perfection comme deux pièces de puzzles s’assemblant sans accros. Lily était certaine pour avoir expérimenter la chose deux fois, les bras de son meilleur ami était son seul refuge. Rien n’était plus clair que ses sentiments désormais. Son Avenir n’était consisté que de lui. De cet homme si différent et elle l’aimait dans toute sa complexité.

La gryffondor laissait ses doigts déborder de l’étendue ténébreuse composant la chevelure de Severus pour se réfugier sur son visage. Son pouce caressa tendrement sa tempe gauche, souligna ces cernes assez prononcés puis dévia sur la commissure de ses lèvres où la jeune fille se reprit à temps. Juste le temps de frôler l’insaisissable bouche de Severus Snape. Le temps d’un frisson le long de son échine. La seconde pour hésiter. Lily se mordit les lèvres et recula de deux, trois pas. Le souffle court. Elle venait de se laisser engloutir par ses émotions, elle s’était immerger entière dans cet être énigmatique. L’électricité courrait toujours sur sa peau, tel des décharges incontrôlables. La jeune fille tremblait sous leur intensité. Insignifiante face à ces événements. Elle était perdue. Dénudée de raisons.

Je… Tu… Nous… Euh…

Lily hocha la tête cherchant à chasser son trouble, n’osant regarder la personne face à elle. Elle savait qu'elle s'y reperderait.

La colère tonnait toujours en lui mais il essayait de ne pas le laisser paraître, ses doigts au creux de ceux de Lily. Il ne réagit pas tout de suite quand elle leva la main pour la poser dans ses cheveux. C’est alors qu’elle jouait avec ses mèches, les enroulant autour de ses doigts qu’il prit conscience de ce qu’elle faisait. Il releva les yeux vers son visage, la surprise se peignant sur ses traits. Le contact était doux et léger, presque aérien. C’en était grisant. La rouquine sembla alors se rendre compte de la proximité de leurs corps et plongea son regard dans le sien.

C’est alors que le temps s’arrêta. Leurs souffles se mêlèrent. Leurs yeux se soudèrent. Leurs respirations s’harmonisèrent. Leurs cœurs battirent de concert. Plus rien n’avait d’importance. Plus rien que ce regard émeraude qui semblait receler toute la beauté du monde. Tout ce qu’il fallait voir était là, devant lui, rien que pour lui. Un sentiment d’euphorie s’empara de son corps, laissant sa raison loin de cela. La raison n’avait plus sa place en ce lieu. Les émotions avaient pris la place et refusaient toute rationalité. Explosion de sensations nouvelles.

Son cœur manqua un battement. Le temps pour Lily de passer son pouce sur sa tempe gauche. Sa peau fourmillait aux endroits où elle l’avait touché. Son regard dériva sur les lèvres de la jeune fille alors que son pouce approchait de sa bouche, et, pendant un instant, il imagina ce que cela devait être de poser ses lèvres sur les siennes. Il aurait voulu pouvoir le faire, là, en ce moment et en ce lieu. Mais, en un brusque mouvement, la raison revint diriger son cœur. Ce n’était pas le bon moment. Ils le savaient tous les deux. Dommage. Il aurait tant voulu… Son doigt quitta son visage. Contact éphémère.

Lily eut du mal à trouver ses mots, comme s’ils avaient déserté son corps, laissant également ses émotions dicter sa conduite. Elle bégaya quelques syllabes avant de s’interrompre. Son regard le fuyait. Il eut envie de replonger au plus profond de son âme. Il eut envie qu’elle le regarde. Il ne voulait exister que pour elle. Il fallait qu’elle le voie. Mais si elle le regardait à nouveau, elle ne saurait plus s’échapper. C’était la même chose pour lui. Si elle le regardait, il savait qu’il ne pourrait résister.

Alors, avec un goût d’amertume dans la bouche, il baissa les yeux à son tour. Il déglutit difficilement, laissant son corps revenir sous le contrôle total de sa raison et les mots lui revenir lentement. Ce phénomène étrange lui faisait perdre tous ses moyens. Il était mis dans un état de dépendance totale et d’abandon de soi. Et il n’attendait qu’un seul guide. Mais ni ce guide ni lui n’étaient prêts à assumer cette relation pour le moment. Il leur fallait du temps. Du temps pour apprivoiser leurs sentiments. Du temps pour eux…

Lorsqu’il fut certain que sa raison avait repris sa place, il s’autorisa à relever la tête. Lily avait l’air d’avoir autant de difficultés que lui à réaliser ce qu’il se passait entre eux à présent. Cela le fit sourire intérieurement. Ils étaient toujours sur la même longueur d’ondes… Enfin, souvent, pas tout le temps, rectifia-t-il. C’était ce qui leur permettait de pouvoir compter l’un sur l’autre même dans les moments difficiles.

Amorçant un geste pour se remettre à marcher, Severus vit son amie se mettre à le suivre lentement. Tout cela l’avait vraiment perturbée. Sûrement plus que lui. Elle avait les sourcils légèrement froncés et elle se mordait la lèvre, pensive. Il ne s’attarda pas sur sa bouche, ne sachant que trop bien la réaction qu’il avait eue quelques minutes plus tôt. Il préféra laisser se promener son regard sur le paysage qui bordait le Lac de Poudlard. Au moins, il était sûr qu’il ne ferait pas de bêtises…

Le silence commençait néanmoins à être pesant entre eux et il sentit qu’il fallait qu’il dise quelque chose. Il parla de la première chose qui lui vint à l’esprit :

Je me demande comment va se passer le bal…

Du coin de l’œil, il vit que Lily le regardait de temps en temps pendant qu’ils marchaient côte-à-côte.

J’avoue que parfois, les idées de Dumbledore sont un peu folles, et je redoute ce qu’il va nous inventer cette année. J’espère que les autres profs sauront le limiter dans ses extravagances.

Les ficelles électriques se jouaient encore d’elle et prisonnière de leurs attaches, Lily devenait pantin de chiffon. Il était fou de ressentir autant et de n’avoir pas la moindre once de contrôle sur ces tremblements de sa propre chair. Pauvre poupée désarticulée qui se mouvait sous les bruissements de son morceau d’âme. Oui, si elle bougeait, c’était uniquement pour le suivre. Pour ne pas perdre de vue la seule chose qu’elle voyait en ce moment. Elle poursuivait son chemin aveuglément, devant elle, n’y avait-il pas que lui. Sa présence éclairait les alentours, dissipant ces nuages nébuleux, tout ce flou. Petit marionnette, rêvant de chamboulements depuis l’intérieur de sa mousse jusque dans les interstices de son tissu, désormais avait un cœur cousu à vif sur une petite parcelle de son étoffe. Severus lui avait greffé ses sentiments et les alimentait de son énergie. Ses sourires étaient ses piles et ses étreintes s’occupaient de recharger le reste. Il était doux et plaisant de ne plus s’appartenir, étonnant de se perdre dans ses propres méandres. Sa seule préoccupation n’était que de lui fournir un contentement suffisant afin qu’il puisse déceler le bonheur dans chacun de ses gestes. Puis égoïstement, elle désirait qu’il écorche ses iris à sa personne, qu’ils s’abîment dans des regards interdits.

Lily émergea à peine lorsqu’il perça toute sa torpeur de son ténor. Emmitouflée maladroitement de ses nouvelles émotions, la rouquine sentit son sang battre jusque dans ses tempes quand il mentionna le bal, osant à peine entrevoir la quantité de choses pouvant s’y produire. Néfastes comme bénéfiques. Dans ces lieux et moments si communs, elle arrivait déjà à perdre pieds, âme, corps, raison, notions, règles, devoirs. Bref. Durant cette occasion spéciale, tout pouvait se jouer à une allure beaucoup plus empressée que ce qu’elle venait d’expérimenter. La soirée pouvait devenir coupante comme irréellement prenante. Et cela n’allait sûrement pas venir de Dumbledore. La gryffondor se demanda à quoi elle devait ressembler en ce moment, complètement paumée au milieu de ce trop plein de sensations. Ses joues semblaient bouillonner alors que tout son corps animait de milles et un grésillement la faisant vibrer de chaque particule épidermique. Elle se sentait comme une potion mêlée d’ingrédients inconnus, entrain de mijoter sous des feux impétueux et cette pensée lui arracha un sourire amusé. Son état était bien une création d’un maître doué en potions. La jeune fille garda secrètement ce songe pour elle tout en appliquant ses mains fraîches sur ses pommettes cuisantes. Ce contact la ramena un peu à l’endroit actuel.

Hum… J’espère que… Ca ne va pas te poser de problèmes de t’afficher avec moi de la sorte.

Lily déglutit douloureusement imaginant les conséquences que cette simple soirée pourrait amener. Mais des traces de ce bal, c’était certain, il y en aurait. C’était même le but. Voyant la mine étrange qu’arborait son ami, elle s’empressa de compléter sa pensée. Il avait sûrement envisagé Potter et sa hargne de les voir ensemble.

Je veux dire. Je suis née moldue, tu te rappelles… Et à gryffondor qui plus est. Tes… copains ne m’apprécient absolument pas.

Sentiment partagé, cependant. Fourré jusqu’à la racine des molaires dans leur magie obscure, leur fascination pour la souffrance, la mort. Lily se mordit la lèvre inférieure plus fort que lorsqu’elle avait repris un peu de sa conscience quand Severus et elle s’étaient rapprochés. Un peu de son sang perla sur sa bouche, coula dans sa cavité buccale laissant cette impression amère et âpre s’accolait à son palais. La même sensation que lorsqu’elle s’imaginait faire son entrée dans la grande salle agrippée à son meilleur ami crispé, embarrassé, fusillait du regard par ses camarades. Peut être viendraient-ils leur chercher des noises ? Qui sait comment tout cela pouvait rapidement dégénérer.

La gryffondor ne se rendait pas compte de la coupure qu’elle s’était infligée tant elle fut absorbée par cette vision cauchemardesque.

J’ai vraiment hâte d’y être avec toi… Mais si… Si ma présence… Si ma présence créait des conflits…

Lily amena l’émeraude de ses yeux à percuter les prunelles sans fond de Severus tandis que sur sa bouche une goutte vermeille s’étalait, flirtait avec la commissure de ses lèvres en un amas d’hémoglobine troublée. Elle allait s’écorcher pour lui. Oui, elle le ferait peu importe la sentence, peu importe le compromis. Elle voulait être la seule à lui dérober cet éclat qui allumait si rarement sa poitrine en des étincelles visibles depuis sa position. Ces iris scintillaient. Et elle savait que même en temps difficiles, elle oublierait d’avoir mal si elle faisait toujours naître dans son regard, cette lueur insaississable.

Il fronça les sourcils lorsqu’il l’entendit répondre à ses propos. Parlait-elle de Potter et ses compagnons ? Il ne comprenait pas. Il n’avait pas peur des Maraudeurs et Lily le savait. Alors que voulait-elle dire ? Il comprit lorsqu’elle enchaîna. Ce n’était donc pas les Gryffondor qui l’inquiétaient… mais les Serpentard. Severus soupira intérieurement. Oui, les Serpentard n’allaient pas aimer ça. Du tout. C’était sûr et certain. Il n’osait imaginer ce qui allait se produire après le Bal. Ou même pendant. Car si un de ses camarades de Maison avait quelque chose à dire, il n’attendrait sûrement pas la fin du Bal pour venir le leur dire. Ça risquait d’être un moment difficile…

Lily continua à parler, perdue dans ses réflexions. Elle fixa ses prunelles sur les siennes et Severus vit qu’elle s’était mordue la lèvre au point qu’une goutte de sang perlait. Il s’empressa de replonger ses yeux dans les siens, sachant très bien que sa bouche n’était pas la meilleure chose à fixer en ce moment. Alors qu’il contemplait son regard troublé, les sentiments cognaient dans sa poitrine, menaçant de tout faire exploser. Il se demandait encore comment il pouvait rester là à ne rien faire alors qu’il aurait pu si aisément combler ce manque, ce vide, ce gouffre qui s’élargissait en lui de plus en plus. Resterait-il quelque chose de lui ? Tout son corps se tendait vers elle mais c’était comme s’il était paralysé. Ses membres étaient de pierre, alors que dans son cœur brûlait un feu dévorant. Etrange paradoxe, illusion perdue. Saurait-il rejoindre les deux ?

Lily. Ta présence ne créera pas de conflits.

Il parlait à voix lente et basse, régulant ses intonations et contrôlant ce tremblement qui était en lui. Lily avait tellement de pouvoir sur lui. Toute son attitude volait en éclats devant elle. Comment faisait-elle ?

Regarde autour de toi. Les conflits sont déjà là. Bien présents. Et chaque jour qui passe les renforce un peu plus.

Il murmurait, ne voulant pas briser l’atmosphère qui s’était créée autour d’eux à leur insu. Il essayait de la rassurer mais ses paroles ne contenaient que la vérité. Vérité douloureuse. Il eut envie de l’étreindre, pour lui montrer que ce qu’il disait n’avait pas d’importance face à eux. Que leur complicité n’en souffrirait pas. Il se jura de la protéger. Malheur à celui qui tenterait de s’attaquer à elle.

Tu m’as dit que tu t’en fichais des querelles et de ce que pouvaient penser les gens. As-tu changé d’avis ?

Il se mordit la lèvre, soucieux et inquiet tout d’un coup. Peut-être qu’elle voulait trouver une excuse pour ne pas aller avec lui. Elle s’était peut-être rendu compte de la folie que c’était et elle voulait éviter des dégâts. Il se mit à douter et fronça les sourcils.

Si tu trouves qu’il vaut mieux qu’on n’aille pas ensemble au bal, nous n’irons pas ensemble. Je ne veux surtout pas te forcer ou que tu regrettes ton choix par la suite.

Il détacha son regard d’elle, se sentant plus fragile que jamais. Un malaise se répandait en lui, troublant encore plus son esprit embrumé. Il se battait contre le flou qui s’emparait de son corps et avait l’impression de passer d’un extrême à l’autre sans savoir s’accrocher à rien. Tout n’était qu’incertitude et précarité. Lui qui aimait la simplicité ne savait pas s’il allait pouvoir tenir longtemps sur ce fil instable qui tendait son existence. Un pied devant l’autre. Difficilement. Avec l’impression d’être appelé de deux endroits différents. Aller vers l’avant ou retourner sur ses pas. Cette dernière solution était peut-être plus certaine. Il avait la certitude d’une routine. Mais d’un autre côté, il ne pouvait savoir ce que lui réservait l’autre alternative qui s’étendait devant lui. La curiosité l’envahissait et l’appelait. C’était un dilemme constant. Quelle que soit la solution qu’il choisirait, il perdrait quelque chose. C’était évident. Mais qu’allait-il choisir ? Que fallait-il choisir ? Il n’arrivait pas à se décider et revenait sans cesse sur ses pas avant de repartir à nouveau…

Ces mots s’entrechoquaient dans une incohérence sinistre, volée de ces inquiétudes. Cette phrase avait été arrachée d’une main pourvue de griffes acérées dans le plus profond de son essence, à la racine de toutes ses craintes. Nous n’irons pas ensemble. Les doigts de la créature se refermait sur l’écrin de sa personne, l’éraflait et les plaies possédaient cette même saveur acerbe que celle gisant sur ses lèvres. Lily aurait aimé cracher toute cette douleur hors d’elle, abattre le poignet de la bête pour à nouveau s’abreuver de l’oxygène emmêlé de son meilleur ami. Elle prit, mesure après mesure, le temps nécessaire pour pouvoir camoufler cette souffrance muette afin d’éviter une autre dérive. Aujourd’hui était décidemment nourrit de sentiments contradictoires, de frissons brimés et d’attentes à demi avouée. La jeune gryffondor apprivoisait l’ensemble alors que ces incertitudes brodaient autour d’elle une toile aussi savoureuse que perforante. Des trous dans sa poitrine, elle en dénombrait plusieurs mais combien c’était déjà recousu ? Les fils étaient sortis directement des prunelles de Severus en de longs filaments cendres puis à chaque syllabe qu’il avait pu murmurer, il s’était attelé inconsciemment à recouvrir les parois de cette peau, mutilée par ce nouveau fléau que l’on nommait Amour mais également Amitié. Dans leur cas.

Drôle de journée, drôle de relation. Son sauveur était à la fois son bourreau. Mais il était plaisant de comprendre l’absence pour goûter pleinement à sa présence. Plaisant également de subir pour se recomposer ensuite.

La rouquine hocha la tête faisant fuir son cheminement avant de se reconcentrer sur les événements présents. Elle fronça les sourcils et s’arma d’une moue si résolue que même Severus n’aurait pu réfuter sa volonté, son choix.

Severus Snape, j’irai avec vous au bal POINT. Je disais ça juste parce que… je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose…

Lily lui servit son sourire tordu tout en projetant ces émeraudes dans les flammes ébène craquelant les iris du Serpentard en divers endroits. Oui, lui aussi se consumait pour elle. Ce regard était loin d’être innocent, sa manière de lui saisir les prunelles était si intense qu’elle aurait pu suffoquer sous cette combustion satanique. De toute évidence, l’enfer flirtait avec son âme mais cette fois ci uniquement, il était animé par d’autres feux que ceux que le Démon lui chuchotait d’ordinaire. Pourrait-elle le sauver ? Lily ramena sa lèvre inférieure vers l’intérieur de sa bouche et l’hémoglobine s’y trouvant effleura sa langue dans un de ces baisers défunts, de ces baisers qui n’ont que le goût de la Fin. Glacé et défaillant. Son optimisme s’amoindrit mais elle ne perdit pas espoir.

L’Automne semblait d’un seul coup combattre ce prétentieux Eté en faisant naître sur leur royaume commun, d’épais coton sombre et cette lutte s’apparenta à la sienne, celle qu’elle allait devoir menée pour ramener l’homme qu’elle aimait sur une voie censée, le mener à arpenter son chemin.

Lily laissa de longs frissons parcourir son échine alors que l’Astre Solaire succombait peu à peu à cette horde de nuages apprêtés de manteaux aussi obscurs que les tâches de souillure qui pourrissait l'essence des mages noirs. La lumière se dérobait dans un long déchirement, les alentours devinrent nébuleusement abstrus. L’air s’embauma de fraîcheur, signe qu’il craignait la suite des choses, il tremblait tant que ses molécules amenaient la température à chuter. Son écroulement pesa sur l’atmosphère générale, la chaleur désertait les carcasses jusque là enfiévrées et ce climat favorisait une solitude grandissante, une menace qui alourdissait la peine de beaucoup.
Tout le monde prévoyait l’enchaînement logique et déguerpissait de ces lieux hantés par l’arrivée de ces cavaliers célestes. Presque seuls, Severus et Lily ne se remuaient même pas, plantés au milieu de leur propre néant, celui qui les engloutissait dans l’autre.

La première goutte atteignit la rouquine à l’épaule, ce toucher était glacial, transcendant. L’eau s’aventura dans l’émaille de son tissu et elle en ressentit les émanations transies sur son épiderme surchauffé par ce qui logeait son être. Quelques autres perles s’amusèrent à les approcher, une se perdit sur la joue de Severus et la gryffondor rêva secrètement devenir pluie pour arpenter de la sorte les traits de son jeune ami. L’ondée s’abattit ensuite d’une seule traite, comme lassée de voir ces deux insouciants demeuraient figés sous son intimidation. Le rideau de pluie opprimait leur vêtement, forçant l’étoffe de leur tissu à se coller à leur chair pour ne devenir que seconde peau. Indissociable de leur propriétaire. Les cheveux de son meilleur ami s’accolaient à ses tempes plus les secondes s’écoulaient, alors que les siens ondulaient à vue d’œil sous cette humidité inconvenante. Les sensations n’étaient pas forcément agréables et pourtant l’un comme l’autre n’esquissait le moindre mouvement.

Lily ne voulait pas bouger, si ils rejoignaient le château… Ils allaient sûrement se séparer dans ce dédale de pierre, rejoindre leur monde contraire. La gryffondor préférerait tomber malade, tousser la mort et s’agripper au rhume primitif que de se déchirer encore dans des Adieux impersonnels. Si elle avait pu, elle aurait lier son corps au sien, ainsi plus jamais il n’aurait dû la laisser.

Sous cette tempête, la rouquine négligea l’engourdissement du froid pour celui qui lui faisait face, elle omit ces frémissements lui annonçant qu’elle perdait perceptiblement sa tiédeur. Devant elle, elle avait son tout. Le décor était fictif, secondaire. Petite poupée de chiffon redevint manipulée par ce géant aux yeux ténèbres. Pauvre pantin comment existera t-il si désarticulé, il demeurait ? Créateur de toute chose, pourras-tu lire cette peur dans ses iris ? Pourras-tu conserver ta marionnette ? Jouera t-elle encore, toujours un rôle dans ta pièce ?
Elle s’enfichait tellement de devoir sans cesse rejouer les mêmes actes, tant qu’il l’animait et qu’il était là.

Lily prit conscience, blottie entre ces milliers de gouttes, qu’il était déjà bien trop tard pour reculer.
Elle lui appartenait.

Il faillit sourire quand elle eut une moue résolue. Elle était drôle avec ce petit air sûr d’elle et décidée. Son cœur retrouva un rythme de battements normal quand elle répondit à ses craintes. Elle apaisa ses doutes de quelques mots bien choisis et comme toujours en sa présence, il était bien. Leur relation était de plus en plus compliquée et il faisait un pas en avant alors qu’elle en faisait un en arrière et inversement mais leur lien était plus fort que jamais et il était persuadé que rien ne pourrait le briser.

Il la regarda avec tendresse tandis qu’elle se perdait dans ses prunelles. « Je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose… ». Il ne m’arrivera rien, ne t’inquiète donc pas pour moi. Elle le connaissait, elle savait qu’il était capable se défendre s’il le fallait. Ce qu’elle craignait était qu’il s’emporte. Que sa colère prenne le dessus et détruise tout sur son passage. Lui-même savait que quand il était en colère, plus rien ne comptait d’autre que de pouvoir extérioriser cette souffrance hors de lui, se souciant peu des conséquences que cela pouvait avoir sur les autres. Et sur lui-même. Il se disait réfléchi et pragmatique mais ne se leurrait-il pas ? Qui pouvait assurer avec certitude ce qu’il ferait, confronté à une situation nouvelle dans laquelle les sentiments prenaient toute la place ? Comme c’était le cas en ce moment. Avec Lily. Les choses ne seraient plus jamais les mêmes et il avait failli se laisser submerger par ses émotions. Et d’un certain côté, cela l’énervait. Pourquoi était-il si faible face à elle alors que toute la carapace qu’il s’était formée n’était destinée qu’à susciter l’indifférence et l’impression d’être sûr de lui sur les autres ? Il ne savait s’il devait être effrayé du contrôle qu’elle avait sur lui ou plutôt s’en réjouir. Il ne savait où tout cela allait mener. Il ne savait où elle l’emmenait… L’incertitude et le doute. Toujours. Compagnons d’infortune.

Sans s’annoncer, la pluie arriva. Elle reprit ses droits sur le ciel, chassant le soleil loin du Château. Et comme pour prouver son rang, elle se mit à s’abattre sur ceux qui se trouvaient en-dessous d’elle, d’abord timidement, leur laissant le temps de s’écarter de son chemin, puis à un rythme plus soutenu. Les gouttes étaient fines et s’accrochaient à leurs habits, ne demandant nulle autorisation pour s’y loger. Leurs corps se refroidirent rapidement et quelques frissons parcoururent leurs corps trempés. Les cheveux de Lily ondulaient à cause de l’eau et se collaient à son crâne. Il se doutait que les siens ne devaient pas être en meilleur état. Ils avaient l’air de deux abandonnés, perdus sous la pluie qui ne se lassait pas de les arroser un peu plus encore, comme si elle avait voulu les faire siens. Leurs habits étaient trempés et leur notion du temps était partie avec les gouttes qui coulaient le long de leurs vêtements, noyée dans ce qu’il restait d’eux.

Dans un vague sursaut de conscience, Severus parvint à se raccrocher à la réalité du moment. Ils allaient tomber malades s’ils restaient là. Mais il ne voulait pas rentrer dans le Château. Il savait inévitablement ce qui allait se passer s’ils rentraient. Ils se voyaient toujours à l’extérieur, cet extérieur synonyme de liberté. Là ils pouvaient se voir sans être observés par les autres. Alors qu’entre les murs… Il cligna des yeux une seconde, le temps de lui saisir la main pour l’emmener avec lui. Il s’était attendu à ce que sa paume soit froide, à cause de la pluie mais il n’en était rien. La chaleur irradiait à travers sa paume, remontant vers lui comme une vague de feu. Chaque parcelle de son corps reçut sa part de chaleur, si infime était-elle.

Severus guidant Lily, ils se mirent à courir vers l’arbre le plus proche pouvant les abriter tous deux sous ses branches qui s’étendaient comme si elles voulaient toucher les arbres voisins. Cela leur offrirait une protection suffisante contre les éléments de la Nature qui jouaient contre eux en ce moment. Ils haletaient de leur course quand ils furent enfin à l’abri.

Et, sans préméditer la moindre chose, lorsque leurs regards se croisèrent, leurs rires éclatèrent en même temps. Par ce rire, ils évacuaient la pression des jours qui s’étaient déroulés sans la présence de l’autre. Par ce rire, ils s’amusèrent de la situation du moment qui allait leur donner un rhume certain mais qu’ils n’avaient pas pris la peine de rentrer, tout en le sachant. Par ce rire, ils prenaient conscience de la précarité de leur situation qui n’était après tout qu’une suite logique des choses. Et ce rire était si spontané qu’il ne pouvait que les unir à nouveau.

Regarde de quoi on a l’air !

Cela ne fit que renforcer leurs rires. Ils séchèrent leurs cheveux tous deux du mieux qu’ils purent et Severus enleva sa cape pour la tordre. Lily frissonnait plus que lui et il s’en voulut. Ils auraient dû rentrer tant qu’il était encore temps. Mais l’aurait-elle seulement suivi ? Elle laissa son regard dériver sur le Parc dont l’herbe éclatait d’un vert brillant dû à la pluie. Il s’approcha d’elle par derrière et glissa ses bras autour de sa taille, l’enveloppant de ce qu’il lui restait comme chaleur. Il mit sa joue contre sa tête et fixa son regard sur l’étendue de verdure qui s’étalait sous ses yeux – sous leurs yeux, refusant de penser à l’heure fatidique de leur future séparation qui se rapprochait lentement d’eux…

L’ondée bégayait fébrilement quelques bribes d'attachement en épinglant les textures diverses du parc. Par gêne ou par trouble, les perles ondulaient de toute part pour trouver leur amant d’infortune. Ecorche, feuilles, herbes… Elles aimaient de cet Amour éphémère mais si fort. Dévouant leur dernière chute à un étranger pourtant déjà familier, ces gouttes embrassaient d’une seule mesure leur unique compagnon avant de s’éteindre, imprégnées par l’objet, la chose, les végétaux ou bien balayées par la jalousie de l’Astre Solaire. Un seul toucher, une seule saveur et tout ce chemin pour si peu de secondes accordées. Mais Lily les comprenait tellement. La voie empruntée importait peu quand au bout de cet acharnement, il y avait cette foule de sentiments hurlant l’euphorie en se bornant à accrocher l’âme pour la crocheter d’étincelles quasi-désuètes.

La jeune fille oublia qu’elle existait dès qu’il posa sur elle la tiédeur de son corps. Sa fragrance inaccessible, irréelle s’était inévitablement consolidée sous l’humidité grandissante au point que les nuées de son odeur ficelaient chaque nervure de son épiderme d’absence, de lacune. Ces brèches s’emplissaient de sa présence comme on s’abreuve de rêves édulcorés, d’essence nouvelle. Sa respiration posée battait contre son dos, son torse percutait doucereusement son chemisier en de longs mouvements du thorax. Mais cette supercherie artificiellement placide couvrait un cœur nerveux, turbulent dont chaque martèlement était audible pour la rouquine.

Puis. Ses frémissements la ramenèrent à sa condition. Les convulsions qui la soulevaient toute entière devinrent ingérables et elle savait parfaitement que la pluie n’en était pas la seule responsable. Seul Severus n’était averti de l’autre raison et il sembla inquiet alors qu’elle vibrait contre lui dans des émois enfiévrés. Cependant, elle le devança comprenant ce qu’il allait fuser dans son esprit et avant qu’il ne mentionne l’éventualité de rentrer, elle s’empara de lui. D’un tournoiement, elle fut au creux de ses bras, la tête dans les nuages de sa chemise et le corps envenimé de son hyperthermie contre celui raide de Severus. Si leurs précédentes étreintes portaient encore les cicatrices, les marques de leur amitié, celle-ci était définitivement hors de tout propos. Lily était tellement compressée contre lui, s’agrippait tellement à la carcasse de son meilleur ami qu’elle manqua perceptiblement de souffle. Elle s’en fichait de mourir asphyxiée, encore plus de finir congelée car en ce moment, elle ressentait. Elle ressentait la Vie comme jamais. Les picotements la mouvaient en de milliers de tourbillons irréalisés, la faisait chavirer dans des vertiges inconvenants, ignorés. Non tout ça, n’avait rien d’amical, rien de banal, rien de commun, rien de connu. C’était un rien des plus tendres. Il tenait la braise contre sa chair sans s’en prendre une once de conscience, il lui procurait le venin et l’antidote. Souffrir pour se rétablir et sans cesse renouveler la procédure. Elle n’en était pas épuisée. Au contraire, elle développait de plus en plus sa dépendance et désormais, elle craignait ne plus se satisfaire que de son amitié comme avant. Non, elle voulait tellement plus. Ils pouvaient avoir tellement plus. Il y avait tellement à piocher dans tout ça. Tout ça, oui. Elle aimait s’engloutir dans cet amas de sensations et de spasmes.

Lily toussa nerveusement au point qu’elle manqua de s’étrangler pour de bon mais ne se décrocha pas pourtant de Severus, resserrant même sa prise quand elle sentit ses doigts s’emparer de ses épaules pour l’ôter de son torse.

Encore un peu… Juste un peu… S’il te plaît.

Des deux maladies qui grimpaient dans sa cage thoracique, elle n’aurait su dire laquelle des deux la rendait incohérente au point qu’elle s’autorisa des gestes déplacés, peut être esquissé trop tôt dans ce début. Les bactéries, endurcies par ce contact ensorcelant, tempêtaient dans ses veines. Microbes exaltés, convulsifs. L’arête du nez de Lily glissa jusqu’au le cou de Severus pour en inhaler son arôme dans toutes les nuances, toutes les subtilités mêlées. Les doigts de la jeune fille couraient sur son dos afin d’atteindre eux aussi sa nuque, renforçant le côté féru de leur enlacement. La fièvre embrumait ses songes, l’ondée renforçait leur respiration et tout devenait flou intense. Les lèvres de la gryffondor talonnèrent le chemin emprunté plus tôt par ses narines afin de caressait du bout de sa bouche la courbure du cou de Severus.

Tout devient néant instantanément. Un écran noir surpassa cette sensation d’engourdissement, de bonheur. Puis les couleurs revinrent, mélangées d’abord, les contours incertains. Elle reprit consistance suffisante pour s’apercevoir que si son meilleur ami ne l’avait serrée contre lui, elle aurait chuté. Lily laissa sa tête tomber sur le côté, désertant ce toucher si intime, si tendre. Assez censée pour être gênée par sa hardiesse et son malaise soudain, elle ne dit mot et ferma les paupières, toujours blottie par ses bras. N’était-ce qu’un moment volé à l’éternité ? Elle n’arrivait plus à articuler sa raison et le présent ne semblait être superposé à sa réalité.

Malade ou seulement éprise ? Les deux devaient s’être enchevêtrés. De toute évidence.

La chaleur de son étreinte dépassait tout le reste. Tout son corps n’était concentré que sur cette incandescence qui allait certainement finir par le brûler et le réduire en cendres d’ici peu. Mais c’était comme s’il ne pouvait s’en échapper. Pourtant il en avait la force. Il suffisait simplement de lui prendre les épaules. Comme ça. Mais si elle se plaquait à nouveau contre lui, il ne pouvait faire un geste pour la repousser. Elle avait l’air en même temps tellement fragile mais tellement forte… Et ce corps collé contre le sien… Il en sentait la moindre courbure, la moindre inclination, le moindre mouvement. C’en était intolérable. Son souffle était beaucoup trop irrégulier. Et son cœur menaçait de rompre dans sa poitrine. Il fallait qu’il s’écarte. Mais c’était compter sans elle. Ses mains s’agrippèrent à sa nuque. Sa respiration était dans son cou et son souffle le faisait frémir. Puis ses lèvres. Il ferma les yeux un instant. Il devait se ressaisir. Elle ne devait pas être dans un état normal. Sinon elle ne ferait pas ça. Il en était certain. Elle était bouleversée. Bouleversée par ce qui lui était arrivé avec Potter. Ce n’était que ça. Et elle cherchait du réconfort. Il était là et c’était le seul à être présent. Elle était donc venue vers lui. Mais n’importe qui aurait fait l’affaire. Oui. Tout cela n’avait pas de sens. Elle n’était pas dans son état normal. Il devait l’arrêter avant qu’elle ne regrette ses gestes.

Il poussa un soupir plus long que les autres et profita pendant une petite seconde encore du corps de celle qui avait tant d’importance pour lui contre son torse. Puis, animé d’une force dont il ne connaissait l’origine, il l’écarta de lui, lentement mais fermement, ne lui laissant pas l’occasion de revenir se plaquer contre lui. Son regard brillait étrangement. Elle sembla perdue un instant, comme déstabilisée, mais elle se reprit vite. Severus essayait de ne pas se laisser envahir par les sensations qui l’avaient enveloppé quelques secondes plus tôt. Mais c’était difficile. Sa peau fourmillait dans son cou, encore sous l’emprise de la douceur qui l’avait frôlée. Il n’avait qu’une envie, qu’elle se remette dans ses bras. Et qu’elle ne les quitte plus jamais. Mais il savait que ce n’était pas possible. Que ce n’était surtout pas la meilleure chose à faire. Ils étaient tous deux bien trop perturbés pour ça.

Lily le regardait sans comprendre, attendant qu’il parle ou qu’il agisse. Il fixa un instant son regard sur le Parc noyé sous la pluie avant de revenir vers ses prunelles émeraude. Il n’avait pas envie de parler trop vite. Il avait peur qu’elle interprète mal ses propos. Il hésita à parler mais il était bien obligé.

Tout ça est tellement…

Il ne sut quel adjectif utiliser. Rien n’était assez précis pour exprimer ce qu’il ressentait. Il ne voulait pas prendre le risque de prononcer un mot qui ne convenait pas. Il ne fallait pas qu’elle le fuit. Il se tut, la laissant compléter la phrase comme elle le désirait. Ils étaient encore trop près l’un de l’autre, aussi s’éloigna-t-il d’elle de deux pas. Sa présence était trop enivrante. Il avait l’impression que la pluie accentuait les sensations, les rendant plus perceptibles, l’atteignant de plein fouet. S’il restait, il allait se laisser submerger. Et il allait perdre le contrôle. Et ça, il ne le voulait pas.

On devrait rentrer, la pluie ne va pas s’arrêter tout de suite.

Elle le regarda curieusement, mais n’esquissa pas un mouvement pour le suivre. Il se mit néanmoins à faire quelques pas en direction du Château. Il était de nouveau sous la pluie. Il s’arrêta et regarda derrière lui. Elle était toujours sous l’arbre, le regardant s’éloigner sans rien faire. Il fronça les sourcils. Ses cheveux s’étaient à nouveau collés contre son crâne dès qu’il avait franchi la limite de la protection que lui offrait l’arbre, lui donnant un air pitoyable sous l’ondée. Il attendait qu’elle le rejoigne mais elle ne le fit pas. Il revint alors vers elle, à pas vifs. Arrivé à sa hauteur, il hésita un instant. Non, elle n’allait pas le rejeter. Il prit sa main chaude dans la sienne mouillée à nouveau. Des gouttes passèrent d’une main à l’autre, se répandant comme si elles cherchaient de nouveaux horizons à découvrir et à partager. Il murmura :

Viens.

Elle bougea enfin, et ils se mirent à marcher tous deux vers les murs sécurisés du Château. Leurs doigts étaient toujours entremêlés et ils partageaient leur force en donnant à l’autre autant qu’ils recevaient. Severus était devant et guidait Lily. A la fin, ils se mirent à marcher plus vite, la pluie étant décidemment trop intime, se glissant sous leurs vêtements avec une facilité déconcertante. Ils atteignirent enfin le Château et se glissèrent à l’intérieur…

Chimérique toucher, pourquoi t’évertuer à érafler sa conscience en quelques milliers d’écorchures alors que ces tourments avortés gagnent en hâte le chagrin céleste ? Fantôme, ombre ? Peu importe, cette substance glissa entre ses doigts dans un mélange d’amertume fébrile, de pardon imprécis. Les pas de ses créatures craintives couraient encore, toujours, éternellement sur sa peau embrasée bien qu’il ait quitté sa place. Son unique place. Ici, avec elle. Son spectre hantait toujours le corps grelottant de Lily, étreinte utopique croyant qu’elle n’avait ni début ni fin. Son immortalité découlait de leur amour défendu. Corrompue par cette illusoire sensation, elle n’entendit qu’un mot. Rentrer. Pourquoi ? L’ondée palpita contre leur abri sommaire. Indignée. Elle ne pourrait plus être spectatrice, témoin de la délicatesse de ces premiers émois. Ce sentiment d’injustice tambourinait sur leur toit fait de branchages, à tel point que le ciel trébucha, déversant sur ce paysage lugubre une averse torturante, criant mille souffrance. Les siennes. Celles de la jeune fille à la chevelure cuivrée dont le regard fouillait inlassablement le vide du sien, de celui qu’elle aimait. Le néant coulait dans ses iris en un amas de démons fracassés, oppressés, silhouettes aux contours incertains le brisant depuis l’intérieur. Etait-il trop tard pour lui ôter cette hésitation, cette crainte de ses rétines infectées de cicatrices provoquées par ces grattements constants ? Oui, le Mal lui-même lui offrait ces démangeaisons néfastes, ces pulsions destructrices. Comment pouvait-il lutter ? La solitude suintait de chaque pan de son visage égaré. Désarmé par la vie, le combat ne tarderait à atteindre son funeste jugement. La condamnation penchait-elle constamment vers ce côté si noir, si obscur ? L’enfermait-elle déjà suffisamment pour qu’il se refuse à éprouver, à aimer ?

Comme il aurait été plaisant qu’elle le retienne d’un bout de sa chair, qu’elle l’empêche de fuir sous les rideaux de pluie. Il ne fallait pas qu’il s’abîme inutilement, pourquoi ne pas rester là ? Pourquoi ne pas chercher à affronter ces émotions ? A tutoyer l’Amour dans l’entièreté de son concept ? Avait-il si peur ? Négligeait-elle à ce point le moment, le lieu ? Enfiévrée, elle ne résista pas quand il revint la reprendre afin de l’emmener hors de leur sphère, hors d’atteinte. Ils rejoignirent l’étendue divine en constante souffrance dans une indifférence faussée. Les gouttelettes se percutaient à leur carcasse, si profondément que leur morsure glacée pénétrait leur âme sans difficulté, alimentant la température exaltée de la gryffondor. Pourtant, elle n’aurait jamais voulu quitter ce parc, ses douces promesses d’évasion. La paume de Severus cuisait contre la sienne, lui attribuant une force inespérée. Quelques papillons enjoués s’échappaient entre leurs doigts mêlés, ils voltèrent dans les alentours contenant l’amas pluvieux en fouettant l’air de leurs ailes. Le froid était moins perceptible. Tant qu’il ne la lâchait pas.

Ils s’engouffrèrent dans les entrailles du château et la chaleur du lieu enveloppa Lily, prodiguant le meilleur remède à ses spasmes perpétuels. La migraine ne tarda pas, elle avait déjà dû clore sous les perles glacées un peu plus tôt, mais la simple présence de son meilleur avait balayé ce détail insignifiant. Ils tendirent quelques liens tendres, purs entre leur esprit, leur essence en glissant dans les prunelles voisines laissant le monde autour s’absorber dans ce quotidien morne, dénudé d'ardeurs, de saveurs.

Puis.

Puis Severus détourna ces yeux d’elle et s’entrechoqua à ceux des autres, ceux qui ne comprenaient pas, ceux qui n’acceptaient pas. Ceux qui détestaient leur affection commune. Ceux qui enfonçaient Severus dans ses marées ténébreuses où les créatures les plus noirs, les plus détestables piquaient son épiderme terni, l’envenimait d’idéaux erronés, de puissance avarié. C’était fatal, inévitable. Si prévisible finalement. Il retira violemment sa main de la sienne en un mouvement délibérément informe. Etait-elle aussi répugnante ? Assez dégoûtante pour ne pas être effleurée ? Son sang battait dans ses oreilles, ce même liquide flamboyant qui la faisait hérétique, traître, parjures, monstre. Voleuse qui s’était octroyer la magie. C’était ce qu’il pensait également ? Ne valait-elle pas mieux que ces personnes, méritait-elle ce traitement ?

La jeune fille ravala ses larmes d’un battement de cils, rassembla des parcelles de raison et vit clairement. Trop clairement. La douleur vive divisait sa poitrine en de multiples cavités creuses. Les picotements l’empêchaient de s’abreuver d’oxygène, la vie lui échappait. Comme il lui échappait. Elle tourna les talons dans un instinct primitif de survie pour le fuir, fuir ses amis qui n’allaient pas tarder à l’approcher. Quelques intonations émergèrent de son larynx en un son rauque, perdu.

Excuse moi. De nuire à ta réputation, de m’être comporté comme je l’ai fait, d’avoir cru que ça pourrait changer.

En quelques enjambées, elle fut à l’autre bout de la salle. Etait-elle en colère, chagrinée, dépassée ? Malgré tout, malgré ça, elle l’aimait. Cette certitude prenait son importance, c’était elle-même qui creusait les trous dans sa cage thoracique. Mais il allait la faire sombrer.
Que se passerait-il si elle se fichait de tomber ? Et lui, continuerait-il à rester si elle le poussait à bout ? Si elle devenait capricieuse, égoïste ?

Mais où se menaient-ils ?

L’air du Hall était chaud et il sécha les gouttes accrochées à leurs vêtements en un rien de temps. Ce même temps suffit à les séparer. Severus écarta ses yeux de ceux de Lily. Et c’était fini. Les autres captèrent toute son attention. Et les autres gagnèrent. Il lâcha la main de la rouquine. Les autres les séparèrent. Immédiatement, Severus se sentit mal. Sa main n’était plus dans la sienne. Et leur lien en était meurtri. Mais ces regards… Insistants, provocants, incompréhensifs, et persistants. C’était tout. C’était ça qu’il n’aimait pas. Et il sentait en lui cette envie de les repousser loin d’eux deux. Parce qu’ils les brisaient. Alors qu’ils venaient à peine de se retrouver. Mais malgré tout, leur pouvoir était trop fort. C’était comme s’ils puisaient dans leur lien la force de briser ce lien.

Severus manquait d’air. Cette atmosphère brûlante, contrairement à l’air frais et humide du dehors, envahissait son être, le faisait suffoquer, vrillait ses tympans. Ses pensées devenaient fumées et rien n’était plus cohérent. Pourquoi n’avait-il plus la main de Lily dans la sienne ? Où était-elle ? Il tourna le regard derrière lui. Elle le fixait d’un air étrange, triste et un peu coupable. Il ne comprit pas. Jusqu’à ce qu’elle parle. Sa voix lui parvenait de loin, comme si un mur se dressait entre eux. C’était peut-être le cas. Jusqu’où s’élevait-il ? Il n’était pas là il y avait quelques instants encore. S’il tendait la main, arriverait-il à la toucher ? Ou alors le mur était-il trop épais pour qu’ils puissent le briser ? C’était impossible. Rien ne pouvait les atteindre. Il savait que rien ne pouvait les atteindre. Et elle le savait aussi. N’est-ce pas ? Mais alors pourquoi reculait-elle ?

Sans qu’il ait pu prendre conscience de quoi que ce soit, elle était à l’autre bout de la salle. Loin de lui. Loin de tout. Inaccessible. Son cœur manqua un battement. Puis deux. Mais pourquoi le fuyait-elle ? Sa respiration se fit plus bruyante. Il resta un moment planté là, indécis, au milieu de la foule qui le regardait comme s’il était un être répugnant ou une simple curiosité. Ce qu’il pouvait les haïr ! Eux. Elles. Tous ceux qui se permettaient de juger sa vie. Celle de Lily. La leur. Il ne leur avait rien demandé. Comment osaient-ils ? Il serra les poings, recouvrant un peu de sa raison. Le sang lui battait les tempes. Sa mâchoire se contracta. En cet instant, il aurait pu tuer de sang froid celui qui osait se dresser devant lui. Il espérait que personne n’ait la folie de venir vers lui. Il n’aurait su résister. Douce folie. Horrible folie. Présente dans les moindres recoins de son corps. De son âme. Il avait besoin qu’on l’apaise. Et pour ça, une seule personne était nécessaire. Une seule personne y arriverait. Mais cette personne venait de le fuir. Avait-il le droit de lui demander sa présence ? L’accepterait-elle ?

Il n’avait plus le temps de réfléchir. Sinon elle lui échapperait. Peut-être pour toujours. Et il ne pouvait supporter de la quitter dans de telles circonstances. Pas alors qu’ils venaient à peine de se réconcilier. C’était inadmissible. Alors que ces pensées atteignaient son esprit embrumé, ses pas le menèrent d’eux-mêmes vers l’endroit où Lily avait disparu. Une fois l’angle du couloir tourné, ses yeux cherchèrent sa silhouette. Silhouette connue parmi les ombres. Ici nul élève. Immédiatement, il se sentit mieux. Sans les autres transpirant la rancœur et le dégoût, il pouvait respirer librement. Elle était adossée au mur. Il l’observa un moment, laissant son regard apprivoiser cette silhouette qu’il croyait connaître. Mais chaque fois, il était ébloui. Chaque fois, c’était comme s’il la voyait pour la première fois. Chaque fois, elle arrivait à le surprendre. Et rien que pour ça, il savait qu’elle et elle seule avait pris place dans son cœur, comme jamais personne d’autre ne l’avait fait et le ferait. C’était une certitude. Et il sourit en s’avançant vers elle. Savait-elle ce qu’il éprouvait pour elle ? Elle ne pouvait décemment l’ignorer. Il était sûr que cela se voyait à des lieux. Malgré tout… Devait-il espérer qu’elle comprenne ? Ou valait-il mieux qu’elle l’ignore ? Ça encore, il n’avait décidé. Et ce n’était certainement pas maintenant qu’il allait prendre une décision.

Toujours obnubilé par ce corps qui semblait vouloir se fondre dans l’obscurité, il marcha silencieusement vers elle. Lily fixait le sol mais releva brutalement la tête vers lui lorsqu’elle sentit une ombre approcher. Il lui sourit mais rien ne vint sur son visage. On aurait dit qu’il était sculpté dans de la pierre. Cela lui fit mal. Elle souffrait à cause de lui. Encore. C’était comme s’il était destiné à la faire souffrir encore et encore, jour après jour. Il ne le voulait pas. Son âme tourmentée flotta dans ses yeux noirs et il quitta son masque de froideur si durement acquis au fil des ans. Elle seule le voyait comme il était vraiment. Il se demandait parfois si elle ne le connaissait pas mieux que lui ne se connaissait. C’était probable.

Sans penser à ce qu’il faisait, il leva la main vers sa joue. Il frôla sa peau de son pouce, la caressant du bout des doigts. A l’instant où il la toucha, elle perdit son air distant. Ses prunelles s’accrochèrent aux siennes, comme si elles ne voulaient plus jamais les lâcher. Son épiderme était chaud et doux au toucher. Il murmura quelques mots, répondant à ceux qu’elle avait prononcés certaines minutes plus tôt.

Tout peut encore changer.

Elle ne répondit rien et il lui en fut reconnaissant. Il n’aurait pu résister à sa voix. Se rendant compte de sa proximité avec elle, il s’écarta lentement et s’appuya au mur à côté d’elle. La fraîcheur du mur était presque bénéfique pour son corps qui bouillait de l’intérieur. Il renversa sa tête en arrière, fermant les yeux, offrant sa nuque au froid qui se répandait déjà dans son enveloppe charnelle. Lentement, il se laissa glisser le long de la paroi, pour se retrouver assis par terre. Les yeux clos, il murmura à l’adresse de celle qui était à ses côtés :

Je sais que je suis parfois inconstant et que… je te déçois… profondément. Mais je sais que je peux changer.

L’issue se déliait enfin par delà ces carcasses entrechoquées, ces chuchotements acérés, ces échanges perçants de regards aux morsures incertaines. Loin de la Réalité mais surtout loin de sa Réalité. De leur Réalité. L’oxygène s’écartait à la commissure de ses lèvres, refusant de s’enchevêtrer à cet amas de chair brouillée afin de la maintenir artificiellement en vie. Brisée, la marionnette était morceaux de bois décomposés, l’auteur de ce crime était son créateur. Comment lui en vouloir ? Elle lui offert ce pouvoir en toute impunité, il l’avait rejeté.
Il l’avait rejetée. Les paumes de la rouquine balayèrent l’air surchauffé en quête de quelque chose, peu importe. Ces mains tâtonnèrent un élément glacial, silencieux, palpable et sans chercher à comprendre qui était son hôte, elle y apposa son dos. Les filaments translucides de son chagrin hantèrent à nouveau l’émeraude miroitant de ses prunelles, embrumant un peu plus le décor déjà invisible pour celle dont la démence enserrait le corps afin qu’il continue à se mouvoir. Ses doigts se déjouèrent du mur pour frôler sa poitrine, réaliser à quel point elle était écartelée. Les dégâts prenaient des proportions insensées. Chaque fissure s’était muée en crevasses et chaque cavité entamée en trou béant. La jeune fille crut presque apercevoir au creux d’un de ses plis épidermiques, un épanchement d’hémoglobine. L’hémorragie interne forçait les puits de cette carence à puiser jusque dans son énergie, sa force. A mesure que les fils du temps se délaçaient, Lily oubliait de se battre contre cette détresse insondable. Ses jambes vacillaient déjà ou étaient-ce le sol qui hurlait son refus en heurtant les coins de ses dalles ? Elle vrilla son regard sur sa paire de membres flageolants, priant pour que le plancher se dérobe, qu’elle tombe, qu’elle efface. Tout.

Des claquements pénétrèrent la barrière de son nouvel Univers dépecé d’animosité. Quelqu’un allait peut être la sauver.

Arrivée à sa hauteur, l’ombre inconnue lui prodigua les premiers soins à cet amnésie simulée en lui injectant cette fragrance dissoute de divers mélanges épicés, sucrés, impénétrables. La poupée de chiffon couvrit de ses boutons abîmés, déficelés, éteints la silhouette imparfaite de l’étranger. Son concepteur la fixait tout en déposant son masque mensonger à leurs pieds. N’était-ce la encore un geste délibéré pour se la réapproprier ? Etait-ce un quelconque chantage ? Elle ne voulait plus savoir, elle ne voulait plus comprendre. Elle décida qu’elle était stupide, trop stupide pour capter ces cris naissants dans ses deux prunelles sombres.

Feindre la bêtise fût impraticable quand il recousu en quelques petits tours d’aiguilles, les plaies la craquelant. Un effleurement pourtant. Un seul toucher. Une seule onde et elle refut entièrement sienne. Sa répugnance s’était, désormais, désagrégée, il osait l’approcher, il goûtait à sa peau d’un mouvement inhabituel, trop méconnu, inespéré pour ce garçon souillé de pudeur, de contenance suffisante. Il condamna sa décision d’une promesse euphorique, d’un Avenir envisageable, toujours a portée semblait-il de leurs mains recroquevillées. Mais pouvait-elle adhérer à ces éparpillements de songes fortuits alors que les mots mouraient déjà dans ce couloir dénudé d’horripilants personnages ? Il était facile de promettre l’éternité sur une parcelle réduite, dans des circonstances aussi impromptues. Le doute flirtait avec sa guérison, ternissant les astres flamboyants dansant allégrement dans leurs iris regagnées, retrouvées dans ce contact qui avait des senteurs, des airs de déroute avortée. Il était si bon de rentrer chez soi après une errance douloureuse, difficile aussi courte avait-elle existée.

Si proche, il était. Si intense était la tentation. Elle n’avait qu’à s’appuyer grièvement sur le bout de ses orteils pour s’élever physiquement, pour élever la définition de leur relation, bornée à l’Amitié mais en voie constant de modélisation utopique. Son esprit éveillé à l’électricité ambiant, feintait déjà mentalement la scène qu’elle pouvait actionner. Elle pourrait s’emparer de son col pour l’empêcher de se détourner et rapidement, comme un prédateur ferre sa proie, elle s’emparerait de l’insaisissable. Morceau d’étoiles pour résident permanent dans son enveloppe charnelle. Mais avant de pouvoir créer sa révolution, la jeune anarchiste suivit l’éloignement brusque de son compagnon et toute trace de comètes fila avec son mouvement. Les météores échouèrent contre le parquet comme lui, les éclats l’enveloppèrent éphémèrement de scintillements, l'englobant de cette beauté fugace. L’aube semblait réchauffé sa présence, amenant à la gryffondor un peu plus de substances à ces douces paroles, elle y croyait assez pour lui pardonner.

Lily l’aima alors, en silence, préservant durant quelques secondes ce mutisme charnel, cet affolement cardiaque. La fatigue tapait de ses poings sur ses épaules frêles et elle cessa de lutter contre toute cette pression, contre ses tremblements. Coulant contre la paroi tel l’ondée ondulant sur la nature, elle le rejoint dans sa proximité. Elle laissa sa nuque s’arquer sous le poids de toutes ces peines, de toutes ces émotions contradictoires qui les avaient assaillies des heures durant et sa tête trouva refuge contre l’épaule voisine. Accablée, apeurée, elle aurait voulu lui exposer ces sentiments de manière concise pour qu’il comprenne l’ampleur de son affection. Mais ce n’était pas le moment. Ce n’était pas nécessaire maintenant. Pour combler ce vide incité par cette résignation, serment d’autres troubles futurs, elle entoura le bras de son meilleur ami des siens, étreignant son seul membre accessible dans cette position.

Je ne veux pas te perdre… Je ne veux pas te perdre pour eux … Je ne veux pas que tu t’égares. Je veux que tu m’acceptes pour ce que je suis. Pas pour ce que je représente à cause de ce que vous appelez « le sang impur ».

Lily exhiba toute sa vulnérabilité en étalant sur ses traits la souffrance que cette phrase octroyait à sa gorge éraflée, en relevant son visage pour faire face d’une manière comme une autre à son presque amant.

Suis-je répugnante à ce point ? Au point, que tu veuilles me délaisser de la sorte, me rejeter pour ma simple et pure existence ? Quel sens trouves-tu à tout cela? Suis-je insignifiante, méprisable pour avoir été portée, conçue par des moldus? Te suis-je inférieure, Severus?

La jeune fille aurait dû s’énerver contre celui qui la traité comme renégat alors pourquoi se limitait-elle à ces quelques intonations faibles, à peine marmonnées ? La raison était celle qu’elle voulait lui crier. Elle s’était éprise de lui sans en prendre conscience. Les heures, les souvenirs, les discussions, les sourires avaient concouru et les avaient rendu indissociables, complémentaires.

Destinée acharnée, comment comptes-tu offrir le Bonheur dans son intégrité à ces deux âmes entrelacées en de milliers de facettes imparfaites ? T'arracheras-tu à ta contemplation pour assouvir leurs désirs amochés?

Elle le rejoignit dans sa bulle de paix illusoire. Tout n’était que doute et ils le savaient tous les deux. Comme si elle avait voulu le faire sien et l’emmener avec elle loin de tout, elle enserra son bras droit des siens, accolant sa tête à son épaule. Pourquoi fallait-il constamment qu’ils brisent leur lien si durement formé ? Chaque fois, ils se séparaient pour devoir tout reprendre par la suite. Les murs ne cessaient de se succéder entre eux. Toujours plus hauts. Toujours plus imposants. Bientôt, il leur serait impossible de les briser. Et alors tout aurait définitivement changé entre eux. Parce qu’ils ne seraient plus ensemble. Cette pensée le fit blêmir. Deux extrêmes le tiraillaient. Deux perspectives différentes. Deux Avenirs opposés. Il n’avait aucun doute sur ce qu’il voulait. Mais comment faire pour gérer tout ça ? Comment y arriver ?

Lily rompit le silence en lui exposant ses craintes sans pudeur. Elle lui ouvrait son cœur et la première chose qu’il eut envie de répondre était « Je t’accepte pour ce que tu es ». Mais à l’instant où ces mots allaient franchir ses lèvres, il prit conscience de leur absurdité. Non. Non, il ne l’acceptait pas telle qu’elle était. En agissant comme il l’avait déjà fait par deux fois, il prouvait bien que ce n’était pas le cas. Sinon il ne fuirait pas loin d’elle sous les regards des autres. Sinon il ne fuirait pas devant ce qu’elle pouvait lui offrir comme bonheur. Il secoua la tête pendant qu’elle continuait à parler. Ces mots. Ces mots qui faisaient tellement mal. Autant à elle qu’à lui. Plus à elle qu’à lui. Elle devait vivre chaque jour avec ça. Ce n’était pas son cas.

Il ne savait quoi lui répondre. Elle l’avait touché là où ça faisait mal. Et la blessure de son âme se rouvrait sans crier gare. Bien sûr que non qu’elle n’était pas répugnante. Elle était la seule à ne pas lui inspirer de l’aversion. Bien sûr que non qu’elle n’était pas insignifiante. Elle était son Monde, son Univers, sans elle, il ne pouvait exister. Bien sûr que non qu’elle n’était pas méprisable. Il ne vivait que pour elle et son attention. Bien sûr que non qu’elle n’était pas inférieure. Elle le surpassait dans de nombreux domaines. Elle était brillante. Elle était parfaite. Et, malgré tout ce qui leur arrivait, malgré leurs doutes, malgré leurs désespoirs, malgré leurs problèmes, il la voulait à lui. Rien qu’à lui.

Ai-je sous-entendu une seule fois que j’allais te délaisser ? Ai-je dit à un moment que tu n’avais pas ta place ici ?

Sa voix était basse mais tendue. Il s’en voulait. Car il savait que, malgré ses mots, ses pensées restaient sous les ordres de sa Maison. Et pour les Serpentard, les gens comme Lily n’avaient pas leur place à Poudlard. Et, même s’il disait ne pas s’en soucier, il faisait néanmoins partie de cette Maison. Ce n’était pas pour rien. Devait-il fuir ? Pour éviter de la faire souffrir par ses mensonges ? Un souvenir lui revint brutalement, pour lui meurtrir le cœur.

Lily et lui, assis en tailleur au bord d’une rivière. Le soleil scintillant, chauffant leurs corps alanguis. Il avait enlevé sa veste, à cause de la chaleur. Et c’est là qu’elle lui avait posé la question. Et qu’il lui avait menti pour la première fois. « Est-ce que ça fait vraiment une différence d’être née moldue ? » Il avait hésité. Un bref instant. Tandis que ses yeux émeraude cherchaient les siens, il n’avait pas voulu voir s’éteindre la lueur au fond de ses prunelles. Et il avait dit que non, ça ne faisait aucune différence. Ironie du sort. Voilà qu’elle avait grandi et qu’elle lui rappelait cruellement ses propos datant d’une époque où rien ne pouvait encore les séparer. Il lui avait menti, en se mentant à lui-même. Et il était sur le point de recommencer.

Je n’ai plus envie de me leurrer. Je suis à Serpentard. Et Salazar accepte dans sa Maison uniquement les Sorciers de Sang-Pur. Il accepte ceux qui défendent les mêmes idées que lui.

Elle avait blanchi en attendant ses propos. Il la sentit se raidir contre lui avant d’écarter ses bras de lui. Sans la regarder, il continua.

Mais je suis un Sang-Mêlé. Et je suis ami avec toi. Le Choixpeau ne se trompe jamais. Il sait tout sur les gens et arrive à percevoir leur Avenir alors qu’ils n’ont que onze ans. Il n’a pu ignorer mon affection pour toi. Alors pourquoi m’a-t-il placé à Serpentard ? Je me suis souvent posé la question, me demandant quelle était la raison pour laquelle je n’étais pas à Gryffondor avec toi. J’aurais voulu être avec toi. Je le souhaitais de tout mon cœur mais lorsqu’il a prononcé ce simple mot « Serpentard », c’était comme si je m’y attendais. C’était comme si je savais que je n’irai pas avec toi dans la même Maison. Je lui en ai voulu. J’en ai voulu aux autres d’être visiblement tous à leur place. Mais je ne pouvais rien y faire. J’ai tenté tant bien que mal de me forger une place dans la Maison des verts et argents. Tout en sachant que jamais je ne pourrais m’intégrer. Tout me semble tellement…

Il inspira bruyamment, ne trouvant pas le mot qu’il cherchait. Ses yeux couraient dans le vague, essayant de s’accrocher à quelque chose. Il lança finalement un mot, ne sachant si c’était celui qui lui convenait…

… sournois. Comme si tout était fait pour nous liguer l’un contre l’autre. Chaque fois, nous devons nous accrocher pour ne pas sombrer. Chaque fois, je crois que je vais te perdre. Chaque fois, tu disparais. Et chaque fois, c’est de ma faute.

Il se tut, sentant son regard brûlant sur lui. Il ne s’était pas rendu compte qu’il s’était livré comme jamais il ne l’avait fait. Il fronça les sourcils et se releva brutalement, ne supportant plus d’être assis là, à se lamenter sur son sort. Qu’allait-elle penser de lui ? Il s’appuya au mur en face d’elle et mit sa tête entre ses mains. Il se mordit les lèvres, se demandant quelle allait être la réaction de la rouquine…